LES
ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE |
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I - INTRODUCTION
L’évolution de nos sociétés et des mentalités
a entraîné des changements profonds dans de nombreux secteurs. Celui du maintien de l'ordre public n'a pas été épargné. Le besoin de fournir aux forces de l'ordre des moyens de défense leur permettant de remplir leur diverses missions, et proportionnés aux menaces auxquelles elles doivent faire face, a montré la nécessité de mieux combler espace se situant entre la défense à mains nues et l'usage de l'arme de dotation, par nature létale.
L'idée de pouvoir neutraliser un individu, ou un groupe de personnes, sans infliger lésions irréversibles voire mortelles a fait naître initialement le concept d'armes non létales (ANL).
Les Armées n'ont pas été épargnées par cette nouvelle forme de pensée. Cependant les militaires avaient tendance à se montrer réfractaires à ce nouveau concept. Ils considéraient que les ANL étaient destinées, par nature, au maintien de l'ordre qui ne correspondait pas à leur mission. Les penseurs "nouvelle vague" leur ont quand même expliqué que, dans le cadre de certaines missions à l'étranger, ils pourraient être amenés à réaliser des actes de "maintien d'ordre dépassé" pour lesquels leur armement classique ne serait pas adapté. C'était certainement, pour les adeptes de Sun Zu, le premier pas vers des guerres sans blessés ni morts. Nos militaires demeuraient sceptiques. Mais disciplinés et n'étant pas à un sacrifice près ils accrochèrent ce nouvel outil à leur panoplie, au cas où.Le conflit entre l'Ukraine et la Fédération de Russie leur a donné raison compte tenu que, dans cette guerre, les ALR et encore moins les ANL semblent inconnues, que se soit des attaquants ou des défenseurs.
II - DÉFINITIONS DES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE
Des armes non létales (ANL) aux armes à létalité réduite (ALR)
Le concept d’armes à létalité
réduite n’est pas nouveau. Surtout si l’on
se réfère à des écrits, datant
de 500 ans avant J.C., sur « l’Art de la Guerre
» attribués au stratège chinois Sun
Tzu qui considérait déjà que soumettre
une armée ennemie sans perte, ni pour l’un,
ni pour l’autre, et que s’approprier un territoire
intact plutôt que ses ruines était l’art
suprême de la guerre. Plus qu'un souci humanitaire, il s'agissait à l'évidence de la volonté de garder intactes les ressources à conquérir, matérielles et humaines.
Le mot « définitions » mérite
le pluriel car il faut bien admettre, qu’à
côté d’une définition très
générale qui touche plus particulièrement
le cadre militaire, il en existe d’autres définissant
les armes à létalité réduite
nettement plus contraignantes selon les pays et leurs cadres
d’emploi (le maintien de l’ordre en temps de
paix en particulier).
La
définition la plus générale est peut-être
celle que l’on trouve dans la directive 3000.3 concernant,
à l’époque, les armes non létales,
publiée en 1996 par le Department of Defense américain
:
« Les armes non létales sont des armes discriminantes
qui sont explicitement conçues et principalement
utilisées pour frapper d’incapacité
le personnel et le matériel, tout en minimisant le
risque mortel, les lésions permanentes au personnel
et les dommages indésirables aux biens et à
l’environnement ».
Contrairement aux armes létales conventionnelles qui détruisent leurs cibles par explosion, pénétration ou fragmentation, les armes non létales utilisent des moyens autres que la destruction physique totale pour empêcher une cible de continuer à fonctionner.
Les armes non létales sont destinées à avoir au moins une des caractéristiques suivantes :
Elles ont des effets relativement réversibles sur le personnel et le matériel;
Elles affectent les objets différemment dans leur zone d’influence.
On
se rend compte que cette définition, déjà
un peu ancienne, concernant les armes non létales
(non lethal weapons) paraissait plus souple que son titre
puisque l’on souhaitait, avec ces armes "non
létales", minimiser le risque de mort et de
lésions irréversibles sans toutefois l’exclure
à 100 %. C’est vraisemblablement la raison
pour laquelle ces armes ont été rebaptisées
« less lethal weapons » soit armes « moins
que létales » ou « armes sub létales
».
En
ce qui concerne le maintien de l’ordre en temps de
paix, notamment en France, la définition des armes
à létalité réduite précise
que l’utilisation de ce type d’arme ne doit
pas entraîner la mort ni de lésions irréversibles.
Comme on le verra, si cette volonté de protéger
la vie et l’intégrité physique de la
personne atteinte est louable, elle n’en est pas moins
un vœu pieux. Si cette définition très
restrictive de non létalité absolue est toujours
d’actualité, d’aucun, spécialiste
dans ce domaine, la qualifie d'utopique, la considère
comme une limite vers laquelle doit tendre, de manière
malheureusement asymptotique, la recherche dans ce domaine.
III - LES DIFFÉRENTS TYPES D'ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE
Les
types d’armes à létalité réduite sont nombreux, vouloir
en dresser une liste exhaustive tiendrait de la gageure.
Une classification possible est de distinguer les armes
destinées à être utilisées directement
contre l’homme, ALR-AP (armes à létalité
réduite antipersonnel) et les armes présentant
une action anti-matérielle, ALR-AM. Il existe, en effet, des armes à létalité réduite destinées à neutraliser un matériel sans le détruire ou lui causer trop de dommages.
Nous
survolerons très rapidement ces deux catégories
dans le but d’informer le lecteur sur les nombreuses
recherches menées dans ce domaine. Nous nous focaliserons
ensuite sur une gamme d’ALR-AP dites à énergie
cinétique dont le but est d’interagir plus
ou moins violemment, par choc contondant, avec un individu
dans l'objectif de le rendre incapable de continuer son
action. C'est, quoi qu'on en dise et sans vouloir rejeter la haute technologie, le moyen le plus simple, le plus fiable et le plus efficace de neutraliser un individu. C’est le domaine de prédilection de
la balistique lésionnelle dont une de ses missions
est de tester le potentiel lésionnel des munitions
utilisées et de déterminer des niveaux énergétiques
acceptables.
III-1 - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE ANTIMATÉRIEL (ALR-AM)
Nous
commencerons par cette catégorie, que nous parcourrons
rapidement, et nous étendrons plus longuement sur
les ALR-AP.
Les
ALR-AM, comme leur nom l’indique sont destinées
à perturber, bloquer le fonctionnement des machines
et engins, mécaniques, électroniques ou informatiques
afin d'annihiler les capacités d’action de
l’adversaire (moyens de transport, de communication,
etc.). Les ALR – AM visent également les bâtiments
et autres structures.
Parmi
les moyens susceptibles d’être utilisés
contre le matériel roulant, on peut citer des substances
modifiant les caractéristiques des carburants, les solvants
attaquant la matière des pneus, cordeaux détonants
brisant les roues, les herses crevant les pneus, les émetteurs hyperfréquences
perturbant ou détruisant les systèmes d’allumage
électroniques des moteurs.
Les
systèmes électroniques et informatiques peuvent
être perturbés ou détruits par des impulsions
électromagnétiques de forte intensité
ou par le largage de micro fibres de carbone ou de produits
fortement chargés en graphite qui vont s’insinuer
à l’intérieur des appareils électriques
et électroniques et créer des courts circuits.
Les bâtiments, voies de circulation,
ouvrages d’art seront attaqués à l'aide
de produits chimiques fragilisant les aciers et bétons,
dissolvant l’asphalte…
Si
l’action directe de ces produits est destinée
à se porter sur les matériels, l’influence
indirecte sur l’homme peut ne pas être négligeable.
En effet, pour ne parler que des moyens de communication
et des voies de circulation, leur blocage ou destruction
peuvent entraîner de graves conséquences pour
les populations (famine, privation de soin…) qui,
à l’origine, n’étaient pas visées.
Les
moyens d’influencer le climat sur des zones géographiques
plus ou moins étendues sont également étudiées et ont vraisemblablement été
utilisés lors des conflits passés (guerre
du Vietnam, notamment).
Les
ALR-AM semblent avoir vocation à n’être
utilisées que dans les actions militaires. C’est
vrai pour de nombreuses d’entre elles et certains pays
investissent des sommes conséquentes dans ce domaine de
recherche. Cependant certaines ALR - AM répondent
parfaitement aux besoins du maintien de l’ordre civil
en temps de paix. Citons, pour exemple, les systèmes
d’immobilisation des véhicules et les brouilleurs
de télécommunications.
De plus les missions de sécurité intérieure
et extérieure accomplies par les forces de police
pour les unes et armées pour les autres, font souvent
appel aux mêmes matériels d’intervention
et présentent généralement de fortes similitudes (lutte
antiterroriste, contre les narcotrafiquants, maintien de
foule, etc.).
III-2 - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE ANTIPERSONNEL
Les
armes à létalité réduite antipersonnel
sont également nombreuses tant il existe de manières
variées d’incapaciter un individu.
III-2-1 - Les armes à létalité
réduite antipersonnel à énergie
cinétique (ALR-C)
Dans
la famille des armes à létalité réduite
antipersonnel, celles à énergie cinétique
sont classées au bas de l’échelle de
la sophistication. En effet, elles ont pour but de donner
un choc, un coup à l’adversaire susceptible
de l’incapaciter, pour parler simplement : de le mettre
KO ou dans un état proche du KO afin qu'il ne puisse
continuer son action. Ce mode de neutralisation remonte
à la nuit des temps.
Une condition, cependant : le projectile devra se comporter
comme un objet contondant et non perforant.
Occasionner une "simple" douleur est généralement
insuffisant tant le seuil de perception de cette sensation
est variable selon les individus, leur état d'excitation
ou de sujétion à un produit psychotrope (alcool,
drogues…).
Ces
armes présentent les avantages de leur simplicité
: elles sont relativement efficaces, faciles à transporter
et à mettre en œuvre (la formation à
leur utilisation est simple), leurs effets prévisibles,
leur prix peu élevé. Elles peuvent faire l’objet
d’une dotation collective ou individuelle.
C’est pour toutes ces raisons qu’elles sont
finalement tant utilisées
par les forces de l’ordre sous l’appellation
de Lanceurs Sub Létaux de Balles de Défense
(LSBD) ou plus simplement Lanceurs de Balles de Défense (LBD).
Les
projectiles tirés par ces armes sont souvent réalisés
en caoutchouc plein ou alvéolé, parfois en
matière plastique souple, afin de minimiser les lésions
lors de l’impact. En effet, ces projectiles censés
s’aplatir à l’impact, transmettent leur
impulsion sur une surface plus grande que leur calibre initial.
Les risques de lésions graves des organes internes
s’en trouvent diminués.
On trouve également des projectiles constitués
d’une enveloppe de matériau divers, caoutchouc,
toile, etc. contenant un lest sous forme de poudre, grenaille
de plomb ou autre composant dont le but est également
de s’étaler le plus possible lors de l’impact.
Les lanceurs de 40 mm, conçus à l'origine pour un usage militaire, nécessitent l'usage de munitions plus perfectionnées. Les projectiles sont réalisés de telle façon que le corps du projectile soit suffisamment dur pour permettre sa mise en rotation par les rayures internes du canon et la tête assez souple pour ne pas provoquer de lésions graves au moment de l'impact.
Les
calibres des projectiles, tous matériaux confondus,
des ALR - AP sont variables. On peut citer, pour les plus
courants :
9 mm pour les armes de poing, parfois du calibre 12 à cartouche raccourcie (12-50);
Calibre 12 (caoutchouc, matière plastique) pour les fusils à pompe (mono projectile, bi projectiles, chevrotine) ;
Calibre 37-38 mm prévu pour ne tirer que des projectiles à létalité réduite et se différenciant du lanceur de 40 mm, capable de tirer des projectiles à létalité réduite et létaux ;
-
40 mm tirés par des lanceurs polyvalents (munitions sub létales, et létales pour la guerre) ;
-
44 mm tel le Flash-Ball premier LSBD en dotation dans la police nationale française ;
-
56 mm pour les projectiles pouvant être tirés par des lanceurs de grenades lacrymogènes des forces de l'ordre françaises.
Il est à noter que, jusqu'à récemment, un lanceur de balles de défense pouvait être développé dans n'importe quel calibre sauf le 40 mm, afin de rester dans le domaine des ALR et d'éviter ainsi la possibilité de tirer des projectiles létaux. En effet les lanceurs en calibre de 40 mm étaient destinés à tirer des munitions de guerre, aux munitions létales, tirant notamment des grenades à fragmentations. La mise en dotation de lanceurs de 40 mm au sein des forces de l'ordre montre, pour le moins, une évolution dans les mentalités.
Ces
ALR-AP à énergies cinétique semblent
donc d’une simplicité déconcertante,
voire triviale.
Cependant, lorsque l’on soumet ces armes à
des tests et des évaluations poussés, on se
rend compte que leur simplicité n’est qu’apparente,
et que l’exercice consistant à vouloir rassembler
dans un lanceur des qualités d’efficacité
en même temps que de non létalité absolue,
pour une plage de distances de tir suffisamment étendue
pour un usage opérationnel, relève de la quadrature
du cercle.
Ce
problème s’explique aisément lorsque
l’on considère que l’importance des lésions
générées par ces armes est en étroite
dépendance avec l’énergie cinétique
de leurs projectiles ou, pour être plus en accord
avec les observations expérimentales, leurs impulsions
ou quantités de mouvement.
En effet, le projectile, comme tous les projectiles, dès
sa sortie du canon, perd de sa vitesse, donc de son efficacité
ou de sa dangerosité selon les distances d’utilisation
pour lesquelles le lanceur a été conçu.
En clair, si l’on étudie un projectile tel
qu’il puisse neutraliser un individu à 20 mètres
de distance, donc possédant encore suffisamment de
vitesse pour être toujours efficace sans pour autant
générer de graves blessures aux organes sous-jacents
à la zone d’impact, on peut parier qu’à
une distance de tir de 2 mètres ce même projectile
pourra engendrer des blessures très graves voire
mortelles étant donné qu’à cette
distance il possède une vitesse bien plus élevée
qu’à 20 mètres.
D’une manière schématique on peut considérer
que les caractéristiques balistiques des ALR-AP à
énergie cinétique doivent évoluer dans
une zone plus ou moins étroite dont la limite inférieure
représente le seuil d’efficacité et
la limite supérieure le seuil de létalité
ou de lésions irréversibles.
Les
lésions irréversibles posent, à leur
tour, un problème d’importance : quel(s) organe(s)
doit-on prendre en référence pour évaluer
ce potentiel lésionnel ?
Si l’on choisit le foie ou la rate (organes fragiles
et fortement vascularisés) tout n’est pas perdu
pour les LSBD. Si c’est l’œil, on peut
raccrocher définitivement ces lanceurs de balles
de défense à leur râtelier quand on
sait qu’une simple chiquenaude sur le globe oculaire
peut entraîner un décollement de la rétine.
D’où la nécessité pour les concepteurs
et surtout les testeurs de ce genre d’armes de mettre
au point des protocoles de tests rigoureux afin d’éliminer
les risques de létalité ou de blessures graves
tout en restant dans une logique opérationnelle.
A cette fin, les testeurs ont pour mission d'évaluer
les lanceurs et leurs projectiles afin de déterminer
leur potentiel lésionnel et de valider (ou non) ces
armes comme répondant aux critères de létalité
réduite ou non.
Selon la demande, les testeurs auront la charge de déterminer
un seuil énergétique ou impulsionnel pour
un usage opérationnel.
A l'heure actuelle, seule la balistique lésionnelle
permet d'apporter la réponse à ces questions.
• Les promesses du futur : un potentiel
lésionnel acceptable et constant sur toute la plage
de distances d’utilisation
La
solution pour obtenir une efficacité et un potentiel
lésionnel acceptables et constants sur une plage
étendue de distanced’utilisation
passe par la visée télémétrique.
La possibilité de déterminer la distance entre
le tireur et la cible permettra d’adapter la vitesse
de départ, et par conséquent d'impact, du
projectile.
Cette idée n’est pas neuve. Elle était
freinée par des problèmes techniques qui sont
en passe d’être surmontés. Il existe
quelques prototypes.
III-2-2 - Les armes à létalité
réduite antipersonnel autres qu'à énergie
cinétique
On
peut dresser un rapide inventaire des ALR-AP autres que
celles utilisant l'énergie cinétique d'un
projectile, en commençant par les armes psychologiques.
Comme d'autres, ce domaine est vaste, mais il est possible
de l'illustrer avec la diffusion, par exemple, de paroles,
d’idées ou d’images choquantes, voire
insupportables vis à vis du fond culturel ou religieux
des individus vers lesquelles elles sont dirigées.
L’épandage de produits psychotropes ou fortement
sédatifs sous forme d’aérosols a été
à l’étude. Il n’y a rien de vraiment
innovant dans ce procédé car il ne s’agit
en fait que d’une version « adoucie »
de l'usage des gaz de combat.
La
biologie n’est pas en reste. La dispersion d'agents
bactériens capables d’incommoder, d’affaiblir
pour un temps, un groupe d’individus est un bon moyen
de freiner voire d'arrêter un adversaire.
La perturbation des sens offre également un large
panel de moyens d’incapacitation.
En ce qui concerne la vue, des flashes ou projecteurs de
forte puissance aveuglant temporairement l’individu
ou des sources lumineuses stroboscopiques réglées
sur une fréquence déterminée connue
pour déclencher des crises d’épilepsie
peuvent être utilisés et certaines le sont
déjà.
Des
sons plus ou moins discordants émis par des sources
sonores de forte intensité deviennent rapidement
insupportables à l’ouie. Des sons également
de forte amplitude mais de fréquence très
basse (infrasons) peuvent être à l’origine
de nausées, de troubles de la vision, de désorientations,
éventuellement de lésions par la mise en résonance
d’organes internes.
L’odorat
peut également être attaqué par des
substances nauséabondes (hydrogène sulfuré,
par exemple) obligeant les occupants d’une zone à
la quitter. Les gaz irritants (CS, CN, poivre -oléorésine
capsicum-) sont toujours largement utilisés.
Face à cette profusion de systèmes proposés, il faut savoir raison garder. Lors d'une conférence sur les armes à létalité réduite, un fabricant, lors de son intervention, proposait un émetteur de sons à très basse fréquences, de l'ordre du hertz, censé 'agiter' et donc perturber le système nerveux central. Il lui a été expliqué que, lors d'un jogging, le cerveau du coureur était soumis à un mouvement d'une fréquence d'environ 0.5 hertz sans pour autant provoquer d'inconvénient.
III-2-3 - Les armes à impulsions électriques
Les
chocs électriques délivrés par des
dispositifs électroniques utilisés au contact
ou à distance sont à inclure dans l’arsenal
des ALR-AP. On peut parler, à ce sujet, du pistolet
à impulsions électriques TASER® qui projette
à distance deux dards reliés par des fils
conducteurs et dont les trains d’impulsions, générés
à une fréquence de récurrence bien
déterminée, entraîne une "disruption
neuromusculaire" annihilant toute commande volontaire des
muscles se trouvant dans la région d’influence
du courant. En clair l'intensité des impulsions électrique est telle qu'elles prennent le dessus sur le potentiel d'action neuro-musculaire.
Le
marquage d’individus à l’aide de substances
colorantes, plus ou moins indélébiles et détectables
dans le visible ou l’ultra violet, permet leur identification
à distance dans le temps et l’espace.
III-2-4 - Pas d'ALR sans doctrine d'emploi
Ce paragraphe est court, mais il introduit une notion très importante : la doctrine d'emploi d'une ALR.
Compte tenu de la limite, parfois étroite, entre le seuil d'efficacité d'une ALR et celui de létalité, outre la précision demandée dans le développement de cette arme et la rigueur des tests de validation, une ALR ne peut être qualifiée de telle que si elle est accompagnée d'une doctrine d'emploi. Certains services allant même jusqu'à refuser d'utiliser une ALR dont ils étaient nouvellement dotés tant qu'il n'étaient pas destinataires de la doctrine d'emploi.
Cette doctrine d'emploi doit notamment préciser dans quel cadre l'ALR devait être utilisée, la manière de la mettre en oeuvre, les modes d'usages interdits.
Pour un usage optimal d'une ALR, à savoir maximum d'efficacité et minimum de dangerosité, l'utilisateur doit être, à la fois, bien informé et bien formé.
IV - LES ARMES À LÉTALITÉ RÉDUITE, RÉALITÉ OU UTOPIE ?
IV-1 - Facteurs modulant la dangerosité
Si
l’on avait conservé leur appellation originelle,
« armes non létales », nous pourrions
parler d’utopie.
Si l’on s’en tient à leur appellation
actuelle, on peut considérer qu’elles font
partie de la réalité.
Le risque d'atteinte mortelle inhérente à leur utilisation
est très faible, mais cependant pas nul. Encore ne parlons-nous que des risques directs.
En effet,
l’utilisation d’un dispositif destiné
à crever les roues des véhicules automobiles
peut ne pas avoir les mêmes conséquences sur
un véhicule à quatre roues et sur une motocyclette.
Mettre en panne un moteur n‘aura pas les mêmes
effets sur un véhicule terrestre ou sur un aéronef. D'où l'importance d'une doctrine d'emploi.
Les conséquences pouvant découler de la perturbation
des voies de circulation terrestres, de communications hertziennes,
du climat peuvent être fortement létales :
famine, manque de soin aux populations civiles, impossibilité
de maintenir l’ordre, villes ouvertes aux bandes de
pillards organisées.
On constate la complexité inhérente à
l’usage des armes à létalité
réduite.
On vient de mettre en évidence le facteur de dangerosité
environnemental ; dans un certain contexte, certaines ALR
pourront être utilisées à moindre risque,
dans un autre, il vaudra mieux s’abstenir.
Prenons pour exemple un individu ou un groupe d’individus
qui occupent indûment un local dans un but de revendication.
Face à cette situation, plusieurs comportements sont
envisageables.
On pourra attendre que les individus se lassent
et, finalement, abandonnent les lieux même s’ils
considèrent que leur action n’a pas entièrement
porté ses fruits.
Dans ce cas, la patience a été une sorte d’ALR.
Si l’on souhaite qu’ils quittent les lieux plus
rapidement, on pourra utiliser une substance malodorante
qui les incommodera. Le local pourra être libéré
en quelques minutes et, vraisemblablement, personne n'aura
à en pâtir, sauf peut-être l’honneur.
Mettons-nous dans une autre situation, plus pressante. On
se trouve face à un individu excité, très
menaçant. Le danger est imminent. Il faut le neutraliser.
Quelle que soit l’ALR-AP dont on va se servir (énergie
cinétique, gaz, électricité), on attend
d’elle un temps de réponse très court.
Le choc, quelle qu’en soit sa nature, devra perturber,
déséquilibrer les grandes fonctions physiologiques
de la pzrsonne (respiration, fonction neuromusculaire, peut-être
circulatoire), et ce de manière d’autant plus
intense que l’on souhaite une action rapide de la
part de notre moyen de défense. On risque, de ce
fait, de frôler le seuil de létalité,
surtout si l’individu se trouve fragilisé par
une maladie, le stress, des substances psychotropes etc.
IV-2 - La dichotomie armes létales / armes à
létalité réduite. Sa réalité, ses dangers
Stricto
sensu, les armes létales, contrairement aux armes
à létalité réduite, peuvent générer des blessures mortelles même si elles ne sont pas forcément recherchées. Pourtant, selon les rapports des chirurgiens
de guerre, les blessures par armes conventionnelles (balles,
éclats) ne sont mortelles que dans 20 à 25
% des cas. Les taux de blessures mortelles par balles sont
encore plus faibles dans le secteur civil. On peut considérer,
cyniquement, que les armes létales ont un bien mauvais
rendement. Il n’est pas interdit d’envisager
que les armes conventionnelles, létales, le seront
d’autant moins que la médecine d’urgence
fera plus de progrès. La frontière armes conventionnelles
– armes à létalité réduite
deviendra de plus en plus floue.
Pour l’instant, cette dichotomie est encore bien ancrée
dans les esprits. Elle n’est pas sans danger, ne serait-ce
que sur le plan éthique lorsque le policier, lors
de l'accomplissement de sa mission, doit choisir entre arme
conventionnelle et ALR.
V - CONCLUSION
Le
survol du domaine des armes à létalité
réduite a montré les avantages qu’elles
apportent en comblant des vides dans les moyens de défense
ou de riposte, d'ouvrir la voie vers un continuum entre
la négociation et l’usage des armes conventionnelles
létales.
On a vu également que les conséquences de
leur utilisation, selon l’environnement dans lequel
elles sont employées et la rapidité avec laquelle
on souhaite que leurs effets se manifestent, sont fortement
variables et peuvent frôler les limites de la létalité.
Elles peuvent soulever d’autres problèmes.
Si on hésite à recourir aux solutions extrêmes,
on se rabattra plus facilement sur les moyens intermédiaires.
Leur quasi non létalité pourrait amener leurs
possesseurs à en abuser, à les utiliser de
manière systématique voire à titre
préventif afin de maintenir des groupes d’individus
et/ou des pays entiers sous leur contrôle.
D’où la nécessité d’une
plus ample vigilance, d’un plus grand contrôle
dans leur emploi.
Les armes à létalité réduite,
dont le but est de préserver la vie de l’Homme,
ne doivent pas permettre d’aliéner sa liberté.
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