LES
PROTECTIONS BALISTIQUES INDIVIDUELLES LES GILETS PARE-BALLES Le bon choix |
I - INTRODUCTION
Une présentation sommaire des protections balistiques existe sur ce site. Le sujet des gilets pare-balles est survolé. Il nous a semblé que le thème de la protection individuelle méritait quelques approfondissements. En tant que responsable de l'unité de balistique lésionnelle au Centre Technique de la Sécurité Intérieure, nous avons participé aux groupes de réflexion qui ont contribué à la mise en place généralisée des protections balistiques individuelles au sein des forces de l'ordre.
Ainsi cette présentation s'inspire d'un cycle de conférences que nos avons réalisées à l'attention des utilisateurs de gilets pare-balles et des formateurs. Elle a été adaptée afin qu'elle puisse également être utile à toute personne qui devra évoluer en milieu hostile.
Ces pages s'adressent surtout au non spécialiste qui s'intéresse à ce domaine par curiosité, ou par nécessité.
Quant au spécialiste, il pourra peut-être trouver dans ce document quelques fils conducteurs lui permettant de faire passer un message vers de futurs utilisateurs.
II - LE RÔLE DU GILET PARE-BALLES
• Introduction
Le gilet pare-balles est un moyen de protection. Son acquisition et son port sont autorisés, en France tout au moins.
Certains auteurs, respectables et compétents, considèrent le gilet pare-balles comme une arme, mais une arme de défense. Ils font donc la distinction entre les armes destinées à l'attaque et les armes de défense. Cette distinction semble, d'une manière générale, difficile à tenir. En effet, un attaquant peut très bien s'équiper d'un gilet pare-balles afin d'accroître son potentiel agressif du fait qu'il sera plus difficile à neutraliser que s'il n'en portait pas. Les conséquences d'une telle catégorisation pourrait entrainer la possibilité que le gilet pare-balles subisse le même sort que d'autres armes de défense à savoir qu'il fasse l'objet d'une classification par le législateur, que son achat et son port se trouvent donc soumis à autorisation et que seules certaines personnes soient autorisées à être protégées.
Si l'acquisition est donc aisée, le choix de la protection adaptée à la menace est plus délicat. Pour résoudre ce problème, il est nécessaire de prendre en compte un certain nombre d'éléments, notamment pourquoi et comment utiliser un gilet pare-balles, comprendre comment fonctionne cette protection balistique, quels sont ses éléments constitutifs, bien connaître ses capacités de protection et, surtout, ses limites.
Nous allons passer en revue un certain nombre de points qui permettront d'éclairer progressivement le sujet.
II -1 - LA NECESSITÉ D'UN GILET PARE-BALLES
• Premier point. Pourquoi un gilet pare-balles ?
La question semble superflue. Elle a cependant le mérite de bien clarifier le risque inhérent à une atteinte par un projectile.
Le rôle d'un gilet pare-balles est d'arrêter des projectiles qui sont susceptibles de pénétrer plus ou moins profondément dans le corps, voire de le traverser, et de provoquer ainsi des blessures.
• Un gilet pare-balles, oui, mais pour se protéger contre quoi ?
Jusqu'alors le terme projectile était resté assez généraliste voire flou. Il s'agit maintenant de préciser la menace. Il s'avère qu'elle peut être réduite à deux types : les projectiles tirés par les armes à feu et les éclats en temps de guerre.
En temps de paix, les projectiles d'armes à feu représentent la menace majeure.
En temps de guerre, sur le terrain, bien que les projectiles d'armes à feu ne soient évidemment pas à négliger, le risque de blessures est dû principalement aux éclats provenant d'engins explosifs : grenades, obus, mines antipersonnel à action dirigée, éclat secondaire arraché à une cible lors d'un impact, etc... Durant un combat, l'atmosphère est fortement chargée de particules métalliques de toutes formes, masses et vitesses.
II-2 - LES RISQUES LORS D'UNE ATTEINTE PAR UN PROJECTILE
• Les retours d'expérience du terrain. Le risque hémorragique
Si l'on exclut l'atteinte de l'encéphale (blessure à la tête) généralement mortelle, bien que des spécialistes rapportent des exceptions, on considère que le décès d'un individu touché par un projectile et qui ne reçoit pas de soins immédiats est dû à une hémorragie. S'il ne décède pas directement d'hémorragie, la chute de pression sanguine peut entrainer des désordres physiologiques (état de choc) pouvant être irréversibles et, finalement, mortels.
Les constatations lors d'autopsies montrent que, lors d'une atteinte thoracique ou abdominale, le risque de décès est bien corrélé avec la profondeur de la lésion. Cela s'explique assez aisément, d'une part par le fait que plus un projectile parcourt une longue distance dans un organisme plus il lèse de tissus et accroit le phénomène hémorragique et, d'autre part, que les gros vaisseaux se situent en profondeur et peuvent ainsi être atteints. Outre les hémorragies dues à l'atteinte du système vasculaire, certains organes fortement vascularisés comme le foie peuvent être à l'origine d'importantes pertes sanguines.
L'hétérogénéité du corps humain fait que toutes les régions anatomiques ne présentent pas les mêmes risques hémorragiques en cas de pénétration d'un projectile. Cette constatation permet de privilégier certaines zones par rapport à d'autres afin de répondre aux contraintes ergonomiques qui seront traitées plus loin.
II-3 - LE CORPS HUMAIN EN TANT QUE SYSTÈME À PROTÉGER
• Etude du corps humain en tant que système à protéger
Le thorax et l'abdomen
Une observation du corps, selon différents plans, tend à montrer que la densité sanguine n'est pas homogène. Les gros vaisseaux susceptibles d'être à l'origine d'hémorragies massives en cas d'atteinte se situent plutôt au centre du thorax et de l'abdomen. Cette région anatomique est donc à privilégier en proposant autant que faire se peut une couverture maximale en largeur. En hauteur, en tenant compte des contraintes de mobilité, la région à couvrir est délimitée, en haut, par les gros vaisseaux situés au dessus du cœur en arrière du manubrium (on peut prendre la fourchette sternale comme repère anatomique haut). En bas, la limite est, toujours en tenant compte des contraintes de mobilité, les bifurcations de l'aorte et de la veine cave abdominales.
|
|
Réseau vasculaire.Vue de face |
Réseau vasculaire avec le foie. Vue de face |
|
|
Réseau vasculaire avec le foie. Vue de côté. |
Réseau vasculaire avec le foie.Vue de dos |
Il est à noter que certains gilets pare-balles, qualifiés de lourds ou d'intervention, sacrifiant la mobilité, offrent une protection descendant plus bas : triangle génital, trigone fémoral (voir l'image ci-dessous).
|
Gilet pare-balles avec protections pelvienne et d'épaules |
Les membres
Ils ne font généralement pas partie des régions à protéger prioritairement. D'autant qu'ils peuvent faire l'objet de la mise en place aisée d'un garrot si l'on exclut le triangle de Scarpa (trigone fémoral) qui, pour cette raison, est parfois pris en compte par certaines protections balistiques (voir l'image ci-dessus).
Certains fabricants prennent en compte la protection d'une partie des membres inférieurs, forcément au détriment de l'ergonomie (voir l'image ci-dessous).
|
Gilet pare-balles avec protections de cuisses, pelvienne et d'épaules |
• Résumé
Quelques points clés concernant le rôle d'un gilet pare-balles sont à retenir pour le concepteur d'une protection balistique individuelle ou son porteur :
- Le corps humain est un système hétérogène, complexe et fragile face à une atteinte par un projectile ;
- Le rôle d'un gilet pare-balles est de couvrir les zones corporelles en regard desquelles se trouvent les organes et systèmes à protéger impérativement ;
- La majorité des organes indispensables à la vie sont situés dans le thorax et l'abdomen, cavités appartenant au tronc ;
- Plus profondément, dans ses cavités, se trouvent les gros troncs artériels et veineux qui constituent, avec le cœur et les organes fortement vascularisés, des régions extrêmement vulnérables ;
- La vulnérabilité de ces organes est tout aussi importante lors de tirs dans le dos ;
- En outre, au niveau du dos, la moelle épinière contenue dans la colonne vertébrale est particulièrement exposée. Le rachis n'assure de protection balistique ni pour la moelle épinière ni pour les gros vaisseaux et autres organes.
• Conclusion
Toute pénétration d'un projectile en région thoracique ou abdominale, quelle que soit la direction du tir est potentiellement mortelle.
II-4 - UNE PROTECTION BALISTIQUE, OUI MAIS...
• Pas tous égaux en cas de blessures par balles
Les retours du terrain montrent que les chances de survie face à une atteinte par un projectile dépendent fortement de l'environnement (milieu urbain ou rural, théâtre d'opérations militaires, etc). La rapidité de l'intervention sur la personne blessée est un facteur décisif (pompiers, SAMU, médecine de l'avant pour les armées). De nos jours, dans nos sociétés très civilisées, toute diminution du nombre de tués par armes à feu à tendance à être interprétée comme une réduction des agressions, donc un accroissement de la sécurité. En réalité, elle est plutôt due à la rapidité et à l'amélioration de la prise en charge des blessés par les services de secours et médicaux auxquels il faut rendre hommage.
• Protections pare-balles / protection pare-éclats : nuance… et méfiance
A l'adresse de potentiels utilisateurs : une protection pare-éclats (casque, gilet) n'est pas une protection pare-balles. De nombreuses fois nous avons dû le démontrer à des utilisateurs notamment de casques pare-éclats qui, se croyant protégés vis à vis d'un projectile de 9 mm parabellum, mais néanmoins méfiants, venaient nous consulter. En démontant légèrement la coiffe, nous leur montrions alors la petite étiquette, d'un accès il faut le reconnaître pas très aisé, plaquée sur la face interne de la coque précisant le niveau balistique : éclat STANAG 2920 1,106 g, 600 m/s. Rien à voir avec un projectile de 9 mm Parabellum qui peut d'ailleurs être animé de vitesses bien différentes selon la longueur du canon de l'arme qui l'a tiré.
Souvent l'utilisateur ne peut choisir sa protection balistique. Elle lui est imposée et généralement mise à sa disposition par du personnel qui, bien que sans connaissance particulière, peut exagérer la qualité du produit. Un bon reflexe est de lire les étiquettes, comme nous le verrons plus bas
.
• La particularité des armes blanches
Les armes blanches font l'objet d'études et de tests qui leurs sont propres. Pour s'en protéger, il est nécessaire d'utiliser des protections spécifiques, anti armes blanches ou "anti stab" pour la traduction anglaise. La protection contre ce genre d'agression n'est pas du tout assurée par les gilets pare-balles souples destinés à protéger des munitions d'armes de poing (.38 Special, 9 mm Parabellum, 357 Magnum). Il en est de même avec les flèches d'arcs et traits d'arbalètes qui ont des pouvoirs de pénétration parfois nettement supérieur à ceux des projectiles d'armes à feu. L'explication sera exposée dans la suite et il suffit pour l'instant de savoir que les fibres qui constituent les packs balistiques souples ne présentent pas une bonne résistance au cisaillement, mode dans lequel elles sont sollicitées avec des armes blanches et autres éléments tranchants. Soyons néanmoins rassurant : on est mieux protégé face à une agression par arme blanche en portant un gilet pare-balles que sans.
A noter
Face à la faiblesse des gilets pare-balles souples vis à vis des armes blanches, certains fabricants proposent des gilets pare-balles auxquels ont été ajouté un élément anti armes blanches et en précisent le niveau de résistance qui est défini, selon des normes, par l'impact d'une lame normalisée. La force de l'impact, donnée en joules, varie selon le niveau de protection souhaité.
III - PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT D'UN GILET PARE-BALLES
Une protection balistique bien conçue doit remplir deux missions : arêter le projectile et limiter le traumatisme arrière.
III-1 - ARRÊTER LE PROJECTILE
Protéger un individu de projectiles n'est pas difficile en soi. Mais lorsqu'il s'agit de le faire avec une protection individuelle, portable et la plus légère possible, l'équation est plus complexe. Il s'agit alors de trouver des matériaux présentant une forte résistance mécanique tout en étant les plus légers possible. Heureusement, la technologie apporte des solutions.
III-1-1 - LES MATÉRIAUX UTILISÉS
Les anciens gilets pare-balles étaient constitués de plaques de métal formant un tuilage. Leur poids important et leur relative rigidité limitaient leur utilisation.
De nos jours, sont utilisés des tissus réalisés avec des fibres qui présentent une forte résistance à la traction. On dit qu'elles possèdent un haut module en traction.
Les principales fibres utilisées sont les fibres para aramides (Kevlar®, Twaron®,…) et les fibres de polyéthylène (Spectra®, Dyneema®,…). Le choix entre les deux matériaux dépend de plusieurs facteurs comme le poids (préférence pour le polyéthylène : diminution d'un tiers du poids), la tenue à la chaleur (préférence pour les para aramides), la sensibilité à l'humidité (préférence pour le polyéthylène)…
La recherche apporte de temps en temps de nouveaux matériaux aux propriétés réputées surpasser celles des produits actuels. Certains semblent effectivement prometteurs comme les nanotubes de carbone, par exemple. Néanmoins, de nos jours, les matériaux les plus utilisés sont les fibres que nous avons évoquées ci-dessus.
• Modules en traction et en cisaillement
Quelques lignes à ce sujet pour comprendre la force des fibres et leur faiblesse.
Module en traction
Cette caractéristique définit la résistance mécanique en traction de la fibre, c'est à dire lorsqu'elle est étirée dans le sens de sa longueur. Pour l'exemple, à poids égal, un câble en fibres para-aramides présente une résistance à la traction cinq fois supérieure à celle d'un câble en acier. Quant aux fibres en polyéthylène, elles sont réputées dix fois plus résistantes que l'acier. C'est cette particularité qui permet l'arrêt d'un projectile par un pack balistique, à condition que les fibres puissent être sollicitées en traction c'est à dire selon leur plus fort module.
|
Fibre en traction |
Module en cisaillement
Il détermine la résistance mécanique lors d'une sollicitation perpendiculairement à sa longueur, sans possibilité pour la fibre de se déplacer. Ce module est faible pour les deux types de fibres. C'est ce qui explique leur mauvaise performance dans l'arrêt de projectiles ou d'objets tranchants (flèches d'arcs et traits d'arbalètes, armes blanches…). On comprend également que l'on doive laisser une liberté relative à ces fibres afin qu'elles puissent se mouvoir vers l'arrière lors d'un impact, leur permettant ainsi d'être sollicitées selon leur plus haut module, en traction.
|
Fibre en cisaillement |
Traction, cisaillement synthèse
|
|
Fibres sollicitées en cisaillement |
Fibres sollicitées en traction |
Module en traction, module en cisaillement : les conséquences
Les notions de modules en traction et en cisaillement étant éclaircies, on comprend mieux qu'un gilet pare-balles, comme son nom l'indique, est destiné à arrêter des balles. Il se trouvera donc en difficulté face à des projectiles tranchants.
III-1-2 - FIBRES, FILS, TISSUS, PLIS
• Les deux principales fibres : les fibres para aramides et en polyéthylène
Ci-dessous, deux images présentant un fil réalisé à partir de fibres para aramides (Kevlar®, Twaron®,…) et de polyéthylène (Spectra®, Dyneema®,…). Les fibres para aramides sont de couleur jaune et celles en polyéthylène sont blanches. Ces fibres suportent mal la teinture, ainsi leur couleur respective permet des les indentifier.
|
|
Fibres para aramides (Kevlar®, Twaron®...) |
Fibres de polyéthylène (Spectra®, Dyneema®...) |
A partir des fibres, on fabrique des fils qui permettront de réaliser des tissus balistiques que l'on appelle "plis". Ces derniers sont les unités constitutives du pack balistique. Pour créer ces tissus balistiques, deux méthodes sont principalement utilisées : le tissage pour les fils de fibres para aramides qui se prêtent bien à cette méthode et la juxtaposition (mode unidirectionnel) pour les fils de fibres de polyéthylène qui se prêtent moins bien à la méthode du tissage. Dans le cas de la juxtaposition, un pli est constitué de deux tissus superposés à 90 degrès. On obtient ainsi une tenue mécanique équivalente au pli tissé (voir les deux images ci-dessous). La technologie évolue et d'autres procédés peuvent apparaître. Ils vont toujours dans le sens d'une plus grande efficacité ou d'un meilleur confort.
|
|
Tissage - Kevlar®, Twaron® |
Unidirectionnel - Spectrashield® |
|
|
Pli de Kevlar®, Twaron®... |
Pli de Spectra®, Dyneema®... On remarque la structure croisée à 90° |
Le niveau de protection est fonction du nombre de plis
La superposition des plis, en nombre variable, permet d'adapter la protection au niveau de la menace. Les plis sont cousus entre eux de telle manière qu'un passage d'aiguille ne traverse pas tous les plis. On évite ainsi de créer une zone de faiblesse.
• Densité surfacique d'énergie
C'est le rapport entre la quantité d'énergie et la surface. Dans le Système International, elle s'exprime en joule par mètre carré (J/m2).
En balistique terminale il s'agit du rapport entre l'énergie cinétique du projectile et sa surface d'interaction avec la cibe. Elle peut être assez compliquée à définir compte tenu qu'elle est susceptible de varier tout au long de l'interaction avec la cible, ce qui est d'ailleurs recherché avec les protections balistiques. Lorsqu'un accord est trouvé pour définir la surface d'interaction, en la calculant par exemple à partir du calibre du projectile, cette donnée est utillisée pour caractériser le pouvoir de pénétration de ce projectile. Rien n'empêche de l'exprimer d'une manière plus parlante pour le balisticien, en joules par millimètres carrés (J/mm2).
Pour une énergie cinétique donnée au moment de l'impact, plus la surface d'interaction est importante plus la densité surfacique est faible et plus le projectile peut être arrêté aisément. C'est ce que l'on constate. Il est donc clair que plus un projectile est déformé lors de son interaction avec la protection, plus la surface d'interaction s'accroît et mieux il est stoppé.
L'union faisant la force, plus le nombre de fibres sollicitées est important plus le projectile est arrêté aisément. Ainsi, la déformation voire la fragmentation du projectile sur ou dans la protection est un facteur prépondérant dans son arrêt. C'est la caractéristique principale des protections balistiques, y compris des blindages. Pour être efficace une protection balistique doit déformer, casser, "faire du mal au projectile" disent les spécialistes des blindages.
|
Projectile arrêté dans des plis de Twaron® |
Dans un pack balistique souple, les premiers plis sont surtout sollicités en cisaillement alors que les suivants le sont en traction.
Pour arrêter un projectile, on utilise le principe du filet.
|
Les premiers plis sont sollicités encisaillement. Les suivants le sont en traction, ils jouent le rôle d'un filet. |
III-2 - LIMITER LE TRAUMATISME ARRIÈRE
Bien que le projectile soit arrêté, son énergie cinétique et sa quantité de mouvement sont transmises à la protection balistique, qui se déplace violemment vers l'arrière, puis à la région corporelle en regard de l'impact. Ce phénomène peut être à l'origine de traumatismes au niveau de la zone impactée. En effet, la région corporelle qui se trouve en arrière de l'impact subit à son tour une brutale mise en accélération, créant ainsi une déformation en profondeur sous la forme d'un cône dynamique. Ce dernier peut générer des lésions plus ou moins importantes, identiques à celles provoquées par l'impact d'un objet contondant, tel un projectile de lanceur de balles de défense par exemple.
|
Formation du cône dynamique
Gélatine balistique à10 % et 4°C |
Ce phénomène lésionnel doit être réduit à son minimum, sans pour autant nuire au bon fonctionnement de la protection. En effet, pour que les fibres soient sollicitées selon leur plus haut module, c'est à dire en traction, elles doivent pouvoir se déplacer vers l'arrière. La solution généralement adoptée est l'ajout d'un matériau anti traumatique à l'arrière du pack balistique. Ce matériau anti traumatique intercalé entre le pack balistique et le corps joue le rôle d'amortisseur et de diffuseur d'énergie.
|
|
Schéma de la transmission du choc dû à l'impact.
Sans matériau anti traumatique. |
Schéma de la transmission du choc dû à l'impact.
Avec matériau anti traumatique. |
• Les matériaux anti traumatiques
Il en existe plusieurs types. On notera, par exemple :
1 - Les ouates ;
2 - Les mousses ;
3 -Les structures en nid d'abeilles.
|
Différents types de matériaux anti traumatiques |
La difficulté réside dans le choix du matériau anti traumatique qui présente une bonne absorption/diffusion de l'énergie aux vitesses de déformation imposées par le projectile. La plupart des matériaux étant testés habituellement en mode quasi statique, il est nécessaire de les évaluer en mode dynamique en les soumettant à des vitesses de déformation identiques à celles qu'ils subiraient dans la pratique.
Dans certaines configurations, le rôle anti traumatique est assuré par l'insertion dans le pack balistique de plis présentant une plus grande rigidité.
Enfin, les nouvelles technologies présentent des matériaux qui se rigidifient lorsqu'ils sont soumis à des impulsions mécaniques ou à de grandes vitesses de déformation.
Il est intéressant d'avoir à l'esprit que des matériaux qui présentent d'excellents comportements en laboratoire peuvent perdre leurs caractéristiques lorsque qu'ils sont soumis aux contraintes d'un usage régulier dans le temps.
Les packs balistique et anti traumatique réalisés, ils sont enfermés dans une housse étanche.
| |
Le pack balistique et l'anti trauma sont inserrés dans une housse étanche. |
La housse est soudée afin d'assurer l'étanchéité. |
A partir de ce moment, on appellera "pack balistique" l'ensemble constitué par le matériau balistique, l'anti trauma et la housse étanche.
Cet ensemble est, à son tour inséré dans une housse de protection qui forme la partie exterieure, visible,du gilet pare-balles.
|
Le pack balistique complet est inserré
dans la housse extérieure. |
A noter
On peut être amené à sortir le pack balistique de la housse extérieure. Cette opération est prévue, donc aisée. On peut, en effet, souhaiter nettoyer la housse extérieure, vérifier l'intégrité du pack balistique et surtout de sa housse étanche. Au remontage, il faut bien s'assurer de replacer le pack dans le bon sens, de sorte que le matériau anti traumatique se trouve bien vers l'intérieur (vers le corps) et non pas vers l'extérieur. Le sens du montage est indiqué sur le pack.
III-3 - LES PLAQUES BALISTIQUES RIGIDES
Pour arrêter les projectiles plus puissants tirés par des armes d'épaules, fusils, fusils d'assaut, on utilise des plaques balistiques qui présentent un pouvoir d'arrêt accru. Selon le niveau de protection balistique que l'on souhaite atteindre, on utilise des plaques réalisées avec les mêmes matériaux que les packs souples, c'est à dire en fibres para aramides (Kevlar®, Twaron®…) ou en polyéthylène (Spectra®, Dyneema®…). Dans ce cas, les plis sont enduits de résine et l'ensemble est pressé à chaud. Les phases d'enduction de résine et de pressage sont déterminantes pour la bonne tenue des plaques dans le temps et éviter un délaminage. Si l'on souhaite atteindre un niveau de protection encore supérieur et notamment arrêter les projectiles perforants, on utilise d'autres matériaux comme la céramique, en plaques homogènes ou en plaques constituées d'éléments de formes diverses inclus dans une matrice. Cette dernière configuration permet de limiter la fissuration de la plaque qui entrainerait une perte d'efficacité en cas d'impacts multiples.
Certaines protections balistiques sont constituées uniquement d'une plaque avant et arrière insérées dans une chasuble ou porte plaque.
Du fait de leur rigidité, les plaques balistiques nécessitent l'usage d'un matériau anti traumatique.
|
Plaques balistiques, dont une en polyéthylène. |
Deux exemples du bon "travail" d'une plaque balistique
La vidéo ci-dessous montre la plaque dorsale en céramique d'un combattant ukrainien qui l'a parfaitement protégé de deux impacts. Il a la vie sauve et peut même continuer sa mission.
Combattant ukrainien bien protégé par sa plaque dorsale en céramique. (Source inconnue). |
Face à des munitions puissantes, seules les plaques rigides sont efficaces. Sur les images ci-dessous, le jeune soldat ukrainien, bien qu'ayant subi un traumatisme, doit sa vie sauve à la plaque qu'il portait.
Soldat atteint par un projectile de 7,62x54 mm russe. |
Conseil
Si à l'occasion d'une mission sur un théâtre d'opérations, vos hôtes vous proposent ou vous imposent le port de protections balistiques, s'il y a une plaque, assurez-vous qu'il s'agit bien d'une plaque balistique. On a vu des gilets pare-balles usagés dont la plaque balistique avait été remplacée par une plaque en bois. Donc, faites confiance à vos hôtes, mais vérifiez quand même !
IV - LES NIVEAUX DE PROTECTION BALISTIQUE - LES NORMES
Il existe dans le monde différentes normes définissant les niveaux de protection balistique (européennes, allemandes, anglaises, russes, états-uniènnes…). Chacune de ces normes est définie en fonction du contexte agressif dans lequel est censé évoluer le porteur du gilet pare-balles. C'est ce qui explique les variations apparaissant entre différents pays, même si l'on pourrait souhaiter une réelle uniformité au niveau européen.
Quelles que soient leurs origines, les textes définissent des classes de protection correspondant à des munitions de plus en plus agressives. Elles établissent également des protocoles de tests stricts. Certaines de ces normes tiennent compte d'un seul impact, d'autres d'impacts multiples et, dans ce cas, imposent une répartition précise de ces derniers sur l'éprouvette de test.
La déformation arrière susceptible de donner une indication sur le traumatisme contondant engendré par l'impact est prise en compte. Selon les pays, elle est évaluée sur de la plastiline, matière composée de poudre minérale (carbonate de calcium) mêlée à de faibles proportions de cires industrielles et d'huile minérale. Sur ce matériau, étalonné avant les tests, l'enfoncement maximum toléré varie également en fonction des pays, de 20 à 25 mm pour l'Europe et jusqu'à 44 mm pour les États Unis. Cette différence pour les Etats-Unis est due à la prise en compte du calibre .44 Magnum. Au Centre d'Études et de Recherche du ministère de l'intérieur, devenu plus tard le Centre Technique de la Sécurité Intérieure, nous avons été parmi les premiers, avec la DGA, à initier la mesure du cône dynamique de déformation sur gélatine balistique à 10 et 20 % par caméra à haute vitesse.
Ces différentes normes se trouvent aisément sur l'Internet. Ci-dessous, nous proposons un lien vers l'une des plus anciennes organisations ayant créé une norme, le National Institute of Justice :
https://nij.ojp.gov/topics/equipment-and-technology/body-armor
Pour une vision synoptique des différentes normes on pourra consulter le tableau proposé par la société DSM Dyneema.
A noter
Les normes balistiques ne sont pas figées, elles peuvent évoluer, suivant ainsi l'évolution de la menace.
• Décryptage d'une norme
Une norme balistique est un document technique dans lequel chaque information a son importance. Elle décrit précisément les caractéristiques de protection du produit concerné, testé selon un protocole précis et détaillé. Une lecture avisée permet également de déduire les limites d'une protection.
Prenons un exemple avec la norme N.I.J. 0101.06 dont nous présentons, ci-dessous, un extrait du tableau de classification. On peut accéder à la totalité du tableau en suivant le lien ci-dessus.
|
Première partie du tableau des normes N.I.J.
On notera la description précise du protocole de test. |
Cette partie du tableau est instructive car elle permet d'éclairer un certain nombre de points dont il faut tenir compte quand on entend qu'une protection répond à une norme.
Cas concret
On vous dote d'un gilet pare-balles, ou on vous le propose à l'achat. Il s'agit d'un gilet discret, équipé d'un pack balistique souple. On prétend, à juste titre, que fabriqué selon la norme NIJ, il protège contre les calibres d'armes de poing les plus courants en Europe c'est à dire : .38 Special, 9 mm parabellum et .357 Magnum. Si vous êtes néophyte, personne ne peut vous le reprocher, vous repartez satisfait avec votre gilet sans poser de questions gênantes à votre fournisseur. Après avoir lu les pages qui suivent, ce ne sera plus le cas. Donc, étudions le tableau.
On constate qu'il est subdivisé, de haut en bas en cinq classes : IIA, II, IIIA, III, IV (on dit deux A, deux, trois A, etc…), chacune de ces classes correspond à un niveau de protection croissant vis à vis de projectiles de plus en plus agressifs. Les niveaux de protection commencent avec la classe IIA propre aux armes de poing et culmine avec la classe IV qui correspond aux projectiles de guerre perforants de calibre 7,62 mm. Il fut une époque où le tableau commençait à la classe I qui concernait les projectiles suivants :
- 22 Long Rifle à balle plomb, m = 2,6 g, v = 320 m/s ; - 9 mm court FMJ, m = 6,2 g, v = 312 m/s.
Cette classe I ne devait pas susciter beaucoup d'intérêt, d'où la décision de commencer à la classe IIA.
Nous arrivons maintenant aux détails importants.
• Le type de projectile
Pour chaque classe sont spécifiés un certain nombre de paramètres :
- Le type de projectile : par exemple, pour la classe IIA : 9 mm FMJ-RN soit Full Metal Jacketed – Round Nose et en français : 9 mm entièrement chemisée – pointe ronde (pour nous cylindro-ogivale) ;
- La masse du projectile : 8 grammes ;
- La référence du fabricant : Remington 23558. Information importante car elle permet de connaître toutes les caractéristiques du projectile. Par exemple, la nature des matériaux utilisés pour la fabrication du noyau et de la chemise et l'épaisseur de cette dernière. Autant de facteurs qui influent sur la capacité de pénétration et de perforation du projectile. Nous nous souvenons des difficultés que nous avions rencontrées avec le projectile de 9 mm Norma 19022 par rapport à d'autres munitions de 9 mm parabellum ;
- La vitesse : les vitesses sont précisées avec une marge de tolérance relativement sévère ;
- Conditioned / new Armor : deux cas sont envisagés. Les tests sur un gilet neuf à température ambiante (new Armor) ou sur un gilet (conditioned Armor) qui a été placé, après passage dans une enceinte climatique, dans des conditions d'utilisation particulières de température. Dans ce cas, on accepte une baisse de performance.
L'importance du type de projectile dans sa classification apparaît également pour le calibre .357 Magnum qui, selon les cas, est classé II ou IIIA.
• La vitesse du projectile
Selon sa vitesse, un projectile peut passer d'une classe à l'autre.
C'est le cas du projectile Remington 23558 de calibre 9 mm FMJ-RN pesant 8 grammes qui se trouve en classe IIA ou II selon qu'il est testé à la vitesse de 373 +/- 9 m/s ou à celle de 398 +/- 9 m/s sur des protections neuves.
• Les conditions des tirs
Dans le tableau complet sont précisés le nombre de tirs qu'une éprouvette doit supporter ainsi que les différents angles d'incidence sous lesquels les tirs doivent être réalisés.
En résumé
Il ne nous semble pas nécessaire d'aller plus loin pour démontrer au lecteur la relative complexité du sujet et que face à une assertion sommaire prétendant que tel gilet pare-balles arrête tel calibre, il n'est pas inconvenant de demander plus de précisions.
IV-1 - LES NIVEAUX DE PROTECTION BALISTIQUE EN PRATIQUE
Savoir lire une norme est utile. Cependant, on ne dispose généralement pas de ce document lorsqu'on se voit attribuer un gilet pare-balles. C'est pourquoi il est utile d'avoir quelques repères.
Arrêter les projectiles d'armes de poing
D'une manière générale, les gilets pare-balles souples sont destinés à l'arrêt des munitions tirées par une arme de poing. On entend par armes de poing les pistolets et revolvers dont la longueur du canon est de l'ordre de quatre à six pouces, soit de 10 à 15 centimètres. Au-delà de ces longueurs de canons, les vitesses risquent d'être en dehors des normes. Attention également aux munitions peu courantes du type balle THV 3,5 g, 600 m/s qui nécessitent une plaque additionnelle pour être arrêtées. Certes, il y a longtemps que la THV n'est plus commercialisée et, pour réaliser des tests, nous étions obligés de la fabriquer. Cependant, il peut en rester dans des fonds de tiroir. Attention également à la 7,62 mm Tokarev ou la 7,63 Mauser qui après avoir traversé un bloc de 50 cm de gélatine balistique n'est pas arrêtée par un pack balistique souple. Mis à part ces cas particuliers et fort rares, un gilet pare-balles souple (discret, léger, etc.) arrête les projectiles les plus courants tirés par une arme de poing : .38 Special, 9 mm Parabellum, .357 Magnum. Il en est de même du calibre .40 S&W, peu courant sous nos longitudes, ainsi que du calibre .45 ACP qui, le temps passant, devient plus rare.
Arrêter des projectiles plus puissants - Ajouter une couche
Lorsque l'on souhaite accroître le niveau de protection balistique, on ajoute, en avant du pack souple une plaque rigide capable d'arrêter un projectile plus puissant. Nous avons vu les plaques rigides ci-dessus, aussi nous n'y reviendrons pas. Il est bien entendu que l'accroissement du niveau de protection ne concerne que la surface recouverte par la plaque additionnelle. On peut prendre pour exemple les munitions de calibre 7,62 x 51 mm (.308) ou de 5,56 x 45 mm (.223 Remington) à balles munies d'un noyau en plomb et d'un chemisage en laiton qui équipent classiquement les forces de l'OTAN*. Il est à noter que les projectiles en dotation* dans les armées de l'ancien pacte de Varsovie, soit le projectile de la cartouche de 7,62 x 39 mm pour l'AK 47 et le projectile de la munition de 5,45 x 39 mm pour l' AK74 sont tous deux dotés d'un noyau en acier doux et sont capables de perforer les plaques en fibres para aramides ou en polyéthylène, tout au moins à courte distance. Les niveaux de protection s'adaptent aux menaces susceptibles d'être rencontrées selon les théâtres d'opérations.
* Le terme de balle ordinaire correspond ou tout au moins correspondait aux projectiles en dotation de base chez le combattant de l'OTAN. Il en était de même pour la France lorsqu'elle ne faisait pas partie de cette organisation. Nous utilisions, alors, la munition de 7,5 x 54 mm. Pour les armées des pays membres du pacte de Varsovie, les projectiles ordinaires des AK 47 et AK 74 étaient dotés d'un noyau en acier doux qui les rendaient plus perforants que ceux de l'OTAN. Il est à noter que ces projectiles sont toujours utilisés malgré la dislocation du "bloc de l'est".
De nos jours, du fait de l'équipement quasi systématique des combattants de protections balistiques, cette distinction est moins claire et le "panachage" des munitions est pratiquement devenu une règle.
• Connaître d'un coup d'œil le niveau de protection d'un gilet
Le niveau de protection balistique est indiqué sur une étiquette placée sur le pack balistique, qu'il soit souple ou rigide. Sur cette étiquette se trouvent diverses informations telles que le nom du fabricant, le type de matériau utilisé, le numéro de lot et, surtout, les poids, les vitesses et les types de projectiles qui sont arrêtés. Si cette étiquette est là, c'est pour qu'elle soit lue !
|
Etiquette informative
Elle doit figurer sur tout pack balistique. |
A l'occasion de nos conférences, une question nous était régulièrement posée : y a-t-il des projectiles qui ne sont pas arrêtés par mon gilet pare-balles ? Notre réponse était toujours la même : considérez que votre gilet n'arrête aucun projectile sauf ceux qui figurent sur l'étiquette informative du pack balistique.
Toute tentative de vouloir estimer la capacité de perforation d'une munition, par rapport à une autre, en fonction de son énergie cinétique est risquée. Bien d'autres facteurs entrent en compte, comme le calibre, l'épaisseur de la chemise du projectile, le matériau dont il est composé…
IV-2 - LES DÉFAUTS DE LA CUIRASSE
Le gilet pare-balles protège les zones qu'il recouvre. Cela paraît évident pour les faces avant et arrière. On a souvent tendance à oublier les cas d'atteintes de profil. C'est principalement sur les côtés que se situent les défauts de la cuirasse. Ce défaut de protection apparaît notamment lorsque les packs balistiques avant et arrière, souvent à cause d'un mauvais choix de taille, se recouvrent mal voire pas du tout, laissant ainsi une région non protégée. Si l'on peut remédier à ce problème par un meilleur ajustement de la protection, il est une lacune que l'on ne peut palier tout au moins sur les gilets discrets. Il s'agit des passages des épaule et des bras. A ce sujet, penser que les muscles des épaules puissent apporter une certaine protection lors d'une atteinte de profil, comme il nous est arrivé de l'entendre, est une mauvaise idée. Les défauts de la cuirasse existent, ils sont inévitables et il faut les connaître pour éviter de les exposer.
|
|
Région non protégée, en rouge. |
Une solution : les protections d'épaules.
Pas envisageable sur gilets discrets. |
Les défauts de la cuirasse seront généralement d'autant plus limités que le gilet pare-balles couvrira le maximum de surface corporelle. Il faut donc choisir la bonne taille. Nous avons eu la mission d'expertiser un gilet pare-balles qui, lors d'un tir de trois quart de profil d'une charge de plomb de calibre 12, n'a pas sauvé la vie de la personne qui le portait. L'impact a eu lieu en limite de la région pectorale. Une partie de la charge de plomb a été arrêtée par le gilet l'autre partie a pénétré en avant de l'aisselle et a atteint le cœur. Les conclusions de l'expertise ont été que le gilet pares-balles pouvait arrêter les plombs mais qu'il était trop petit par rapport au gabarit du porteur.
Alors que les protections balistiques étaient proposées en plusieurs tailles, nous avons constaté que les utilisateurs de gilets pare-balles choisissaient souvent, pour des raisons de confort, une solution minimaliste, voulant plus satisfaire une obligation administrative qu'une nécessité de se protéger. Un choix qui peut être lourd de conséquences.
V - VIEILLISSEMENT ET DURÉE DE VIE DES PROTECTIONS BALISTIQUES
Les fabricants de fibres garantissent les caractéristiques mécaniques de leurs produits pour une durée déterminée, généralement cinq ans. Les raisons sont sans doute multiples : sécuritaires, juridiques et, vraissemblablement, commerciales. Cette limitation de durée dans le temps touche donc aussi les gilets pare-balles.
• Température et hygrométrie
Au Centre Technique de la Sécurité Intérieure, des tests de vieillissement accéléré en enceinte climatique ont été réalisés sur des gilets pare-balles. Des cycles thermiques et hygrométriques ont été produits pour une période simulée de cinq, dix et quinze ans A l'issue de chaque période, des tirs ont été réalisés sur des échantillons et n'ont pas montré de dégradation des performances.
• Fatigue mécanique
Des gilets pare-balles ont été installés sur des bustes robotisés qui reproduisaient les mouvements d'un buste humain : flexion, torsion. Ils ont démontré une bonne tenue à ces contraintes mécaniques répétitives.
Conseils
Un gilet pare-balles présente donc une bonne tenue dans le temps. Si l'on est quelque peu méfiant concernant la fiabilité des tests de vieillissement accéléré, il faut savoir qu'il existe un marché secondaire des protections balistiques. De nombreux états reversent, à titre d'aide à des pays moins fortunés, des gilets pare-balles qui, bien qu'arrivés en fin de vie administrative, sont toujours fonctionnels et semblent satisfaire les utilisateurs.
Bien qu'un gilet pare-balles présente une très bonne tenue face aux contraintes mécaniques, thermiques et hygrométriques auxquelles il est soumis au cours de son utilisation, il est bon de retenir qu'en prendre soin est un gage de sécurité. On évitera en particulier :
- De le soumettre à de fortes températures. Attention aux plages arrières des véhicules notamment en été ;
- De le placer sans précaution dans un bagage en risquant de le froisser (sacs fourre-tout). Une pliure répétitive du pack balistique l'affaiblit à cet endroit. Il faut le stocker à plat ou dans une penderie ;
- De le stocker humide, même si le pack balistique est réputé étanche.
VI - ERGONOMIE ET PROTECTION : UNE AFFAIRE DE COMPROMIS
Les principaux reproches à l'encontre des gilets pare-balles portent sur le poids, l'encombrement, la rigidité et la chaleur.
Il faut savoir que ces facteurs sont pris en charge à la fois par les concepteurs et les acheteurs institutionnels. Les acheteurs institutionnels demandent, lors des appels d'offres, le respect d'un cahier des charges ou d'un cahier des clauses techniques particulières. Les fournisseurs doivent s'y conformer. Les tests de validation sont rigoureux.
• Le cahier des charges idéal
Le cahier des charges idéal est simple : protéger au maximum le porteur tout en l'entravant au minimum dans l'accomplissement de sa ou ses missions. Deux objectifs qui s'avèrent contradictoires et sont à l'origine d'indispensables compromis.
• Niveau de protection et ergonomie : les adversaires
La technique permet de protéger le corps tout entier. Il suffit de regarder la tenue de protection des démineurs. Elle protège efficacement des éclats et du blast d'un engin explosif. En revanche, le démineur tout équipé se déplacera sur de très courtes distances et portera cette protection un temps relativement court. Cette tenue est parfaitement adaptée à un type de mission.
La diversité des missions des forces de l'ordre et des armées entraine de facto une diversité dans les protections balistiques. C'est ce qui explique les différents types de gilets pare-balles, du gilet lourd d'intervention qui est porté le temps d'un assaut au gilet discret utilisé pendant des heures sous un costume, voire au plastron balistique qui équipe des jours durant un soldat sur le champ de bataille.
• Les principales contraintes ergonomiques
Le poids
Les cahiers des charges ou les cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) imposent généralement un poids maximal, souvent très contraignant. L'art du concepteur sera d'obtenir un équilibre entre la surface à protéger, le niveau de protection demandé soit la quantité de matériau balistique, et le genre de matériau à utiliser (para aramides, polyéthylène…).
L'encombrement
Les contraintes ergonomiques imposent la possibilité d'accomplir les gestes nécessaires à la bonne exécution des missions : courir, s'accroupir, s'asseoir aisément dans un véhicule, utiliser son armement. Lors de tests, on peut demander à des personnels équipés de la protection balistique d'effectuer des parcours types.
La chaleur
Si la chaleur, considérée comme une fatalité, n'est généralement pas prise en compte dans un cahier des charges ou un CCTP, il s'agit néanmoins d'un facteur à considérer sur le plan du confort de l'utilisateur. La chaleur corporelle est mal évacuée. Il en est de même pour la transpiration. Malgré l'utilisation de matériaux censés atténuer cet inconvénient, un gilet pare-balles tient chaud ce qui amène tout naturellement le corps à transpirer. Il est à noter qu'il existe des sous-vêtements conçus dans le but de favoriser la circulation d'air entre le corps et la protection balistique.
Il faut garder à l'esprit que porter un gilet pare-balles entraîne des contraintes et qu'il faut les accepter.
VII - CONCLUSION
Le port de protections balistiques tend à se généraliser sur les champs de batailles depuis l'émergence du concept "zéro mort". Il en est de même pour les forces de l'ordre, au sein desquelles le gilet pare-balles fait partie intégrante de l'équipement individuel. A cet égard la morphologie féminine est prise en compte.
Pour être efficace, une protection balistique doit correspondre au niveau de la menace et à la morphologie du porteur.
Le conflit à haute intensité entre l'Ukraine et la Fédération de Russie a montré que, si le concept "zéro mort" était un vœu pieu, le port de protections balistiques diminue très sensiblement le nombre de blessés et de morts.
Il n'en demeure pas moins que, à l'image de la ceinture de sécurité dans le domaine automobile,si la protection balistique individuelle sauve des vies, elle ne doit pas induire un sentiment d'invincibilité.
Un gilet pare-balles est une affaire de compromis entre la protection et l'ergonomie. Aucune protection balistique n'est parfaite mais il faut garder à l'esprit qu'un gilet pare-balles, c'est utile et que ça fonctionne, comme le montre la vidéo ci-dessous.
|