Le recul des armes est un phénomène important et très étudié car il soumet ces dernières à des contraintes mécaniques importantes. Le tireur est également affecté par ce phénomène de même que la précision du tir dans le cas de tirs à cadence élevée, notamment en rafales.
La modélisation de l'efficacité d'une arme à feu a fait l'objet de nombreuses recherches sans qu'aucun compromis ni équation, parfois ésotérique, n'ait réellement rendu compte du phénomène (lire à ce sujet l'article de Serge LOPEZ).
Pour notre part, compte tenu des expérimentations que nous avons menées ainsi que de celles réalisées par différents laboratoires de balistique, nous considérons que le potentiel lésionnel d'une arme est en lien direct avec l'énergie cinétique du projectile. Il s'agit d'une donnée tangible, mesurable et vérifiable tant expérimentalement que par les retours d'expériences du terrain.
Nous présentons ci-dessous une méthode permettant de définir le recul des armes avec une bonne approximation et de montrer une possibilité de minimiser ce phénomène pour une énergie cinétique imposée par les caractéristiques de la cible.
I – REACTION DE RECUL
Soient les paramètres suivants :
- V0 : vitesse initiale du projectile ;
- mp : masse du projectile ;
- Ec : énergie cinétique du projectile ;
- mpd : la masse de poudre ;
- v0 : vitesse initiale de recul de la masse reculante ;
- M : la masse reculante.
A l’instant où le projectile va sortir du tube, la loi de conservation de la quantité de mouvement permet d’écrire :
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(1) |
Nota sur les paramètres de recul :
1) Sur la vitesse des gaz: la vitesse des gaz est considérée avec une bonne approximation comme étant, en moyenne, la moitié de celle du projectile au moment où ce dernier va quitter le tube. Cependant, sur les armes avec chambre (armes d’épaule) cette vitesse est légèrement inférieure à la moitié de celle du projectile. En effet, la chambre étant d’un diamètre supérieur à celui du tube, le pourcentage de gaz étant encore en chambre est supérieur à celui se déplaçant derrière le projectile ;
2) Sur les phénomènes responsables du recul : dans le but de modéliser au plus près le phénomène, on peut ajouter, au premier membre de l’équation (1), un terme correctif G représentatif de l’impulsion résultant de l’échappement des gaz par la bouche de l’arme, créant ainsi un petit effet supplémentaire de soufflage et induisant une augmentation du recul de l’arme. Cependant, la formule (1) telle qu'elle donne une excellente approximation.
II – EXPRESSION DU RECUL DE L’ARME EN FONCTION DE L’ÉNERGIE CINÉTIQUE DU PROJECTILE
L’expression du recul de l’arme en fonction de l’énergie cinétique dont on souhaite doter le projectile peut nous permettre, en jouant sur le couple masse/vitesse du projectile, de minimiser l’importance du recul pour une énergie cinétique fixée.
Dans cette optique, nous partons de deux principes :
1. L’équivalence énergie cinétique / travail mécanique (produit d'une force par une distance) :
nous amène à considérer que les effets lésionnels sont proportionnels à l’énergie cinétique du projectile ;
2. En première approximation, l’énergie cinétique du projectile est proportionnelle à la masse de poudre :
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(2) |
L’énergie cinétique initiale du projectile est donnée par la relation :
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(3) |
En introduisant l’énergie cinétique du projectile Ec dans l’expression de la quantité de mouvement de l’arme Mv0 , nous obtenons :
soit :
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(4) |
en ayant remarqué que :
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et |
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L’expression (4) nous donne la valeur de la quantité de mouvement dont sera animée l’arme en fonction de l’énergie cinétique du projectile.
Pour une énergie cinétique donnée, Mv0 variera en fonction de la vitesse initiale du projectile. Nous devons donc chercher une valeur de V0 pour laquelle nous aurons un minimum pour l’expression (4) dont la représentation graphique figure ci-dessous.
Pour une énergie cinétique donnée, la quantité de mouvement liée à la masse reculante sera minimale lorsque la dérivée de l’expression (4) sera égale à zéro. Compte tenu que nous cherchons une valeur de V0, cette valeur doit être traitée comme une variable.
Soit :
III – APPLICATIONS NUMERIQUES
III. I - La munition de 5,56 x 45 mm (.223 Remington)
Les données :
- mp = 3,56 g ;
- mpd = 1,63 g ;
- V0 = 975 m/s ;
On trouve Ec = 1692 J, soit V0 = 2038 m/s, mp = 0,8 g et Mv0 = 3,3 Ns pour un recul minimum.
La quantité de mouvement générée par la munition de 5,56 x 45 mm est de 4,27 Ns, soit supérieure de 31% à celle générée par la munition " idéale ".
Quantité de mouvement de la munition de 5,56x45 mm comme fonction de V0 pour Ec donnée |
Les problèmes techniques :
− Existence d'une poudre capable de propulser un projectile à la vitesse calculée ;
− Usure de tubes, interaction chemisage du projectile/rayures du canon, etc..
III. II - La munition de 9 mm Parabellum
Les données :
− mp = 8 g ;
− mpd = 0,4 g ;
− V0 = 350 m/s ;
On trouve Ec = 490 J, soit V0 = 2214 m/s, mp = 0,2 g et Mv0 = 0,89 Ns pour un recul minimum.
La quantité de mouvement de la munition de 9 mm Parabellum est de 2,87 Ns, soit supérieure de 220% à celle générée par la munition "idéale".
Quantité de mouvement de la munition 9 mm Parabellum comme fonction de V0 pour Ec donnée |
Les problèmes techniques :
Les mêmes que ceux décrits pour la munition précédente.
Cependant, la création,dans les années 1980, de munitions THV (Très Haute Vitesse) par la Société Française de Muniitons (mp = 2,9 g, V0 ≈ 700 m/s, mpd = 0,44 g, Ec = 711 J ) se trouve justifiée par le calcul.
IV – CONCLUSION
Le calcul montre que pour une énergie cinétique donnée, l'augmentation de la vitesse et la diminution corrélative de la masse tend à minimiser le recul d'une arme. Les limites sont imposées par des contraintes techniques. Cette constatation est intéressante sur le plan ergonomique mais aussi pour la stabilité des armes individuelles tirant à une cadence élevée.
Si l'on considère (ce qui est démontré par les lois de la mécanique et les expérimentations) que le volume des lésions est proportionnel à l'énergie cinétique du projectile, il apparaît que de petits projectiles animés d'une vitesse élevée peuvent générer des lésions importantes qu'il n'est point nécessaire d'attribuer, par méconnaissance des interactions sous-jacentes, à quelques phénomènes relevant souvent de mythes, tel celui de l'onde de choc qui ne peut exister compte tenu que les projectiles, dans les tissus biologiques, se propagent à vitesses subsoniques par rapport à ces milieux.
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