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Les armes à létalité réduite 
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LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE
Jean-Jacques DORRZAPF

 

 

Sommaire

I - INTRODUCTION

II - DÉFINITION DES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE - DES ANL AUX ALR

III - LES DIFFÉRENTS TYPES D'ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE

III-1  Les armes à létalité réduite antimatériel (ALR - AM)

III-2  Les armes à létalité réduite antipersonnel

III-2-1  Les armes à létalité réduite antipersonnel à énergie cinétique (ALR - C)

Une problématique des ALR-C. Du Flash-Ball ® au LBD de 40 mm

III-2-2  Les armes à létalité réduite antipersonnel autres qu'à énergie cinétique

III-2-3  Les armes à impulsions électriques ( le P.I.E. Taser®)

III-2-4  Pas d'ALR sans doctrine sans doctrine d'emploi

IV - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE : RÉALITÉ OU UTOPIE ?

V - CONCLUSION


 

__________________________

 

 

 

I - INTRODUCTION


L’évolution de nos sociétés et des mentalités a entraîné des changements profonds dans de nombreux secteurs. Celui du maintien de l'ordre public n'a pas été épargné. Le besoin de fournir aux forces de l'ordre des moyens de défense leur permettant de remplir leur diverses missions, et proportionnés aux menaces auxquelles elles doivent faire face, a montré la nécessité de mieux combler espace se situant entre la défense à mains nues et l'usage de l'arme de dotation, par nature létale.

L'idée de pouvoir neutraliser un individu, ou un groupe de personnes, sans infliger lésions irréversibles voire mortelles a fait naître initialement le concept d'armes non létales (ANL).

Les Armées n'ont pas été épargnées par cette nouvelle forme de pensée. Cependant les militaires avaient tendance à se montrer réfractaires à ce nouveau concept. Ils considéraient que les ANL étaient destinées, par nature, au maintien de l'ordre qui ne correspondait pas à leur mission. Les penseurs "nouvelle vague" leur ont quand même expliqué que, dans le cadre de certaines missions à l'étranger, ils pourraient être amenés à réaliser des actes de "maintien d'ordre dépassé" pour lesquels leur armement classique ne serait pas adapté. C'était certainement, pour les adeptes de Sun Zu, le premier pas vers des guerres sans blessés ni morts. Nos militaires demeuraient sceptiques. Mais disciplinés et n'étant pas à un sacrifice près ils accrochèrent ce nouvel outil à leur panoplie, au cas où.Le conflit entre l'Ukraine et la Fédération de Russie leur a donné raison compte tenu que, dans cette guerre, les ALR et encore moins les ANL semblent inconnues, que se soit des attaquants ou des défenseurs.

 


 

 

 

II - DÉFINITIONS DES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE

Des armes non létales (ANL) aux armes à létalité réduite (ALR)

 

Le concept d’armes à létalité réduite n’est pas nouveau. Surtout si l’on se réfère à des écrits, datant de 500 ans avant J.C., sur « l’Art de la Guerre » attribués au stratège chinois Sun Tzu qui considérait déjà que soumettre une armée ennemie sans perte, ni pour l’un, ni pour l’autre, et que s’approprier un territoire intact plutôt que ses ruines était l’art suprême de la guerre. Plus qu'un souci humanitaire, il s'agissait à l'évidence de la volonté de garder intactes les ressources à conquérir, matérielles et humaines.

Le mot « définitions » mérite le pluriel car il faut bien admettre, qu’à côté d’une définition très générale qui touche plus particulièrement le cadre militaire, il en existe d’autres définissant les armes à létalité réduite nettement plus contraignantes selon les pays et leurs cadres d’emploi (le maintien de l’ordre en temps de paix en particulier).

La définition la plus générale est peut-être celle que l’on trouve dans la directive 3000.3 concernant, à l’époque, les armes non létales, publiée en 1996 par le Department of Defense américain :

« Les armes non létales sont des armes discriminantes qui sont explicitement conçues et principalement utilisées pour frapper d’incapacité le personnel et le matériel, tout en minimisant le risque mortel, les lésions permanentes au personnel et les dommages indésirables aux biens et à l’environnement ».

  1. Contrairement aux armes létales conventionnelles qui détruisent leurs cibles par explosion, pénétration ou fragmentation, les armes non létales utilisent des moyens autres que la destruction physique totale pour empêcher une cible de continuer à fonctionner.

  2. Les armes non létales sont destinées à avoir au moins une des caractéristiques suivantes :

    1. Elles ont des effets relativement réversibles sur le personnel et le matériel;

    2. Elles affectent les objets différemment dans leur zone d’influence.

On se rend compte que cette définition, déjà un peu ancienne, concernant les armes non létales (non lethal weapons) paraissait plus souple que son titre puisque l’on souhaitait, avec ces armes "non létales", minimiser le risque de mort et de lésions irréversibles sans toutefois l’exclure à 100 %. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle ces armes ont été rebaptisées « less lethal weapons » soit armes « moins que létales » ou « armes sub létales ».

En ce qui concerne le maintien de l’ordre en temps de paix, notamment en France, la définition des armes à létalité réduite précise que l’utilisation de ce type d’arme ne doit pas entraîner la mort ni de lésions irréversibles.
Comme on le verra, si cette volonté de protéger la vie et l’intégrité physique de la personne atteinte est louable, elle n’en est pas moins un vœu pieux. Si cette définition très restrictive de non létalité absolue est toujours d’actualité, d’aucun, spécialiste dans ce domaine, la qualifie d'utopique, la considère comme une limite vers laquelle doit tendre, de manière malheureusement asymptotique, la recherche dans ce domaine.

 


 

 

III - LES DIFFÉRENTS TYPES D'ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE

 

Les types d’armes à létalité réduite sont nombreux, vouloir en dresser une liste exhaustive tiendrait de la gageure.
Une classification possible est de distinguer les armes destinées à être utilisées directement contre l’homme, ALR-AP (armes à létalité réduite antipersonnel) et les armes présentant une action anti-matérielle, ALR-AM. Il existe, en effet, des armes à létalité réduite destinées à neutraliser un matériel sans le détruire ou lui causer trop de dommages.

Nous survolerons très rapidement ces deux catégories dans le but d’informer le lecteur sur les nombreuses recherches menées dans ce domaine. Nous nous focaliserons ensuite sur une gamme d’ALR-AP dites à énergie cinétique dont le but est d’interagir plus ou moins violemment, par choc contondant, avec un individu dans l'objectif de le rendre incapable de continuer son action. C'est, quoi qu'on en dise et sans vouloir rejeter la haute technologie, le moyen le plus simple, le plus fiable et le plus efficace de neutraliser un individu. C’est le domaine de prédilection de la balistique lésionnelle dont une de ses missions est de tester le potentiel lésionnel des munitions utilisées et de déterminer des niveaux énergétiques acceptables.

 


 

 

 

III-1 - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE ANTIMATÉRIEL (ALR-AM)

 

Nous commencerons par cette catégorie, que nous parcourrons rapidement, et nous étendrons plus longuement sur les ALR-AP.

Les ALR-AM, comme leur nom l’indique sont destinées à perturber, bloquer le fonctionnement des machines et engins, mécaniques, électroniques ou informatiques afin d'annihiler les capacités d’action de l’adversaire (moyens de transport, de communication, etc.). Les ALR – AM visent également les bâtiments et autres structures.

Parmi les moyens susceptibles d’être utilisés contre le matériel roulant, on peut citer des substances modifiant les caractéristiques des carburants, les solvants attaquant la matière des pneus, cordeaux détonants brisant les roues, les herses crevant les pneus, les émetteurs hyperfréquences perturbant ou détruisant les systèmes d’allumage électroniques des moteurs.

Les systèmes électroniques et informatiques peuvent être perturbés ou détruits par des impulsions électromagnétiques de forte intensité ou par le largage de micro fibres de carbone ou de produits fortement chargés en graphite qui vont s’insinuer à l’intérieur des appareils électriques et électroniques et créer des courts circuits.

Les bâtiments, voies de circulation, ouvrages d’art seront attaqués à l'aide de produits chimiques fragilisant les aciers et bétons, dissolvant l’asphalte…

Si l’action directe de ces produits est destinée à se porter sur les matériels, l’influence indirecte sur l’homme peut ne pas être négligeable. En effet, pour ne parler que des moyens de communication et des voies de circulation, leur blocage ou destruction peuvent entraîner de graves conséquences pour les populations (famine, privation de soin…) qui, à l’origine, n’étaient pas visées.

Les moyens d’influencer le climat sur des zones géographiques plus ou moins étendues sont également étudiées et ont vraisemblablement été utilisés lors des conflits passés (guerre du Vietnam, notamment).

Les ALR-AM semblent avoir vocation à n’être utilisées que dans les actions militaires. C’est vrai pour de nombreuses d’entre elles et certains pays investissent des sommes conséquentes dans ce domaine de recherche. Cependant certaines ALR - AM répondent parfaitement aux besoins du maintien de l’ordre civil en temps de paix. Citons, pour exemple, les systèmes d’immobilisation des véhicules et les brouilleurs de télécommunications.
De plus les missions de sécurité intérieure et extérieure accomplies par les forces de police pour les unes et armées pour les autres, font souvent appel aux mêmes matériels d’intervention et présentent généralement de fortes similitudes (lutte antiterroriste, contre les narcotrafiquants, maintien de foule, etc.).

 


 

 

 

III-2 - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE ANTIPERSONNEL

Les armes à létalité réduite antipersonnel sont également nombreuses tant il existe de manières variées d’incapaciter un individu.


 

 

 

III-2-1 - Les armes à létalité réduite antipersonnel à énergie cinétique (ALR-C)

Dans la famille des armes à létalité réduite antipersonnel, celles à énergie cinétique sont classées au bas de l’échelle de la sophistication. En effet, elles ont pour but de donner un choc, un coup à l’adversaire susceptible de l’incapaciter, pour parler simplement : de le mettre KO ou dans un état proche du KO afin qu'il ne puisse continuer son action. Ce mode de neutralisation remonte à la nuit des temps.
Une condition, cependant : le projectile devra se comporter comme un objet contondant et non perforant.
Occasionner une "simple" douleur est généralement insuffisant tant le seuil de perception de cette sensation est variable selon les individus, leur état d'excitation ou de sujétion à un produit psychotrope (alcool, drogues…).

Ces armes présentent les avantages de leur simplicité : elles sont relativement efficaces, faciles à transporter et à mettre en œuvre (la formation à leur utilisation est simple), leurs effets prévisibles, leur prix peu élevé. Elles peuvent faire l’objet d’une dotation collective ou individuelle.
C’est pour toutes ces raisons qu’elles sont finalement tant utilisées par les forces de l’ordre sous l’appellation de Lanceurs Sub Létaux de Balles de Défense (LSBD) ou plus simplement Lanceurs de Balles de Défense (LBD).

Les projectiles tirés par ces armes sont souvent réalisés en caoutchouc plein ou alvéolé, parfois en matière plastique souple, afin de minimiser les lésions lors de l’impact. En effet, ces projectiles censés s’aplatir à l’impact, transmettent leur impulsion sur une surface plus grande que leur calibre initial. Les risques de lésions graves des organes internes s’en trouvent diminués.
On trouve également des projectiles constitués d’une enveloppe de matériau divers, caoutchouc, toile, etc. contenant un lest sous forme de poudre, grenaille de plomb ou autre composant dont le but est également de s’étaler le plus possible lors de l’impact.

Les lanceurs de 40 mm, conçus à l'origine pour un usage militaire, nécessitent l'usage de munitions plus perfectionnées. Les projectiles sont réalisés de telle façon que le corps du projectile soit suffisamment dur pour permettre sa mise en rotation par les rayures internes du canon et la tête assez souple pour ne pas provoquer de lésions graves au moment de l'impact.

Les calibres des projectiles, tous matériaux confondus, des ALR - AP sont variables. On peut citer, pour les plus courants :

  • 9 mm pour les armes de poing, parfois du calibre 12 à cartouche raccourcie (12-50);

  • Calibre 12 (caoutchouc, matière plastique) pour les fusils à pompe (mono projectile, bi projectiles, chevrotine) ;

  • Calibre 37-38 mm prévu pour ne tirer que des projectiles à létalité réduite et se différenciant du lanceur de 40 mm, capable de tirer des projectiles à létalité réduite et létaux ;

  • 40 mm tirés par des lanceurs polyvalents (munitions sub létales, et létales pour la guerre) ;

  • 44 mm tel le Flash-Ball premier LSBD en dotation dans la police nationale française ;

  • 56 mm pour les projectiles pouvant être tirés par des lanceurs de grenades lacrymogènes des forces de l'ordre françaises.

Il est à noter que, jusqu'à récemment, un lanceur de balles de défense pouvait être développé dans n'importe quel calibre sauf le 40 mm, afin de rester dans le domaine des ALR et d'éviter ainsi la possibilité de tirer des projectiles létaux. En effet les lanceurs en calibre de 40 mm étaient destinés à tirer des munitions de guerre, aux munitions létales, tirant notamment des grenades à fragmentations. La mise en dotation de lanceurs de 40 mm au sein des forces de l'ordre montre, pour le moins, une évolution dans les mentalités.

Ces ALR-AP à énergies cinétique semblent donc d’une simplicité déconcertante, voire triviale.
Cependant, lorsque l’on soumet ces armes à des tests et des évaluations poussés, on se rend compte que leur simplicité n’est qu’apparente, et que l’exercice consistant à vouloir rassembler dans un lanceur des qualités d’efficacité en même temps que de non létalité absolue, pour une plage de distances de tir suffisamment étendue pour un usage opérationnel, relève de la quadrature du cercle.

Ce problème s’explique aisément lorsque l’on considère que l’importance des lésions générées par ces armes est en étroite dépendance avec l’énergie cinétique de leurs projectiles ou, pour être plus en accord avec les observations expérimentales, leurs impulsions ou quantités de mouvement.

En effet, le projectile, comme tous les projectiles, dès sa sortie du canon, perd de sa vitesse, donc de son efficacité ou de sa dangerosité selon les distances d’utilisation pour lesquelles le lanceur a été conçu.

En clair, si l’on étudie un projectile tel qu’il puisse neutraliser un individu à 20 mètres de distance, donc possédant encore suffisamment de vitesse pour être toujours efficace sans pour autant générer de graves blessures aux organes sous-jacents à la zone d’impact, on peut parier qu’à une distance de tir de 2 mètres ce même projectile pourra engendrer des blessures très graves voire mortelles étant donné qu’à cette distance il possède une vitesse bien plus élevée qu’à 20 mètres.

D’une manière schématique on peut considérer que les caractéristiques balistiques des ALR-AP à énergie cinétique doivent évoluer dans une zone plus ou moins étroite dont la limite inférieure représente le seuil d’efficacité et la limite supérieure le seuil de létalité ou de lésions irréversibles.

Les lésions irréversibles posent, à leur tour, un problème d’importance : quel(s) organe(s) doit-on prendre en référence pour évaluer ce potentiel lésionnel ?
Si l’on choisit le foie ou la rate (organes fragiles et fortement vascularisés) tout n’est pas perdu pour les LSBD. Si c’est l’œil, on peut raccrocher définitivement ces lanceurs de balles de défense à leur râtelier quand on sait qu’une simple chiquenaude sur le globe oculaire peut entraîner un décollement de la rétine.

D’où la nécessité pour les concepteurs et surtout les testeurs de ce genre d’armes de mettre au point des protocoles de tests rigoureux afin d’éliminer les risques de létalité ou de blessures graves tout en restant dans une logique opérationnelle.

A cette fin, les testeurs ont pour mission d'évaluer les lanceurs et leurs projectiles afin de déterminer leur potentiel lésionnel et de valider (ou non) ces armes comme répondant aux critères de létalité réduite ou non.
Selon la demande, les testeurs auront la charge de déterminer un seuil énergétique ou impulsionnel pour un usage opérationnel.

A l'heure actuelle, seule la balistique lésionnelle permet d'apporter la réponse à ces questions.

 


 

• Un exemple de la problématique des ALR-C. Du Flash-Ball® au LBD de 40 mm

Pour illustrer cet exemple, nous prendrons deux LBD bien connus en France : Le Flash-Ball® de la société Verney-Carron et un lanceur de 40 mm moderne mais quelconque car, répondant aux normes militaires, les lanceurs de 40 mm sont tous de bonne qualité. En réalité les lanceurs ne nous intéressent pas vraiment car ce ne sont pas eux qui provoquent d'éventuelles lésions mais bien leurs munitions et notamment les projectiles.

Le Flash-Ball®

Les deux images ci-dessous présentent le Flash-Ball compact et la version évoluée, le Flash-Ball Super Pro, qui ont été successivement en dotation dans les forces de l'ordre.

 

Flash-Ball compact   Flash_Ball Super Pro
Flach-Ball® compact   Flash-Ball® Super Pro

 

Nous nous intéresserons, dans un premier temps, au principal projectile tiré par le Flash-Ball. Il s'agit d'un projectile sphérique en caoutchouc alvéolé d'une masse moyenne de 29 grammes et d'un diamètre d'environ 44 millimètres. La figure, ci-dessous, donne une image de ce projectile. Pour le lancer, un canon à âme lisse est suffisant. C'est le cas de ceux du Flash-Ball, toutes versions confondues.

 

Projectile Flash-Ball
Projectile du Flash-Ball

 

Le projectile a l'allure d'un petit ballon de football ou de handball. Rien d'étonnant à cela car, à l'origine, cette balle fabriquée en Chine, était destinée à des jouets. Ceci explique la dispersion notable constatée dans les mesures de masses et de diamètres sur laquelle nous appuyons volontairement.

La munition, de conception relativement complexe, présentait une forte dispersion en vitesse, donc en énergie cinétique et en quantité de mouvement. La précision devenait aléatoire au-delà de dix mètres, interdisant pratiquement un usage fiable au-delà de cette distance. De plus, le projectile relativement léger par rapport à son calibre perdait rapidement de sa vitesse et, corrélativement, d'efficacité. Cependant, ce LBD permettait de combler un vide important qui existait alors dans les moyens de défense des forces de l'ordre. En tant que moyen de force intermédiaire, il présentait un intérêt opérationnel indéniable dès lors qu'une évaluation sérieuse permettait de définir une doctrine d'emploi. Les retours du terrain montraient une satisfaction des utilisateurs et peu de conséquences négatives lors des tirs, d'autant plus que la courte distance pratique d'utilisation correspondait mieux au cadre légal de la légitime défense.

A l'origine, l'énergie cinétique moyenne du projectile, à cinq mètres, dépassait très nettement les 200 joules anoncés par la notice du fabricant. Nous avions pu mesurer des énergies cinétiques allant jusqu'à 300 joules à une distance de 3 mètres. Alors en charge de l'unité de balistique lésionnelle au CREL, nous avions mené des tests en balistique lésionnelle avec le Général Jacques BRETEAU du Service de Santé des Armées. Les résultats obtenus nous avaient conduits à préconiser une énergie cinétique ne dépassant pas 150 joules compte tenu notamment des écarts types de vitesses.

Pour l'anecdote, cette limite de 150 joules avait d'ailleurs semé le trouble parmi les fabricants d'ALR-C qui, dès lors, callaient l'énergie cinétique de leurs projectiles sur cette valeur. Il avait fallu préciser que cette limite de 150 joules ne concernait qu'un projectile aux caractéristiques bien précises et que pour des projectiles différents (forme, masse, densité, calibre, dureté) l'énergie cinétique maximale acceptable à l'impact pouvait être très différente.

Beaucoup de critiques peuvent être émises vis à vis de la munition et du projectile du Flash-Ball, surtout en comparaison avec les munitions sophistiquées des LBD de 40 mm modernes. La sphéricité de ce projectile et son manque de rigidité, néfastes à de bonnes performances balistiques, présentent néanmoins un avantage sur le plan lésionnel : quel que soit le nombre de tours sur lui-même qu'il puisse réaliser sur sa trajectoire, la cible reçoit toujours la même sphère homogène. Nous n'avons pas à nous préoccuper de la stabilité du projectile.

 


 

Le lanceur de 40 mm

L'image ci-dessous présente un LBD de 40 mm de la marque Brügger & Thomet.

 

LBD 40 mm Brügger & Thomet
Lanceur de 40 mm Brügger & Thomet équipé d'un viseur holographique EOTech

 

Précisons que l'image ci-dessus est utilisée à titre d'illustration. La suite du texte ne met nullement en cause ce lanceur que nous avons eu l'occasion de tester et qui s'est avéré être d'une qualité remarquable. Nous rappelons que nous nous intéressons uniquement aux munitions et, surtout, à leur projectile.

L'image ci-dessous présente deux projectiles. Ces deux projectiles, de bonne conception, ont été choisis à dessein. Le but est de démontrer l'importance de l'adaptation du projectile au lanceur et que, pour un même lanceur, le changement de munition peut produire des résultats bien différents en cible.

 

Projectiles de 40 mm
Deux projectiles tirés par un LBD de 40 mm

 

Les deux projectiles présentés ci-dessus ne sont pas sphériques. Ils sont stabilisés gyroscopiquement et sont tirés par des lanceurs dotés d'un canon à âme rayée. Ils présentent des similitudes et des différences.

 

Les similitudes

Ils sont tous deux inhomogènes. Ils sont composés d'un corps en matière plastique rigide permettant de répondre efficacement aux contraintes de la balistique intérieure, notamment la prise des rayures du canon dont leur ceinturage, réalisé dans la masse, porte les trâces. L'avant est constitué d'un matériau déformable jouant le rôle d'amortisseur. Son but est de limiter les consquences lésionnelles dues à l'impact en absorbant notamment une partie de l'énergie cinétique.

 

Les différences

Les deux amortisseurs qui visent le même but sont cependant de natures différentes.

L'amortisseur du projectile A est réalisé dans un matériau relativement dense, ce qui a pour conséquence, sur le plan balistique, de placer le centre de gravité CG du projectile pratiquement en son milieu.

L'amortisseur du projecile B est réalisé dans un matériau très alvéolé lui conférant une faible densité. C'est ce qui explique la position très en arrière du centre de gravité centre de gravité du projectile B . Bien plus en arrière que celui du projectile A.

Le projectile A est plus court que le projectile B.

Le projectile A pèse 60 grammes. Le projectile B pèse 33 grammes.

Avant même de réaliser des tests, on peut penser que la stabilisation du projectile B sera plus délicate que celle du projectile A compte tenu de la dimension et de la faible densité de l'amortisseur ainsi que de la position plus en arrière de son centre de gravité. De plus les moments d'inertie axial et transversal jouent certainement en défaveur du projectile B sur le plan de la stabilité par rapport au projectile A.

Les tests, présentés ci-dessous, confirment nos prévisions.

 


 

Les tests et les mesures

Les tirs sont réalisés sur de la gélatine balistique. La zône d'impact est protégée par des plis de poly aramide afin d'éviter la destruction de la gélatine. Cette protection correspond à un vêtement léger, mais présente l'avantage de ne pas se déchirer. Les deux projectiles sont soumis aux mêmes conditions expérimentales et nous obtenons les résultats suivants.

Les deux vidéos ci-dessous présentent les tirs.

 

Tir du projectile A
Il atteint la cible sans obliquité notable
Tir du projectile B
Il atteint la cible avec une forte obliquité

 


 

Les premières observations des vidéos

Le projectile A atteint la cible sans obliquité mesurable. L'amortisseur est en position de remplir son rôle : être moins agressif que le corps en matière plastique rigide.

Le projectile B atteint la cible avec une forte obliquité due à un défaut de stabilisation. Il bascule lors de son interaction avec cette dernière. Une grande partie de l'impulsion de l'impact est transmise, de façon plus brutale, à la cible par le corps en matière plastique rigide. L'amortisseur qui paraît plus efficace que celui du projectile A n'est cependant pas correctement utilisé.

Note importante : considérer qu'il y a un bon projectile et que l'autre est mauvais serait une erreur. En les examinant, on ne peut que constater qu'il sont tous deux bien conçus et qu'ils sont vraisemblablement les produits d'études sérieuses. La seule différence est que l'un est plus adapté que l'autre au lanceur qui les a tirés. L'utilisation d'un lanceur différent dont l'âme du canon, par exemple, aurait été rayée à une autre longueur de pas aurait pu inverser les résultats.

 


 

Les résusltats des mesures réalisées à partir des vidéos

 

Les deux graphiques ci-dessous, figures 1 et 2, montrent la perte de vitesse des deux projectiles lors de leur interaction avec la cible.

Projectile A. Freinage dans la cible   Projectile B. Freinage dans la cible
Figure 1   Figure 2

 

On constate que la perte de vitesse est plus importante pour le projectile B que pour le projectile A. Deux raisons expliquent cette différence : leur différence de masse et le fait que le projectile B interagit avec la cible sur une surface plus importante compte tenu qu'il bascule pratiquement immédiatement.

De ces différentes pertes de vitesses découlent les décélérations présentées dans les graphiques ci-dessous.

 


 

Les deux graphiques ci-dessous, figures 3 et 4, présentent la décélération de chacun des deux projectiles lors de leur interaction avec la cible.

Projectile A. Freinage dans la cible   Projectile B. Freinage dans la cible
Figure 3   Figure 4

 

La différence de masse entre les deux projectiles ne permet pas de juger leur potentiel lésionnel directement à partir des décélérations. On évalue, à partir de ces dernières, les forces mises en jeu lors de l'interaction avec la cible. Ce sont elles qui sont génératrices d'éventuelles lésions.

 


 

Les deux graphiques ci-dessous, figures 5 et 6, présentent une comparaison des décélérations et des forces d'interaction avec la cible entre les projectiles A (trace bleue) et B (trace rouge). Si sur le graphique de la figure 5, la décélération du projectile B est nettement plus importante que celle du projectile A, le graphique de la figure 6 montre que les intensités des forces se rapprochent compte tenu de la différence des masses, 60 g pour le projectile A et 33 g pour le projectile B. On constate qu'au delà de 1000 microsecondes (μs) les traces se rejoignent, signe d'une similitude d'interaction avec la cible. Cependant, pour une même force de freinage, le projectile A s'arrêtera sur une distance plus longue compte tenu de sa masse plus élevée.

La partie la plus significative des graphiques se situe dans l'intervalle de temps délimité par t1 = 0 et t2= 350 μs. C'est sur cet intervalle de temps que se portera la comparaison des deux projectiles.

 

Projectile A. Freinage dans la cible   Projectile B. Freinage dans la cible
Figure 5   Figure 6

 

Le pic de la force d'interaction du projectile B avec la cible dépasse de plus de 20 % celui du projectile A. En intégrant sur l'intervalle t2 - t1, on constate que la valeur moyenne de la force d'interaction est plus élevée pour le projectile A que pour le projectile B. C'est ce qui est illustré sur les graphiques des figures 7 et 8 présentés ci-dessous.

 


 

Les deux graphiques ci-dessous, figures 7 et 8, présentent, sur l'intervalle t2 - t1, l'aire des forces d'interaction (graphique 7) et leur moyenne (graphique 8).

Le graphique de la figure 7 représente, pour chacun des deux projectiles, l'aire sous leur trace correspondante sur l'intervale de temps t2 - t1 = 350 μs. Soit, respectivement pour le projectile A :

I=SF(t)dt Graphique 7, aire bleue

 

Et pour le projectile B :

I=SF(t)dt Figure 7, aire rouge

 

IA et IB, produits d'une force par un temps, s'expriment en Newtons x secondes et ont la dimension d'une quantité de mouvement. On définit souvent IA et IB comme l'impulsion des forces FA et FB.

Pour une meilleure comparaison, on peut ramener l'aire des impulsions des projectiles A et B à des rectangles dont l'aire est calculée sur la période t2 - t1 à partir de la force de freinage moyenne évaluée sur ce même intervalle de temps. Soit pour chacun des deux projectiles :

Impulsion moyenne Figure 8

 

Projectile A. Freinage dans la cible   Projectile B. Freinage dans la cible
Figure 7   Figure 8

 

L'impulsion moyenne due à la force d'interaction entre le projectile A et la cible, sur l'intervalle de temps t2 - t1, est supérieure de 30 % à l'impulsion du projectile B. Il n'y a pas de proportionalité avec leur masse respective car les deux projectiles impactent la cible de manière différente due à la forte obliquité du projectile B. Le projectile A abandonne près de 60 % de sa quantité de mouvement dans la cible dans l'intervalle t2 - t1 alors que le projectile B en abandonne plus de 80 %.

 


 

Résumé des mesures

Projectile A :

  • Masse : 60 g ;
  • Vitesse à l'impact : 82 ms-1 ;
  • Énergie cinétique à l'impact : 202 J ;
  • Énergie cinétique perdue entre 0 et 350 μs : 169 J soit 84 %. Nota : une partie de cette énergie est absorbée par le projectile, principalement l'amortisseur ;
  • Quantité de mouvement à l'impact : 4,92 N.s ;
  • Quantité de mouvement transmise à la cible entre 0 et 350 μs : 2,95 N.s, soit 60 % ;
  • Force moyenne de freinage entre 0 et 350 μs : 8440 N ;
  • Temps de freinage total dans la cible : 3900 μs ;
  • Décélération moyenne : 21026 ms-2 sur 3900 μs ;
  • Force moyenne de freinage sur 3900 μs : 1262 N, soit 2144 fois le poids du projectile.

 

Projectile B :

  • Masse : 33 g ;
  • Vitesse à l'impact : 85 ms-1 ;
  • Énergie cinétique à l'impact : 119 J ;
  • Énergie cinétique perdue entre 0 et 350 μs : 115 J. Nota : compte tenu de la fore obliquité à l'impact, l'amortisseur a mal joué son rôle ;
  • Quantité de mouvement à l'impact : 2,8 N.s ;
  • Quantité de mouvement transmise à la cible entre 0 et 350 μs : 2,26 N.s, soit 80% ;
  • Force moyenne de freinage entre 0 et 350 μs : 6480 N ;
  • Temps de freinage total dans la cible : 2700 μs ;
  • Décélération moyenne : 313481 ms-2 ;
  • Force moyenne de freinage sur 2700 μs : 1039 N, soit 3210 fois le poids du projectile.

 

Interprétation des résultats

On constate en comparant les paramètres caractérisant le potentiel lésionnel d'un projectile à effet contondant, c'est à dire l'énergie cinétique et la quantité de mouvement, que ceux du projectile A présentent des valeurs supérieures à celles du projectile B. Seule la décélération moyenne du projectile B est supérieure, ce qui est normal compte tenu de sa plus faible masse et, qu'ayant basculé, la surface d'interaction avec la cible est plus importante. À ce stade des observations, seule l'instabilité du projectile B peut poser des problèmes en cas d'atteinte d'une région corporelle d'un individu peu protégée par des vêtements. Il est difficile de prévoir la nature exacte des lésions qui pourraient être générées au niveau des plans superficiels. Néanmoins, on pourrait craindre une effraction cutanée dépendant de la partie du corps du projectile qui entrerait en contact avec la peau. Quoi qu'il en soit, l'amortisseur du projectile B ne remplit pas ou mal sa fonction.

On observe également que le projectile A s'enfonce plus profondément dans la cible, comme le montrent les images ci-dessous. On peut ainsi s'attendre à des lésions plus profondes avec ce projectile.

 

Enfoncement projectile stable Enfoncement projectile instable
Projectile A
Enfoncement ≈ 11 cm
Projectile B
Enfoncement ≈ 6,5 cm

 

Observations importantes : la nature des impulsions transmises à la cible par les deux projectiles appellent deux observations :

  • L'évaluation de la profondeur d'enfoncement présente un biais car le projectile B bascule. S'il arrivait en cible avec une obliquité nulle, on peut gager que la profondeur de son enfoncement serait plus importante, sans atteindre cependant celle du projectile A.

  • L'analyse des images ci-dessus, montrant la profondeur d'enfoncement, donne une idée des organes qui pourraient être atteints par cette déformation et être éventuellement sujets à des contusions. Les images ne nous donnent aucune information sur la manière dont l'impulsion est transmise au delà de la région de déformation. Seule l'inclusion de capteurs de pression ou des accéléromètres pourrait nous apporter cette donnée importante.

  • Notons que, lors de chocs mécaniques, les tissus mous ont tendance à se comporter comme des filtres passe-bas contrairement au tissu osseux qui transmettent mieux les hautes fréquences dont l'impulsion générée par le projectile B est plus riche. En gardant à l'esprit qu'à une décélération du projectile correspond une accélération des plans anatomiques sous-jacents à la région impactée, on peut craindre qu'une décélération brutale comme celle du projectile B, puisse être susceptible de perturber le fonctionnement de certains organes, comme le cœur, sans que des contusions puissent être observées (commotio cordis).

 

Conclusion

L'exemple que nous venons d'étudier montre les difficultés inhérentes au choix d'une munition adaptée à un LBD particulier. Parfois les règles des marchés conduisent à devoir changer de munition. Les conséquences peuvent être néfastes si l'on ne prend pas garde à l'adéquation entre l'arme et la munition.

Le passage d'un lanceur relativement simple, comme le Flash-Ball, à un LBD plus sophistiqué rend plus délicat le choix de la munition adaptée à l'arme. Si le mieux n'est pas toujours l'ennemi du bien, il peut rendre plus complexe la problématique. Il faut garder à l'esprit que la stabilité d'un projectile de LBD dépasse largement les considérations de pure balistique mais peut avoir des conséquences directes sur son potentiel lésionnel.

L'attitude (obliquité ou pas) du projectile au moment de l'impact peut changer radicalement, au niveau lésionnel, les conséquences d'un tir. Notons également qu'un projectile intrinsèquement stable sur sa trajectoire peut être déstabilisé par contact avec un obstacle durant son vol.

Toute modification dans le couple lanceur / munition est susceptible d'entraîner des conséquences non négligeables.

 

Etudes de lésions
 

 


 

• Les promesses du futur : un potentiel lésionnel acceptable et constant sur toute la plage de distances d’utilisation

La solution pour obtenir une efficacité et un potentiel lésionnel acceptables et constants sur une plage étendue de distanced’utilisation passe par la visée télémétrique. La possibilité de déterminer la distance entre le tireur et la cible permettra d’adapter la vitesse de départ, et par conséquent d'impact, du projectile.
Cette idée n’est pas neuve. Elle était freinée par des problèmes techniques qui sont en passe d’être surmontés. Il existe quelques prototypes. En ce qui concerne la cible, il demeurera toujours le problème de la variabilité interindividuelle c'est à dire la capacité, pour des individus de morphologie différente, à encaisser le même choc.

 


 

 

 

III-2-2 - Les armes à létalité réduite antipersonnel autres qu'à énergie cinétique

On peut dresser un rapide inventaire des ALR-AP autres que celles utilisant l'énergie cinétique d'un projectile, en commençant par les armes psychologiques.
Comme d'autres, ce domaine est vaste, mais il est possible de l'illustrer avec la diffusion, par exemple, de paroles, d’idées ou d’images choquantes, voire insupportables vis à vis du fond culturel ou religieux des individus vers lesquelles elles sont dirigées.

L’épandage de produits psychotropes ou fortement sédatifs sous forme d’aérosols a été à l’étude. Il n’y a rien de vraiment innovant dans ce procédé car il ne s’agit en fait que d’une version « adoucie » de l'usage des gaz de combat.

La biologie n’est pas en reste. La dispersion d'agents bactériens capables d’incommoder, d’affaiblir pour un temps, un groupe d’individus est un bon moyen de freiner voire d'arrêter un adversaire.

La perturbation des sens offre également un large panel de moyens d’incapacitation.
En ce qui concerne la vue, des flashes ou projecteurs de forte puissance aveuglant temporairement l’individu ou des sources lumineuses stroboscopiques réglées sur une fréquence déterminée connue pour déclencher des crises d’épilepsie peuvent être utilisés et certaines le sont déjà.

Des sons plus ou moins discordants émis par des sources sonores de forte intensité deviennent rapidement insupportables à l’ouie. Des sons également de forte amplitude mais de fréquence très basse (infrasons) peuvent être à l’origine de nausées, de troubles de la vision, de désorientations, éventuellement de lésions par la mise en résonance d’organes internes.

L’odorat peut également être attaqué par des substances nauséabondes (hydrogène sulfuré, par exemple) obligeant les occupants d’une zone à la quitter. Les gaz irritants (CS, CN, poivre -oléorésine capsicum-) sont toujours largement utilisés.

Face à cette profusion de systèmes proposés, il faut savoir raison garder. Lors d'une conférence sur les armes à létalité réduite, un fabricant, lors de son intervention, proposait un émetteur de sons à très basse fréquences, de l'ordre du hertz, censé 'agiter' et donc perturber le système nerveux central. Il lui a été expliqué que, lors d'un jogging, le cerveau du coureur était soumis à un mouvement d'une fréquence d'environ 0.5 hertz sans pour autant provoquer d'inconvénient.

 


 

 

III-2-3 - Les armes à impulsions électriques

Les chocs électriques délivrés par des dispositifs électroniques utilisés au contact ou à distance sont à inclure dans l’arsenal des ALR-AP. On peut parler, à ce sujet, du pistolet à impulsions électriques TASER® qui projette à distance deux dards reliés par des fils conducteurs et dont les trains d’impulsions, générés à une fréquence de récurrence bien déterminée, entraîne une "disruption neuromusculaire" annihilant toute commande volontaire des muscles se trouvant dans la région d’influence du courant. En clair l'intensité des impulsions électrique est telle qu'elles prennent le dessus sur le potentiel d'action neuro-musculaire.

Le marquage d’individus à l’aide de substances colorantes, plus ou moins indélébiles et détectables dans le visible ou l’ultra violet, permet leur identification à distance dans le temps et l’espace.

 


 

 

III-2-4 - Pas d'ALR sans doctrine d'emploi

Ce paragraphe est court, mais il introduit une notion très importante : la doctrine d'emploi d'une ALR.

Compte tenu de la limite, parfois étroite, entre le seuil d'efficacité d'une ALR et celui de létalité, outre la précision demandée dans le développement de cette arme et la rigueur des tests de validation, une ALR ne peut être qualifiée de telle que si elle est accompagnée d'une doctrine d'emploi. Certains services allant même jusqu'à refuser d'utiliser une ALR dont ils étaient nouvellement dotés tant qu'il n'étaient pas destinataires de la doctrine d'emploi.

Cette doctrine d'emploi doit notamment préciser dans quel cadre l'ALR devait être utilisée, la manière de la mettre en oeuvre, les modes d'usages interdits.

Pour un usage optimal d'une ALR, à savoir maximum d'efficacité et minimum de dangerosité, l'utilisateur doit être, à la fois, bien informé et bien formé.

 


 

 

IV - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE, RÉALITÉ OU UTOPIE ?

 

IV-1 - Facteurs modulant la dangerosité

Si l’on avait conservé leur appellation originelle, « armes non létales », nous pourrions parler d’utopie.

Si l’on s’en tient à leur appellation actuelle, on peut considérer qu’elles font partie de la réalité.

Le risque d'atteinte mortelle inhérente à leur utilisation est très faible, mais cependant pas nul. Encore ne parlons-nous que des risques directs.

En effet, l’utilisation d’un dispositif destiné à crever les roues des véhicules automobiles peut ne pas avoir les mêmes conséquences sur un véhicule à quatre roues et sur une motocyclette. Mettre en panne un moteur n‘aura pas les mêmes effets sur un véhicule terrestre ou sur un aéronef. D'où l'importance d'une doctrine d'emploi.

Les conséquences pouvant découler de la perturbation des voies de circulation terrestres, de communications hertziennes, du climat peuvent être fortement létales : famine, manque de soin aux populations civiles, impossibilité de maintenir l’ordre, villes ouvertes aux bandes de pillards organisées.

On constate la complexité inhérente à l’usage des armes à létalité réduite.

On vient de mettre en évidence le facteur de dangerosité environnemental ; dans un certain contexte, certaines ALR pourront être utilisées à moindre risque, dans un autre, il vaudra mieux s’abstenir.


Prenons pour exemple un individu ou un groupe d’individus qui occupent indûment un local dans un but de revendication. Face à cette situation, plusieurs comportements sont envisageables.
On pourra attendre que les individus se lassent et, finalement, abandonnent les lieux même s’ils considèrent que leur action n’a pas entièrement porté ses fruits.
Dans ce cas, la patience a été une sorte d’ALR.

Si l’on souhaite qu’ils quittent les lieux plus rapidement, on pourra utiliser une substance malodorante qui les incommodera. Le local pourra être libéré en quelques minutes et, vraisemblablement, personne n'aura à en pâtir, sauf peut-être l’honneur.

Mettons-nous dans une autre situation, plus pressante. On se trouve face à un individu excité, très menaçant. Le danger est imminent. Il faut le neutraliser. Quelle que soit l’ALR-AP dont on va se servir (énergie cinétique, gaz, électricité), on attend d’elle un temps de réponse très court. Le choc, quelle qu’en soit sa nature, devra perturber, déséquilibrer les grandes fonctions physiologiques de la pzrsonne (respiration, fonction neuromusculaire, peut-être circulatoire), et ce de manière d’autant plus intense que l’on souhaite une action rapide de la part de notre moyen de défense. On risque, de ce fait, de frôler le seuil de létalité, surtout si l’individu se trouve fragilisé par une maladie, le stress, des substances psychotropes etc.

 

IV-2 - La dichotomie armes létales / armes à létalité réduite. Sa réalité, ses dangers

Stricto sensu, les armes létales, contrairement aux armes à létalité réduite, peuvent générer des blessures mortelles même si elles ne sont pas forcément recherchées. Pourtant, selon les rapports des chirurgiens de guerre, les blessures par armes conventionnelles (balles, éclats) ne sont mortelles que dans 20 à 25 % des cas. Les taux de blessures mortelles par balles sont encore plus faibles dans le secteur civil. On peut considérer, cyniquement, que les armes létales ont un bien mauvais rendement. Il n’est pas interdit d’envisager que les armes conventionnelles, létales, le seront d’autant moins que la médecine d’urgence fera plus de progrès. La frontière armes conventionnelles – armes à létalité réduite deviendra de plus en plus floue.
Pour l’instant, cette dichotomie est encore bien ancrée dans les esprits. Elle n’est pas sans danger, ne serait-ce que sur le plan éthique lorsque le policier, lors de l'accomplissement de sa mission, doit choisir entre arme conventionnelle et ALR.

 


 

V - CONCLUSION


Le survol du domaine des armes à létalité réduite a montré les avantages qu’elles apportent en comblant des vides dans les moyens de défense ou de riposte, d'ouvrir la voie vers un continuum entre la négociation et l’usage des armes conventionnelles létales.

On a vu également que les conséquences de leur utilisation, selon l’environnement dans lequel elles sont employées et la rapidité avec laquelle on souhaite que leurs effets se manifestent, sont fortement variables et peuvent frôler les limites de la létalité.

Elles peuvent soulever d’autres problèmes.
Si on hésite à recourir aux solutions extrêmes, on se rabattra plus facilement sur les moyens intermédiaires. Leur quasi non létalité pourrait amener leurs possesseurs à en abuser, à les utiliser de manière systématique voire à titre préventif afin de maintenir des groupes d’individus et/ou des pays entiers sous leur contrôle.
D’où la nécessité d’une plus ample vigilance, d’un plus grand contrôle dans leur emploi.
Les armes à létalité réduite, dont le but est de préserver la vie de l’Homme, ne doivent pas permettre d’aliéner sa liberté.

 

 
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Jean-Jacques DÖRRZAPF
Ancien chef de l'Unité de Balistique Lésionnelle
au Centre Technique de la Sécurité Intérieure
Expert près la Cour Pénale Internalionale