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Il
faut certainement remonter loin dans le temps pour retrouver
les premières motivations de l'homme qui le poussèrent
à expédier un objet quelconque, mais de préférence
contondant ou tranchant, sur un congénère
(acte de guerre) ou un animal (acte de chasse) dans un but
de défense ou d'agression.
Les principales motivations devaient sans doute être
l'impossibilité de s'approcher de la cible (animal
farouche, par exemple) ou la volonté de rester à
distance de ladite cible (animal ou adversaire dangereux).
Toute
l'histoire de la balistique peut se résumer à
un but : envoyer le plus loin et avec la meilleure précision
possible un projectile sur un objectif.
Dans
ce survol de la balistique nous nous contenterons de parler
des armes à feu qui sont loin d'être la seule
manière d'envoyer un projectile, tant il est vrai
que les dispositifs susceptibles de servir ce but sont nombreux.
En effet, tout système capable de transmettre son
énergie potentielle sous forme d'énergie cinétique
à un projectile peut satisfaire le besoin d'atteindre
une cible placée à une certaine distance.
Il n'est qu'à penser aux arcs, arbalètes,
lanceurs utilisant un ressort, l'air comprimé voire
l'énergie électrique qui, dans ce dernier
cas, permet d'atteindre des vitesses très élevées.
Dans
cet exposé, nous nous bornerons
aux armes à feu et considérerons leur balistique
décomposée classiquement en trois grandes
parties :
- La balistique intérieure des armes qui traite
des phénomènes qui se produisent dans la chambre
et le canon de l'arme jusqu'à la sortie du projectile.
- La balistique extérieure qui étudie
la trajectoire aérienne du projectile.
- La balistique terminale qui parle de l'interaction
projectile / cible. Lorsque la cible est un organisme vivant,
ou mort d'ailleurs, on parle de balistique lésionnelle.
Très
souvent, la balistique extérieure est elle-même
scindée en deux parties :
- la balistique intermédiaire qui s'intéresse
à ce qui se passe entre la bouche de l'arme et quelques
dizaines de centimètres plus loin, au moment où
le projectile quitte le canon. On verra que l'univers dans
lequel évolue, heureusement brièvement, notre
projectile est tumultueux et chaotique de par l'action des
gaz qui se détendent et qui le malmènent quelque
peu.
- La balistique extérieure qui commence à
la fin de la balistique intermédiaire, lorsque les
gaz n'ont plus d'influence sur le projectile, et se termine
au moment où le projectile atteint la cible, lieu
où commence la balistique terminale.
Commençons
par le commencement et parlons un peu de la balistique intérieure
des armes.
II - BALISTIQUE INTÉRIEURE DES ARMES
C'est un domaine complexe. Bien que les équations
régissant le comportement des gaz à l'intérieur
du canon puissent paraître parfaitement absconses
au non initié, il est cependant possible de bien
appréhender, ne serait-ce que qualitativement, cette
partie de la balistique et de laisser aux véritables
spécialistes le plaisir d'intégrer leurs équations
différentielles.
II-1 - PRINCIPE DE BASE
Dans
les armes à feu, on utilise pour propulser un projectile,
l'énergie produite par la déflagration d'une
substance explosive, communément appelée "
poudre ". Cette substance, par définition, est
capable de libérer son énergie potentielle
en un temps très court, lors d’une réaction
chimique, sous forme d'une grande quantité de gaz
à très haute température. Ce sont ces
gaz qui vont propulser le projectile hors du canon.
Avant
d'aller plus loin, voyons, schématiquement, comment
fonctionne une arme à feu.
• Une
arme à feu, c'est avant tout un tube ouvert à
un bout (en général)
Quels
que soient son type et sa forme extérieure, une arme
à feu est composée d'un canon qui n'est autre
qu'un tube ouvert à une extrémité pour
laisser sortir le projectile, évidemment. L'extrémité
opposée, appelée "chambre" est le
lieu où se produit l'explosion de la poudre. L'arrière
de la chambre est fermé par une pièce métallique
appelée culasse. Sur les armes de petits calibres
modernes, l'étanchéité de cette partie
du canon est principalement assurée par l'étui
de la munition.
Figure II -1/1
• La cartouche
L'évolution des techniques a permis de rassembler la charge propulsive, son sys tème de mise à feu et le projectile dans un seul composant : la cartouche dont on trouvera un schéma dans la figure II -1/2 ci-dessous.
Figure II -1/2
Ci-dessous figurent quelques modèles de cartouches et les détails d'un projectile pour armes modernes.
Figure II -1/3
Figure II -1/4
Figure II -1/5
Les projectiles présentent des formes et des compositions variées selon la nature de la cible et le type d'interaction projectile/cible que l'on recherche, tout en respectant au mieux les lois de l'aérodynamique.
Au
moment de l'explosion de la charge de poudre, la pression
des gaz s'applique sur toutes les parois de la chambre
et sur l'arrière du projectile, le culot, qui, d'un
diamètre pratiquement identique à celui de
l'intérieur du canon assure une l'étanchéité
aux gaz tout en présentant une moindre résistance
que les parois de la chambre. Le projectile est donc être
poussé par les gaz vers la bouche du canon selon
le principe du piston.
On
trouvera dans la Figure II -1/6 ci-dessous, un schéma représentant
une coupe au niveau des culasse, chambre et début
du canon avec une cartouche au moment du départ du
coup. Le projectile a déjà pris les rayures.
D'après
"Munition für Leichtwaffen, Mörser
und Artillerie". Ian V. Hogg.
Motor Buch Verlag.
Figure II -1/6
• Adaptation arme-munition
Dans le couple arme/munition, le lanceur (l’arme) est développé autour de la munition selon l’algorithme suivant :
Figure II -1/7
• Canon
lisse, canon rayé
La partie interne des canons appelée "âme" se présente généralement sous deux aspects : lisse ou rayée de manière hélicoïdale, à pas constant ou variable. Ces rayures permettent d'appliquer au projectile, durant son parcours dans le canon, un moment de rotation dans le but de supprimer son comportement erratique lors de son trajet dans l'air.
A) Canon à âme lisse
B) Canon à âme rayée
Figure II -1/8
• La
forme des projectiles a changé avec le temps... et
le désir d'une plus grande précision
A
l'origine des armes à feu, les projectiles étaient
en plomb et de forme sphérique. Une sphère pleine et homogène a un
centre qui est, à la fois, géométrique,
de gravité et de symétrie.
Le principe était simple. L'intérieur des
canons était lisse. Le calibre
des canons n'était pas donné selon son diamètre,
mais plutôt, et ce jusqu'au XIXème siècle
environ, par le nombre de sphères de plomb que l'on
pouvait couler, pour le diamètre de ce canon dans
une ancienne livre de plomb (489,5 g). On retrouve encore
de nos jours cette ancienne habitude pour les armes de chasse
à canon lisse. Par exemple, le calibre 12 à
un diamètre théoriquement de 18,5 mm et on pouvait couler 12 sphères
de plomb pour ce calibre qui est plus gros que le calibre
16.
• La
raison d'être des rayures
Les
premières rayures hélicoïdales sont mentionnées
en 1476. Les rayures droites le sont, elles, en 1498.
Les
balisticiens de l'époque se rendirent rapidement compte
des piètres performances des armes à canons
à âmes lisses et de leurs projectiles sphériques
en plomb. La portée de ces armes était faible
et leur précision décroissait rapidement avec
la distance. De nouvelles solutions s'imposaient.
Lors de leur trajet dans le canon lisse, les balles sphériques, de part leur conception, étaient soumises à des forces de frottements dissymétriques et variables d'un tir à l'autre. Elles sortaient du canon en étant animées d'un mouvement de rotation sur elles-mêmes qui, par interaction avec l'air, faisait sortir leur trajectoire du plan de tir. Elles étaient dotées d'un "effet" semblable à celui observés dans les jeux de balle tel que golf, tennis, footbal ou autre. La différence étant que, dans le domaine du sport, cet effet est recherché et maîtrisé alors que dans les armes enciennes il était aléatoire du fait que les frottements dus à l'interaction entre la balle et l'âme du canon n'étaient pas identiques d'un tir à l'autre. L'idée fut donc, puisque "effet" il devait y avoir, de le prévoir en imposant une rotation, ou pas, au projectile grâce à des rayures hélicoidales ou rectilignes. Dans le cas de rayures hélicoidales, la trajectoire sortait toujours de la trajectoire mais on savait dorénavant de quelle manière et en quelle proportion. Il suffisait ensuite de munir le système de visée d'une abaque tenant compte de cette déviation en fonction de la distance.
L'idée
de créer des balles plus aérodynamiques qu'une
sphère et d'une trajectoire plus prévisible
aboutit à la réalisation de projectiles de
formes allongées, oblongues et dont l'avant présente
un profil plus ou moins pointu.
Une
des
particularités de ces projectiles tient à
ce qu'ils ne possèdent pas de centre de symétrie
mais un axe de symétrie selon leur longueur. Quand
on les tire dans un canon à âme lisse, ils
se montrent parfaitement instables. Ils basculent ou tournoient
(on emploi parfois le mot " barriquer ") durant
leurs trajectoires aériennes.
Parmi
les différents moyens de stabiliser un projectile,
l’on choisit d’utiliser l’effet gyroscopique
qui transforme en un mouvement de précession la
tendance de ce projectile à basculer dès qu’il
sortait du canon. Dans ce but, il fallait faire tourner
le projectile à grande vitesse autour de son axe
longitudinal. On traça donc des rayures hélicoïdales
dans l’âme du canon de façon à
lui imprimer un mouvement de rotation qu’il conservera
tout au long de sa trajectoire. Nous aurons l’occasion
d'évoquer cette stabilisation par effet gyroscopique
au chapitre " balistique extérieure ".
Nota :
toutes les armes qui tirent des projectiles stabilisés
par rotation, ne comportent pas systématiquement
un canon rayé. Certaines de ces armes possèdent
un canon à âme non pas cylindrique mais polygonale.
• L'élément moteur des armes
On appelle élément moteur d'une arme ce qui lui apporte l'énergie nécessaire à son fonctionnement. Quand on parle de fonctionnement, il s'agit bien sûr de lancer un projectile mais aussi, dans le cas de la plupart des armes modernes automatiques ou semi automatiques, d'assurer son alimentation.
Les moyens de propulsion ou les agents moteurs
Les agents moteurs capables d'apporter à une arme l'énergie nécessaire à son fonctionnement sont variés. On peut, pour l'exmple, en citer quelques uns :
- Gaz comprimé : air, azote, hélium ou hydrogène selon les vitesses désirées. Outre les armes à
air comprimé, Il s'agit également de moyens de propulsion utilisés dans des canons de tests
de laboratoires ;
- Ressorts comprimés, élastiques ;
- Électricité. On utilise la force générée par un champ électromagnétique ;
- Substances explosives.
C'est la propulsion à l'aide de substances explosives qui est majoritairement utilisée d'où l'appellation armes à feu. Si ce n'est peut-être pas la plus simple, elle est devenue la plus pratique et permet le fonctionnement aussi bien d'armes de forte puissance que d'autres de faible volume et facilement transportables.
Le
moteur de l'arme à feu étant la pression des
gaz générée par la combustion de la
poudre, nous nous arrêterons un instant sur cette,
ou plutôt, sur ces poudres.
II
- 2 - LES POUDRES
Les
poudres sont des substances explosives dont la réaction
de combustion, c’est à dire le dégagement
de leur énergie, est suffisamment faible (au regard
d'autres types d'explosifs) pour être utilisées
à des fins de propulsion. Ces substances se transforment
selon le régime de la déflagration. Leur vitesse
de transformation linéaire est de l'ordre de quelques
centaines de mètres par seconde.
Ce
comportement explosif est généralement dû
à une combustion c'est à dire une réaction d'oxydoréduction.
La particularité tient à ce que, dans cette
réaction, l'oxygène nécessaire à
la combustion n'est pas principalement emprunté à l'air ambiant
(la réaction serait trop lente) mais se trouve intégré
à l'intérieur de la poudre, voire de la molécule
active. Cette particularité explique la vitesse de la réaction.
• La poudre noire
L’auteur
arabe Ab Allah aurait, le premier, fait mention du
salpêtre (13ème siècle). Tout laisse à penser que les chinois
l’inventèrent à une époque
ancienne et s’en servaient pour les feux d’artifice.
Pratiquement à la même époque,
Roger BACON, aurait donné une formule de la
poudre noire.
L’histoire nous laisse surtout le souvenir du
moine allemand, Berthold SCHWARZ, qui aurait perdu
la vie en tentant de l’utiliser comme moyen
de propulsion dans les bombardes. Une légende
prétendrait que le Diable en rit encore.
La
poudre noire est un mélange de nitrate de potassium
ou parfois de sodium, de soufre et de charbon de bois.
Les proportions de ces divers éléments,
broyés très finement, étant variables
selon la vivacité recherchée, on devrait
plutôt parler " des poudres noires ".
L'histoire
semble avoir retenu la triste date, pour la France, de la
bataille de Crécy (1346) en ce qui concerne l'apparition
de la poudre noire sur le champ de bataille.
Les Anglais devaient posséder deux ou trois canons
qui se firent remarquer de la troupe et des observateurs
plus par leur bruit que par leur efficacité car,
comme ces derniers purent le constater, une fois remis de
leurs émotions : " Le Seigneur et la douce Vierge
Marie en soient loués, ils ne blessèrent ni
homme, ni femme, ni enfant ".
Elle
aura été utilisée pendant près
de cinq siècles, jusqu’à ce que M. VIEILLE
invente les poudres sans fumée (poudres à
la nitrocellulose).
La
poudre noire n’est plus utilisée de nos jours
sauf par les tireurs sportifs aux armes anciennes et par
certains fabricants de cartouches à projectiles en
caoutchouc. Il faut garder à lesprit que la poude noire est d'un usage relativement délicat. En effet, c'est une substance explosive dont la vitesse de transformation est de l'ordre de 900 m/s soit proche de la limite séparant classiquement les explosifs progressifs fonctionnant dans le mode de la déflagration, dont font partie les poudres, et les explosifs brisants qui, eux, se tranforment dans le mode de la détonation. Selon son confinement, la poudre noire peut passer assez facilement du régime progressif (déflagration) à celui de brisant (détonation) avec des conséquences néfastes sur le matériel et, événtuellement, le tireur et le proche environnement.
• Les
poudres modernes (dites sans fumée)
On
les appelle assez souvent " poudres sans fumée
" bien qu’elles ne soient pas des poudres et
qu’elles ne soient pas vraiment sans fumée.
Dans ces produits propulsifs, on utilise les propriétés
explosives de la nitrocellulose, substance obtenue par l’action
de l’acide nitrique sur le coton.
Par
nature, la nitrocellulose est un explosif, donc inutilisable
en l’état. Pour lui conférer une combustion
lente, en contrôler la vitesse et lui assurer une
bonne stabilité, on gélatinise la nitrocellulose
avec un mélange éther-alcool.
• Poudres
simples bases et multibases
Il
existe deux grandes familles de poudres sans fumée
: les "simples bases " et les " multibases
".
Dans les poudres simple base, le seul produit actif est
la nitrocellulose. Tous les autres produits présents
dans la composition ont incorporés uniquement en
vue d'assurer la stabilité et le contrôle de
la vitesse de combustion.
Dans
la famille des poudres multibases, on distingue les poudres
" double base " et les poudres " triple base
". Dans ces deux types de poudres multibases on ajoute
de la nitroglycérine qui augmente le niveau énergétique
de la poudre.
Les
poudres " double bases " produisent moins de fumée
et ont un meilleur rendement énergétique.
Elles présentent cependant l’inconvénient
d’éroder plus rapidement les canons du fait
de leur température de combustion très élevée.
Pour
pallier cet inconvénient et retrouver les qualités
des poudres " simple base ", tout en conservant
la fabrication aisée des poudres " double base
", on ajoute une troisième base, la nitroguanidine.
On obtient une température de combustion semblable
à celle des " simple base " tout en conservant
un grand potentiel propulsif.
Figure II - 2/1
• Les
" poudres " se présentent sous forme de
grains
Contrairement
à leur appellation, les poudres se présentent
sous forme de grains de formes variées. La combustion,
donc le dégagement des gaz s'effectue à la
surface des grains. On comprend aisément que plus
la surface du grain est importante plus la quantité
de gaz se dégageant en un temps donné est élevée. La forme des grains de la poudre,
outre sa composition chimique, influe grandement sur sa
vivacité, c'est à dire sa vitesse de combustion.
• Influence
de la forme des grains
Pour
une quantité de matière donnée, la
forme géométrique présentant la surface
minimale est la sphère. Partant de cette limite inférieure,
on donne aux grains de poudre des formes géométriques
ayant des surfaces de plus en plus étendues (parallélépipèdes,
paillettes, feuilles, cylindres pleins, cylindres creusés
d'un trou central ou de multiples trous selon l'axe longitudinal).
Ses différentes formes permettent d’avoir des
grains de poudre dont la surface varie ou demeure pratiquement
constante durant la phase de combustion.
• Caractéristiques
mécaniques des grains de poudre
Les
grains de poudre doivent présenter une bonne résistance
mécanique car, lors de leur combustion et de la montée
en pression, ils seront soumis à des contraintes
mécaniques importantes. Ils ne devront pas se briser
sinon leur forme sera évidemment modifiée
de même que leur vitesse de combustion et, in fine,
la vivacité de la poudre.
• Allumage
de la poudre
La
combustion de la poudre est initiée par un système
d’allumage. Pour les armes de petits calibres, on
utilise une amorce placée au culot de l’étui.
Cette amorce contient un explosif primaire par nature peu
puissant, au regard d'autres explosifs, mais très
sensible au choc et, en général, aux contraintes
extérieures.
Parmi les explosifs utilisés, on trouve le styphnate
de plomb autrement appelé trinitrorésorcinate
de plomb et le fulminate de mercure qui, relativement instable,
tombe en désuétude.
• Mécanisme
d'allumage
Lorsque
l’amorce est frappée par le percuteur, la déflagration
de l’explosif qu’elle contient projette des
gaz à haute température et des particules
incandescentes qui vont enflammer la poudre. Des gaz chauds
vont être émis à la surface des grains.
Idéalement,
tous les grains de poudre devraient être enflammés
simultanément, la pression en chambre devrait monter
rapidement jusqu’à son maximum, y rester jusqu’à
la combustion totale de la poudre et se détendre
à partir de cet instant. Ainsi la vitesse du projectile
serait optimisée.
En
réalité, il n’en est rien. Une poudre
" sans fumée " donne une pression qui augmente
progressivement en fonction du temps et reste à ce
maximum un instant très bref.
La combustion de la poudre n’est jamais complète.
De plus, il existe des ondes de pressions, prenant naissance
dans les régions où la poudre s’enflamme,
qui se propagent jusqu’aux limites de l’étui
et au culot du projectile où elles se réfléchissent
et peuvent interférer en certains points. Le champ
de pression dans la chambre n’est pas homogène
et ce phénomène très complexe peut
influer sur les contraintes mécaniques subies par
les parois de la chambre ou de l'étui et la vitesse de combustion des
grains de poudre.
Quoi
qu’il en soit, après l'allumage, la pression
en chambre croît et les gaz chauds viennent pousser
sur le culot du projectile. Ce dernier ne bougera pas tant
que la force générée par la pression
des gaz sur son culot sera inférieure à celle
due aux frottements statiques de son sertissage sur l’étui
qui sont un facteur important de la montée en pression
initiale en chambre.
II-3 - LE MOUVEMENT DU PROJECTILE DANS LE CANON
À partir de l'ignition de l'amorce, il est intéressant d'étudier l'évolution temporelle de trois phénomènes dans la chambre et le canon d'une arme.
La
pression en chambre continuant de croître, le projectile
commence à avancer et se trouve face à
de nouveaux frottements qui présenteront une résistance
à son déplacement.
Cette résistance dépend du type de stabilisation
choisi pour le projectile. Pour les projectiles stabilisés
par rotation la résistance à l’avancement
la plus importante du cycle balistique sera la prise de
rayures.
En effet pour communiquer au projectile le couple de rotation
lui permettant d’atteindre sa vitesse de rotation
optimale, les rayures de l’âme du canon devront,
pour les armes de petits calibres, pénétrer
relativement profondément dans sa chemise. Les obus,
pour leur part, sont dotés d'une ceinture de matériau
ductile dont l’un des rôles est d’interagir
avec les rayures du canon.
Military Ballistics - GM Moss, DW Leemines, CL Farrar
Figure II-3/1
Le
mouvement du projectile a pour conséquence une augmentation
du volume de la chambre de combustion, phénomène
qui devrait entraîner une diminution de la pression.
Mais la vitesse de combustion de la poudre augmente rapidement
avec la pression et des valeurs très élevées
sont atteintes avant le mouvement du projectile. La résultante
de ces deux phénomènes antagonistes est l’atteinte
rapide du maximum de pression dans la chambre. Ce maximum
se produit généralement peu après la
prise de rayures alors que, idéalement, on souhaiterait
le voir se produire au moment de la prise de rayures.
Corrélation entre : pression, vitesse, position
Figure II-3/2
• Les frottements contre les parois du canon
L'étanchéité devant être assurée entre le projectile et l'âme du tube, les frottements sont importants. Dans les canons rayés, il existe également des frottements projectiles/rayures. On considère généralement trois sortes de frottements :
• Force nécessaire à la prise des rayures ;
• Force de frottement, métal/métal, due au mouvement du projectile dans le tube ;
• Force de frottement normale à la paroi des rayures (pour les canon rayés).
Dans le schéma de la figure figure II -3/3 ci-dessous, l'auteur décompose les frottements en leurs différentes composantes. Pour notre part, par la suite, dans un but de simplification, nous appellerons FR la force résultante de tous les frottements qui s'oppose à l'avancée du projectile. Elle est représentée par un vecteur colinéaire à la force due aux gaz mais de sens opposé.
Balistique intérieure des canons - M. Krier, M. Summerfield
Figure II -3/3
Les forces de frottements présentent un maximum lors de la prise des rayures.
Military Ballistics - GM Moss, DW Leemines, CL Farrar
Figure II-3/4
• Les paramètres agissant sur la vitesse du projectile dans le canon
Passons à l'étude de ce qui se passe dans le canon et voyons les paramètres qui agissent sur le mouvement du projectile.
Les phénomènes, notamment ceux concernant la production des gaz et leurs actions sur le projectile, sont complexes. La combustion de la poudre n'est pas instantanée. Des ondes de pression se propagent de la culasse ou du fond de l'étui vers le culot du projectile, s'y réfléchissent, repartent vers l'arrière tout en rencontrant d'autres qui se propagent vers l'avant créant ainsi un phénomène d'ondes stationnaires dont les distances entre les nœuds et les ventres de pression varient en même temps que le projectile avance.
Le problème peut néanmoins se simplifier en partie en considérant d'une part que les gaz constituent un milieu continu, à savoir qu'un élément infinitésimal (particule) de gaz contient une grande quantité de molécules et d'autre part en faisant l'hypothèse d'une densité de gaz uniforme de la culasse au culot du projectile. L'expérience montre que cette approximation est convenable pour des vitesses allant jusqu'à 1000 m/s et on verra qu'elle nous est utile lorsqu'on voudra avoir une idée de l'énergie cinétique des gaz à la sortie du canon.
Revenons à notre projectile et voyons à quelles sollicitations il est soumis. Ce sont des forces. Nous avons détaillé les forces de frottements. On la vu, on en fait l'addition (vectorielle) afin d'obtenir une résultante que l'on nommera FR pour force de résistance à l'avancement. Elle sera dirigée vers l'arrière et évidemment opposée à la force FG due à l'action, sur le culot, de la pression engendrée par les gaz, qui est dirigée, elle, vers l'avant. Notre système de forces résultante est on ne peut plus simple : une force FG ayant tendance à accélérer le projectile vers l'avant et une autre FR qui, elle, aura tendance à le freiner.
Ces deux forces peuvent, à leur tour, être additionnées vectoriellement pour donner une force résultante appliquée au projectile que l'on appellera FP. En prenant comme positif le sens de la culasse vers la bouche de l'arme, on obtient une équation simple reliant FP, FR et FG :
Equ. II - 3/1
Dès lors, l'équation ci-dessus nous permet d'envisager trois cas :
• FG > FR : FP est positive. Le projectile est accéléré. Sa vitesse croît vers la bouche du canon ;
• FG = FG : FP est nulle. À mesure que le projectile avance FG décroît. À un certain moment, très bref, nous avons l'égalité des forces FR et FG. À cet instant l'accélération est nulle et la vitesse du projectile est constante ;
• FG < FR : FG continuant de décroître, si le canon est suffisamment (trop) long, FR étant plus grand que FG, l'accélération devient négative. Le projectile décélère. Il sortira du canon avec une vitesse plus faible qu'elle ne l'aurait été avec un canon à la bonne longueur. À la limite, le projectile s'arrêterait dans le canon.
L'image ci-dessous présente le principe simplifié d'une arme à feu avec les trois forces agissant sur le projectile.
Figure II-3/5
Les frottements dans le canon ne sont pas constants. Ils sont particulièrement importants au moment de la prise de rayures et de leurs gravures dans la chemise du projectile ou la ceinture s'il s'agit d'un obus. Cependant, une fois ce passage difficile effectué, on peut admettre, sans nuire à la généralité, l'hypothèse qu'ils sont constants, ou prendre une valeur moyenne, pour le reste du trajet dans le canon. À notre niveau, les envisager variables compliquerait le problème inutilement et n'aiderait pas à la compréhension du phénomène. Partant de ces prémices nous allons déterminer les paramètres ayant une influence sur la vitesse du projectile une fois la prise des rayures effectuée. Partant de l'équation que nous venons d'établir reliant FP, FR et FG, les calculs ne sont pas longs et nous allons pouvoir les détailler ci-dessous.
Quand on se lance dans ce genre d'entreprise il faut savoir ce que l'on cherche et où l'on veut aller. Dans notre cas, nous souhaitons aboutir à une relation où la place de chaque paramètre nous permettra de comprendre comment il agit sur la vitesse de sortie du projectile. À ce niveau d'étude, peu nous importe la manière dont ce paramètre varie finement. L'important est de comprendre comment il agit globalement. Nous nous plaçons donc dans l'optique d'une analyse qualitative. L'aspect quantitatif suivra éventuellement mais, dans ce cas, nous devrons réaliser des mesures dont les résultats seront intégrés dans les équations.
Hypothèses simplificatrices
Ces hypothèses permettront, sans nuire à la généralité, d'arriver à une relation relativement synthétique concernant les paramètres influençant la vitesse de sortie du projectile.
Hypothèse - 1 - Les frottements
On a vu que notre étude débute une fois que la prise des rayures a eu lieu et qu'à partir de ce moment nous considérons les frottements comme constants. Nous décidons de ce choix car, que ces frottements soient constants ou pas, ils freinent le projectile.
Hypothèse - 2 - La pression dans le canon
On l'a vu, le phénomène est complexe. Nous avons déjà admis l'hypothèse que les gaz constituent un milieu continu et présentent une densité uniforme de la culasse au culot du projectile. La force FG créée par l'action des gaz sur le culot du projectile est de la forme :
Equ. II - 3/2
Dans'léquation II - 3/2, FG représente le produit d'une surface par une pression.
Avec
L = longueur du canon ;
mp = masse du projectile ;
Vp= vitesse du projectile ;
Pp = pression au culot du projectile ;
A = section du culot du projectile ;
xP = position du projectile ;
PGmoy = pression moyenne des gaz ;
FGmoy = force moyenne due aux gaz ;
FP = force résultante appliquée au projectile ;
FG = force due à l'action des gaz sur le culot du projectile ;
FR = force de résistance à l'avancement due aux frottements.
Nous ne connaissons pas de quelle manière l'intensité de FG varie avec le temps. Ce que nous savons, par contre, c'est qu'elle pousse le projectile. De quelle manière elle le pousse, seules des mesures de pressions nous le diraient mais, d'une manière globale, elle le pousse. Dès lors on peut envisager une pression moyenne dans le canon qui nous est donnée en connaissant la vitesse de sortie du projectile et la longueur du canon. La physique nous donne une relation d'équivalence entre l'énergie cinétique du projectile et le travail de la force moyenne des gaz :
Equ. II - 3/3
La relation ci-dessus présente l'avantage que la force moyenne* FGmoy peut être réellement calculée dès lors que l'on connait la masse du projectile, sa vitesse à la bouche et la longueur du canon.
* Nota : Il faut prendre garde qu'introduire une force moyenne implique de facto une pression moyenne. Il faut bien comprendre que ces hypothèses n'ont qu'une seule utilité : la compréhension du phénomène. Il ne faudrait pas utiliser ces valeurs moyennes dans le calcul de la résistance d'une arme. En effet, les moyennes ont tendance à lisser les courbes à "raboter" les pics et combler les creux. Les graphiques ci-dessus (Figures II - 3/2 et II - 3/4) sont éloquents les pics de pression sont élevés et c'est à partir de ces derniers que la résistance de l'arme doit être définie.
Il est utile de faire apparaître la force moyenne FGmoy comme une fonction de la pression :
ou avec la pression moyenne
on obtient
Partant de l'équation liant FP, FR et FG :
La deuxième loi de la dynamique nous permet d'écrire :
En opérant le changement de variable suivant :
on obtient
Soit :
La dernière équation peut s'écrire :
En intégrant :
on obtient
et finalement
La dernière équation nous permet d'obtenir Vp
Equ. II-3/4
Ou, si l'on souhaite faire apparaître FGmoy :
Equ.II-3/5
Cette équation est le résultat de calculs mathématiques. Il faut maintenant l'utiliser dans le contexte de la physique, de la balistique. Il est important de comprendre qu'elle nous donne des informations concernant l'influence de certains paramètres sur la vitesse du projectile à la bouche de l'arme. Il ne faudrait pas la considérer comme une fonction donnant la variation de la vitesse du projectile dans le canon. D'ailleurs, ni le temps, ni la distance n'apparaissent dans l'équation. Pour faire simple, il ne faut pas trop lui en demander. On décèle d'ailleurs assez rapidement ses limites :
• Si FG > FR , tout va bien, nous sommes dans un contexte de fonctionnement normal d'une arme et nous avons une valeur de Vp ;
• Si FG = FR, rien d'anormal balistiquement puisque dans ce cas FP est nulle et Vp est nulle ;
• La difficulté intervient lorsque nous envisageons le cas où FG < FR,. C'est notamment le cas lorsque, dans des canons trop longs pour la puissance de la munition, la vitesse du projectile passe par un maximum puis décroît. On observe d'ailleurs ce phénomène sur certains lanceurs de balles de défense déclinés en version "canon(s) long(s)" et "canon(s) court(s). Dans cette éventualité, notre équation nous envoie dans un monde imaginaire mathématiquement parlant. En effet, dans ce cas le terme sous le radical est négatif et il n'y a pas de solution dans l'ensemble des nombres réels. Le domaine d'existence de notre relation commence à zéro et, ces préliminaires posés, on peut voir quelles sont les informations qu'elle nous fournit. Mais, auparavant voyons une simplification de cette relation.
Simplification de la relation
On peut éviter ce problème d'existence d'une solution à notre relation en s'affranchissant des frottements. Dans notre raisonnement on part du principe que la force FG due à la pression est supérieure aux frottements. On arrive ainsi à une relation simplifiée de la forme suivante, proche de la première :
Equ. II-3/6
Si l'on analyse mathématiquement l'équation 2 ou 3, on en déduit que la vitesse du projectile à la sortie de du canon est d'autant plus élevée que la pression moyenne, la section du culot du projectile et la longueur du canon sont elles-mêmes élevées. À contrario, la masse du projectile agit en sens inverse, à savoir que, tous les autres paramètres étant fixés, plus la masse du projectile est élevée plus la vitesse à la bouche est faible.
Si cette équation est intéressante pour la compréhension du phénomène, il faut néanmoins, on l'a déjà dit, la remettre dans le contexte physique, définir ses limites au sens balistique et analyser chacun des paramètres.
On va régler tout de suite le sort de la section du culot A et de la masse du projectile mp : ce sont des valeurs constantes. Voyons les autres.
La pression moyenne P ne peut pas être constante. Même en régime adiabatique (pas d'échange avec l'extérieur) le volume à l'arrière du projectile croît en même temps que ce dernier se déplace vers l'avant et la pression diminue forcément, une fois que toute la poudre est brûlée (Figure II-3/2).
La longueur du canon L ne peut pas être aussi grande que l'on veut. Il y a une longueur optimum au delà de laquelle la force, générée par la pression des gaz, qui accélère le projectile, devient plus faible que les forces de frottement tendant à le freiner. Au delà d'une certaine longueur de canon la vitesse de sortie du projectile diminue. Elle peut même devenir nulle, le projectile restant dans le canon. D'où l'intérêt d'utiliser la bonne vivacité de poudre en fonction de la longueur du tube. On évite ainsi un gaspillage d'énergie (toute la poudre brûle avant la sortie du projectile) et, en même temps, le projectile sort avec sa vitesse maximum (Figure II-3/2).
• Projectiles sous-calibrés
Revenons sur la section du culot A et de la masse du projectile mp. On constate que, tous les autres paramètres étant fixés, si l'on augmente la section du culot du projectile en ne modifiant pas ou très peu sa masse, on obtient une vitesse à la bouche plus élevée. Nous avons là le principe des projectiles sous-calibrés : on enserre le projectile dans un sabot réalisé en matériau léger mais de forte section et l'ensemble est éjecté à une vitesse bien plus importante que celle qu'aurait atteinte le projectile seul, s'il avait été tiré dans un canon de son calibre.
• Moment d'inertie du projectile et masse équivalente
Jusqu'à maintenant nous avons envisagé l'action de la force FG due aux gaz comme faisant avancer le projectile vers la bouche de l'arme en luttant comme les frottements. Une analyse plus fine nous montre que la force FG doit en réalité lutter contre trois oppositions :
1 - Les forces de frottements ;
1 - La force d'inertie du projectile dont la masse s'oppose à toute modification de son mouvement de translation ;
3 - La force d'inertie du projectile due à son moment d'inertie qui s'oppose à sa mise en rotation.
On combine les deux forces d’inertie (déplacement et rotation) en introduisant une masse équivalente μ :
avec
Equ. II-3/7
Nous obtenons l'équation des forces :
Equ. II-3/8
avec a l'accélération du projectile
• Vitesse de rotation du projectile
Sur sa trajectoire la stabilité du projectile est assurée par effet gyroscopique. Il est mis en rotation dans le canon grâce aux rayures.
La vitesse de rotation ω à la bouche de l'arme peut être obtenue à l'aide de deux formules. On utilise l'une ou l'autre selon que l'on connaît le pas des rayures ou leur angle α par rapport à l'axe du canon.
ou
Equ. II-3/9
Précisons que l'accélération de rotation existe dès la prise des rayures. Il n'est point nécessaire que le projectile ait parcouru une distance équivalente à un pas des rayures pour avoir sa vitesse de rotation définitive. D'ailleurs, dans les formules ci-dessus, la longueur du canon n'intervient pas. En clair, deux projectiles ayant la même vitesse à la bouche ont la même vitesse de rotation qu'il soient tirés dans un canon de 2 pouces ou 4 pouces dès lors que les deux canons de longueur différente sont rayés au même pas, par exemple de 25 cm.
• Quantité de mouvement du projectile et des gaz à la bouche de l'arme
La quantité de mouvement du projectile et des gaz à la bouche de l'arme sont les deux facteurs principaux intervenant dans le phénomène de recul de l'arme. Quand nous parlons de ces quantités de mouvement "à la bouche", il faut entendre juste avant que le projectile ne quitte le canon. Dans ce cas la partie de la veine gazeuse au culot du projectile a la même vitesse que ce dernier.
- Quantité de mouvement du projectile
Produit de la masse du projectile Mproj par sa vitesse Vproj à la bouche, elle est aisée à calculer dès lors que nous connaissons ces valeurs.
soit :
Qproj = Mproj x Vproj
Equ. II-3/10
- Quantité de mouvement des gaz
Le problème est plus délicat. Contrairement au calcul de la quantité de mouvement du projectile qui est aisé car nous connaissons, par la mesure, sa vitesse à la bouche de l'arme, nous ne pouvons pas mesurer la vitesse de la veine gazeuse. Nous allons la déduire de celle du projectile.
Si l'on souhaite un calcul qui ne soit pas trop compliqué, on doit envisager quelques hypothèses simplificatrices. En effet, une analyse de ce qui se passe dans le canon à l'arrière du projectile nous amène à la constatation suivante. On garde l'hypothèse simplificatrice de l'homogénéité de la veine gazeuse et on la découpe, perpendiculairement à l'axe du canon, en tranches très fines ; on saucissonne cette veine gazeuse en tranches aussi fines que l'on veut et on regarde ce qui se passe. Il est clair que la tranche de gaz au contact du culot du projectile à la même vitesse que ce dernier mais la tranche de gaz au contact de la culasse ou du fond de l'étui à une vitesse nulle. Entre ces deux tranches extrêmes, toutes les autres ont une vitesse différente selon leur position dans le canon. Le problème semble donc compliqué.
On résout cette dificulté en considérant non plus la vitesse de chacune des tranches de gaz mais celle du centre de gravité de la veine gazeuse. La position du centre de gravité de la veine gazeuse doit être connue puisque c'est sa variation qui donne sa vitesse. La position du centre de gravité des gaz dépend de la répartition de leur volume, ce qui nous conduit envisager deux cas : le cas des canons avec chambre et le cas des canons sans chambre.
En balistique intérieure une distinction est faite entre deux types de canons :
1 - Les canons avec chambre : l'extrémité du canon contenant la poudre, la cartouche, est d'un diamètre supérieur à celui du canon. C'est le cas généralement des armes puissantes notamment de la plupart des fusils mais également de certains pistolets automatiques tirant ce que l'on appelle communément des "cartouches bouteilles" ;
2 - Les canons sans chambre : l'extrémité du canon contenant la poudre, la cartouche n'a pas un diamètre sensiblement différent de celui du canon. C'est le cas par exemple des révolvers et de certains pistolets automatiques comme ceux tirant la munition de 9x19 mm.
1 - Cas des canons sans chambre
Un canon sans chambre peut être considéré comme un cylindre. La répartition du volume étant symétrique par rapport au milieu du cylindre, quand le projectile atteint la bouche du canon, le centre de gravité se trouve au milieu du canon.
Le calcul n'est pas très complexe et nous le présentons ci-dessous.
En notant :
Qg = quantité de mouvement des gaz
xg = position du centre de gravité du gaz
x = position du culot du projectile
Vxg = vitesse du centre de gravité du gaz au point xg
mg= masse des gaz
ρ = densité du gaz
A = aire du culot du projectile
VP = vitesse du projectile
QP = quantité de mouvement du projectile
La quantité de mouvement des gaz est donnée par la relation : Qg = mg x Vxg.
En introduisant ρ la masse volumique des gaz et considérant la variation de la position de leur centre de gravité, on obtient :
Dans les canons sans chambre, la quantité de mouvement des gaz à la bouche est égale au produit de la masse des gaz par la moitié de la vitesse du projectile.
Equ. II-3/11
Méthode intuitive
On peut envisager un raisonnement intuitif pour arriver au même résultat.
Remplaçons les gaz par un ressort comme élément propulseur. La spire du ressort au contact du culot de l'étui est animée de la même vitesse. La vitesse de la spire au fond de la cuvette de tir est nulle. À un instant donné, la vitesse de chacune des spires augmente de la culasse vers le culot du projectile. Lorsque ce dernier atteint la bouche de l'arme, la spire du milieu, lieu du centre de gravité du ressort, considéré comme bien équilibré, à parcouru la moitié de la distance parcourue par le culot du projectile et sa vitesse sera également la moitié de celle du projectile (Figure II - 3/5 ci-dessous).
Figure II - 3/5
2 - Cas des canons avec chambre
Dans les canons avec chambre, la répartition du volume gazeux n'est pas symétrique du fait de la présence même de la chambre. Quand le projectile atteint la bouche de l'arme, le centre de gravité des gaz est en arrière du milieu du canon. Il a parcouru moins de la moitié de la distance parcourue par le projectile. Il est donc animé d'une vitesse inférieure à la moitié de celle du projectile.
Il n'y a pas de formule générale donnant la vitesse des gaz lorsque le projectile atteint l'extrémité du canon puisque la répartition du volume gazeux est propre à chaque arme. Cependant, des mesures effectuées sur diverses armes permettent d'émettre des ordres de grandeurs : soit VCG la vitesse du centre de gravité des gaz lorsque le culot du projectile atteint la bouche de l'arme et VP la vitesse du projectile au même instant, VCG est de l'ordre de 0,46 à 0,47 VP au lieu de 0,5 VP dans les canons sans chambre. La différence est minime mais elle existe.
• Énergie cinétique des gaz
Le tableau ci-dessous donne le bilan énergétique classiquement retenu lors d'un tir.
Military Ballistics - GM Moss, DW Leemines, CL Farrar
Figure II - 3/6
On constate que la part d'énergie répartie dans les gaz, que ce soit sous forme de chaleur ou d'énergie cinétique est importante.
Il peut être utile de connaître l'énergie cinétique des gaz à la bouche pour diverses raisons, par exemple avoir une idée de leur potentiel lésionnel. On sait qu'un tir à bout touchant au niveau du crâne avec une balle à blanc est susceptible d'engendrer des lésions graves voire mortelles.
Pour obtenir l'énergie cinétique des gaz à la bouche du canon, il est classique de partir de l'équation de continuité des gaz de Lagrange qui permet de connaître la répartition de la vitesse des gaz derrière le projectile :
On suppose une densité uniforme des gaz de la culasse jusqu'au culot du projectile soit:
L'intégration de l'équation de Lagrange donne un résultat de la forme :
Énergie cinétique des gaz :
Si cette relation présente un aspect sympathique, elle n'est pas tout à fait juste. En effet, au delà de 600 m/s la densité des gaz commence à ne plus être uniforme. On est amené à introduire un coefficient δ de façon à obtenir l'expression suivante :
Énergie cinétique des gaz :
Equ. II-3/12
Jusqu'à une vitesse de 600 m/s, on prend δ = 3. Au-delà on re réfère au graphique 4 ci-dessous :
Balistique intérieure des canons - M. Krier, M. Summerfield
Figure II - 3/7
On constate que, jusqu'à 1000 m/s, δ varie faiblement et que pour les armes de petits calibres classiques, la vitesse des gaz à l'arrière du projectile est de l'ordre du tiers de celle de ce dernier.
La résolution mathématique du problème de l'énergie cinétique des gaz à la bouche de l'arme est relativement longue. Le lecteur intéressé pourra trouver ici le déroulement des calculs.
• Le recul des armes
On ne peut clore le chapitre de la balistique intérieure sans aborder le phénomène du recul des armes.
Il est admis que le recul des armes est dû à trois composantes :
1 - La quantité de mouvement du projectile ;
2 - La quantité de mouvement des gaz ;
3 - L'effet de souffle à la bouche du canon.
Les points 1 et 2 viennent d'être traités et permettent de poser l'équation suivante :
Equ. II - 3/13
Le signe "-" devant le second membre indique que la somme des quantités de mouvement du projectile et des gaz est en sens inverse de celle de l'arme et que la somme de toute les quantités de mouvement et nulle, ce qu'elle était pour le système avant le départ du coup.
Le point 3 est plus épineux et mérite notre attention car des expérimentations montrent que la contribution de l'impulsion due au souffle des gaz libérés à la bouche peut atteindre près de 30% sur certaines armes puissantes comme les fusils de guerre en calibre 7,62 x51 mm. C'est d'ailleurs ce qui explique l'utilité des freins de bouche.
On peut tenter de résoudre ce problème en cherchant du côté du fonctionnement des tuyères qui est très bien compris depuis longtemps. Nous pouvons donc dire que la poussée exercée à chaque instant sur l'arme par les gaz éjectés est donnée par l'équation :
Poussée = Pression nette des Gaz x Aire de Sortie x Débit Massique
Equ. II - 3/14
Avant même d'étudier sommairement cette équation, nous devons faire preuve d'une certaine méfiance car cette relation décrit le fonctionnement d'une tuyère en régime établi, alors que le phénomène qui nous intéresse est transitoire.
L'application de cette équation à notre problème particulier de recul des armes nous amène à émettre des conclusions négatives auxquelles sont arrivés d'autres balisticiens intéressés par ce phénomène :
La Pression Nette des Gaz à la Sortie est simplement la pression moyenne des gaz à la bouche moins la pression atmosphérique. La pression dans le canon avant la sortie du projectile est de plusieurs centaines de bars. Elle chute à zéro en une fraction de seconde, ce taux de variation, nécessaire à notre étude, est inconnu et tous les chiffres que nous pourrions utiliser ne sauraient être que des conjectures.
L'Aire de la Sortie, qui est la section transversale à la bouche du canon est aisément calculable à partir du diamètre, connu, du canon.
Le Débit Massique est, comme le premier terme évoqué, inconnu pour ce qui concerne nos calculs sur le recul.
Finalement, tout ce que cette équation nous dit est que plus la pression atmosphérique est élevée, moins le recul de l'arme dû au souffle à la bouche est important et que, plus la pression atmosphérique est élevée, moins la Pression Nette des Gaz à la Sortie est forte. Effectivement, il est aisément compréhensible que si l'air ambiant est à la même pression que les gaz à l'intérieur du canon, les gaz ne sortiront pas du tout et le recul dû à cet effet sera nul.
L'équation ci-dessus ne nous apporte pas grand chose concernant notre problème. Tournons nous vers la littérature.
Les ouvrages spécialisés donnent des valeurs de sortie des gaz divergentes, allant de 670 m/s (Kneubuehl) à 1500 m/s pour d'autres auteurs (Ingénieur Général Moreau). À leur décharge, ces valeurs dépendent du calibre, du type de poudre et de la puissance de l'arme. Seul Kneubuehl précise que la valeur donnée concerne le 9 mm Luger et que pour le .38 Special la vitesse de sortie des gaz est de 930 m/s.
Un calcul réalisé à partir du demi angle au sommet du cône de Mach à l'arrière d'un projectile (interaction gaz/culot du projectile) à la sortie du canon, de la vitesse moyenne de la veine gazeuse et de la vitesse du son dans le volume gazeux à la température de 1200 K, nous donne une vitesse initiale d'éjection des gaz de 1013 m/s pour un projectile animé d'une vitesse à la bouche de 330 m/s. Compte tenu de l'incertitude des mesures cette valeur calculée est à prendre comme un ordre de grandeur.
Il semble qu'à ce sujet la théorie montre ces limites et que ce soit vers l'expérimentation qu'il faille se tourner.
En mesurant la vitesse de reculde l'arme Varme lors d'un tir et connaissant sa masse Marme, nous obtenons facilement sa quantité de mouvement Qarme. Il en est de même pour les quantités de mouvement du projectile Qproj et des gaz Qgaz. Si nous appelons Igaz l'impulsion due au gaz, sa valeur nous est donnée en résolvant l'équation ci-dessous :
Igaz = Qarme - (Qproj + Qgaz)
Equ. II - 3/15
Nous sommes restés un certain temps à la bouche de l'arme. Avançon un peu et observons la sortie du projectile du canon. Nous entrons dans le domaine de la balistique intermédiaire.
Mais avant d'aller plus loin nous sommes dans une situation où nous avons un projectile qui, de par la transformation d'une énergie potentielle chimique en une énergie cinétique, est doté d'une capacité d'effectuer un travail mécanique sur une cible. On sait qu'il est également animé d'une quantité de mouvement capable d'être transmise violemment. Lequel des deux critères doit-on choisir pour évaluer son efficacité : l' énergie cinétique ou la quantité de mouvement (réponse ci-dessous*) ?.
*Réponse : l'énergie cinétique d'un projectile le dote d'une capacité à effectuer un travail mécanique sur une cible. Ce travail mécanique sera d'autant plus important que cette énergie cinétique sera bien utilisée. C'est donc l'énergie cinétique qui est le critère d'efficacité d'un projectile. Même si beaucoup de théories ont été développées sur le stopping power, l'énergie cinétique demeure le seul critère réellement scientifique utilisé dans les laboratoires de balistique.
Développons un peu le sujet.
• Énergie cinétique versus quantité de mouvement. L'exemple du pendule balistique.
L'énergie et la quantité de mouvement sont deux grandeurs physiques qui répondent à la loi de conservation. C'est à dire, pour faire simple, qu'en mécanique classique, newtonienne, elles ne peuvent pas être crées ex nihilo ni disparaître.
Si l'énergie se conserve, elle peut se présenter et se transformer en diverses formes d'énergie. C'est le cas notamment de l'énergie cinétique qui, lors d'une interaction, peut se transformer en d'autres types d'énergie.
La quantité de mouvement, quant à elle, ne peut que transmettre du mouvement.
Ces propriétés particulières à l'énergie et à la quantité de mouvement sont schématisées dans la figure ci-dessous.
Figure II - 3/8
Exemple d'application avec le pendule balistique
De nos jours, la vitesse des projectiles est mesurée précisément avec différents appareils notamment des chronographes balistiques ou des radars à effet Doppler.
Avant l'avènement des ces appareils sophistiqués, on utilisait le principe du pendule balistique. Le dispositif pouvait être constitué, par exemple, d'un récipient rempli de sable, la face avant étant obturée par une fine feuille de plomb. Moyennant quelques précautions expérimentales, notamment réaliser le tir au niveau du centre de gravité du dispositif, faible angle de rotation α du pendule, on pouvait déduire avec une bonne précision la vitesse d'impact du projectile à partir de la hauteur hp = h1-h2= h1.(1-cos α) atteinte par le pendule ; voir les deux figures ci-dessous. Cette méthode de mesure est un bon exemple de l'utilisation de l'énergie cinétique et de la quantité de mouvement.
Pendule au repos avant l'impact
Pendule après impact
Figure II - 3/9
Résolution du problème
Lors de l'impact, l'énergie cinétique du projectile est distribuée entre différents phénomènes : déplacement du sable, chaleur, déformation éventuelle du projectile, déplacement du pendule, etc. On ne peut pas utiliser l'équivalence entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle pour déduire directement la vitesse du projectile.
Le problème se résout en trois étapes.
Étape 1 : Calcul de la vitesse initiale du pendule due à l’impact.
Connaissant la hauteur hp atteinte par le pendule et sa masse mp , on peut connaître sa vitesse initiale vp. On utilise la relation d'équivalence entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle.
L'étape 1 nous permet de connaître la vitesse initiale du pendule vp juste après l'impact :
Equ. II - 3/16
Étape 2 : Calcul de la quantité de mouvement du pendule due à l’impact.
Connaissant la vitesse initiale du pendule vp, calculée à partir de l'équation II - 3/16, et sa masse mp nous pouvons connaître sa quantité de mouvement Qp.
Equ. II - 3/17
Étape 3 : Calcul de la vitesse du projectile vproj au moment de l’impact.
Selon le principe de la conservation de la quantité de mouvement, la quantité de mouvement du pendule Qp est égale à celle du projectile Qproj qui l'a impacté. Ainsi, connaissant la quantité de mouvement du pendule Qp, on connaît également celle du projectile Qproj dont on peut déduire la vitesse vproj au moment de l'impact.
Application numérique
Un projectile de 8 g est tiré sur un pendule balistique, constitué de sable, d'une masse totale de 5 kg. Le pendule atteint une hauteur de 5 cm par rapport à sa position initiale de repos.
Quelle est la vitesse du projectile au moment de l’impact ?
(On négligera le poids de la suspension du pendule ainsi que l’énergie de rotation).
Réponse
Étape 1 : Calcul de la vitesse initiale du pendule due à l’impact.
Étape 2 : Calcul de la quantité de mouvement du pendule due à l’impact.
Étape 3 : Calcul de la vitesse du projectile vproj au moment de l’impact.
La quantité de mouvement du projectile Qproj étant égale à celle du pendule Qp, nous obtenons :
Nota : Il n’y a que dans le cas idéal de choc parfaitement élastique (pas de perte d'énergie) que "énergie cinétique -> énergie cinétique". D’ où la nécessité de savoir choisir le bon outil au bon moment et selon le phénomène.
Nous verrons que, dans certains autres cas, l'utilisation de la quantité de mouvement est également pertinente.
III - LA BALISTIQUE INTERMÉDIAIRE
Un projectile dans la tourmente
Il est à noter que certains balisticiens et non des moindres ne font pas de distinction et ne parlent pas de balistique intermédiaire. Ils considèrent que, dès lors que le projectile quitte le canon, il s'agit de balistique extérieure et que ce qui se passe à la bouche de l'arme est un épiphénomène qui met l'accent sur la nécessité d'une bonne stabilisation, ce qui est vrai au sens propre du terme. Nous ne prônons pas de méthode particulière mais, compte tenu des phénomènes intéressants qui s'y passent, nous avons décidé de traiter à part cette phase initiale de la balistique extérieure.
La
balistique intermédiaire correspond donc à la phase
initiale du vol du projectile au cours de laquelle les gaz
exercent encore une action sur ce dernier.
Durant
son trajet dans le canon, le projectile joue le rôle
d’un piston et la vitesse des gaz derrière
lui est limitée par sa propre vitesse à condition
qu’il existe une bonne étanchéité
entre le projectile et la paroi interne du canon. Ce qui
n’est pas toujours le cas en pratique. Il arrive souvent,
en effet, de voir une partie des gaz de combustion précéder
de peu le projectile à la bouche du canon, comme le montre la vidéo* ci-dessous.
Figure III - 1/1
La séquence est détaillée dans l'image ci-dessous.
Figure III - 1/2
À
la sortie du canon, les gaz se détendent et, n’étant
plus bloqués par le culot du projectile, accélèrent
et dépassent ce dernier.
Au tout début de cette phase, la différence
de vitesse entre celle du projectile et celle des gaz est telle qu’une
onde de choc se crée au culot. Ce phénomène
est très net en prise de vue haute vitesse, comme le montrent, ci-dessous, la vidéo* et la séquence d'images.
Figure III - 1/3
La séquence est détaillée dans l'image ci-dessous.
Figure III - 1/4
On se trouve dans la même situation que si le projectile
se déplaçait dans les gaz le culot en avant
et à une vitesse supersonique.
Le projecitle se trouve soumis à deux contraintes majeures :
1 - La rencontre brutale avec l'air ambiant que l'on appelle percussion initiale ;
2 - Les gaz qui exercent une poussée sur le culot.
À la sortie du canon, l'axe longitudinal du projectile n'est jamais parfaitement aligné avec celui du canon. Du fait des actions conjuguées de la percussion initiale et des gaz, il est soumis à un couple de forces tendant à le faire basculer.
La figure ci-dessous représente la situation.
Figure III - 1/5
• Les conséquences de l'action des gaz sur le projectile.
Ci dessous, nous voyons le comportement normal d’un projectile prévu pour être stable par rapport au milieu, l'air, avec lequel il interagit.
Figure III - 1/6
L'image qui suit nous présente la situation dans laquelle se trouve le projectile soumis à l'action des gaz.
Figure III - 1/7
C'est durant cette phase que l'efficacité de la stabilisation est cruciale.
Les phénomènes à la bouche de l'arme sont schématisés ci-dessous.
Figure III - 1/8
La stabilisation du projectile ayant été efficace, il sort de cette région agitée pour aborder la phase aérienne de sa trajectoire. Nous entrons dans la balistique extérieure proprement dite.
IV - LA BALISTIQUE EXTÉRIEURE
• Les deux approches de la balistique extérieure.
Classiquement, l'étude de la balistique extérieure est subdivisée en deux parties :
1 - La balistique dans le vide : la seule force agissant sur le projectile est son poids ;
2 - La balistique dans l'air : on tient compte de l'interaction du projectile avec le milieu dans lequel il se propage, l'air.
IV-1 - LA BALISTIQUE DANS LE VIDE
Le projectile n’est soumis qu’à une seule force : son poids.
Il est animé d’une vitesse dont le vecteur représentatif, V, tangent à sa trajectoire, génère un plan, le plan de tir.
Ce vecteur vitesse V peut être décomposé selon une composante horizontale et une autre verticale :
La composante horizontale selon l'axe des x :
Equ. IV-1/1
La composante verticale selon l'axe des y :
Equ. IV-1/2
Avec α l'angle de tir.
Figure IV -1/1
• Les forces appliquées au projectile
Nous avons décomposé le mouvement du projectile en deux composantes selon les axes x et y. Pour étudier ce mouvement sur la trajectoire, nous allons définir les forces qui s'appliquent sur ces composantes.
Selon x :
Equ. IV-1/3
Selon y :
Equ. IV-1/4
Avec, pour les deux équations :
Nous rappelons ci-dessous les équations du mouvement uniformément accéléré puisque, dans notre cas, c'est de cela qu'il s'agit :
Figure IV-1/2
• Interprétation des équations des forces selon x et y.
Selon x, la force Fx est nulle donc l'accélération est nulle, la variation du mouvement est également nulle. Il n'y a pas d'air ni aucun autre frottement pour modifier le mouvement dans cette direction. Il pourrait continuer indéfiniment, identique à lui-même, tant que le projectile ne rencontre pas un obstacle.
Selon y, la force Fy n'est pas nulle. Comme pour la composante horizontale, il n'y a pas d'air ni aucun frottement. Mais il y a le poids du projectile qui est une force. Elle agit sur la composante verticale du mouvement. On peut d'ailleurs dire qu'elle agit différemment selon les phases de la trajectoire. Elle freine à la montée, à tel point qu'à un certain moment la vitesse verticale s'annule, puis accélère le mouvement à la descente de telle manière que, pour la même altitude, la vitesse du projectile est identique à la montée et à la descente, mais de direction opposée. C'est ce qui explique que, lors d'un tir sur terrain horizontal, la vitesse d'arrivée est la même que la vitesse initiale, tant dans son intensité (son module) que pour la valeur de son angle.
La seule force modifiant le mouvement selon la verticale est le poids du projectile qui est le produit de sa masse par l'accélération de la pesanteur g. On considère que g ne varie pas sur la trajectoire. C'est une bonne approximation si l'on n'est pas artilleur et que l'on n'envoie pas des projectiles en tirs courbes à plusieurs dizaines de kilomètres de distance. Nous sommes donc, dans le sens de la verticale, dans le cas d'un mouvement uniformément accéléré.
Tous les paramètres initiaux tels que la vitesse Vo, l'angle de tir, le poids du projectile (en considérant que g ne varie sur la trajectoire) sont fixés dès le départ du coup. Il ne varieront pas durant le vol du projectile. On peut représenter la trajectoire par une équation généralisée.
• Équation généralisée y = f(x)
Le tableau IV-1/1 nous donne les variations de y en fonction du temps. C'est le résultat de l'application de la deuxième loi de la dynamique F = m x dv/dt qui, par double intégration nous donne y = f(t). Suivant le même processus, le tableau nous donne aussi x = f(t). Nous avons :
Equ. IV-1/5
et
Equ. IV-1/6
Les équations IV-1/5 et 6 sont les équations générales que nous allons adapter à notre situation et simplifier par la même occasion. L'accélération a est remplacée par celle de la pesanteur g. Nous avons vu que g n'a d'action que sur y. Nous allégeons les équations en prenant x0 = y0= 0, c'est à dire que nous étudions le mouvement à partir de la bouche de l'arme dont les coordonnées sont x0 = 0 et y0 = 0. Nous obtenons :
Equ. IV-1/7
et
Equ. IV-1/8
Le signe "-" signifie que g, grandeur vectorielle, est de sens opposé à celui du mouvement.
Pour l'instant nous avons des informations sur les valeurs de x et de y en fonction du temps t. Très souvent, il est utile de connaître la trajectoire en fonction de la distance x, c'est à dire sous la forme d'une fonction du type y = f(x) que nous allons obtenir grâce à une transformation simple.
En posant t = x / Vcosα et en injectant cette valeur à la place de t dans l'équation de y, nous obtenons, après quelques arrangements, l'équation générale de y en fonction de x.
Equ. IV-1/9
C'est l'équation d'une parabole. En ramenant le projectile à son centre de gravité, on peut tracer une courbe de sa trajectoire.
Figure IV -1/3
Pour la clarté de la figure IV -1/1, le projectile est ramené à son centre de gravité G.
La seule force à laquelle est soumis le projectile est son poids P.
La composante horizontale Vx de la vitesse V est constante. Seule la composante verticale de V, Vy varie.
V varie car Vy varie. Sous l'action de P, Vy diminue en phase ascendante (phase 1 et 1').
Vy s'annule à l'apogée de la trajectoire et V est minimum (phase 2).
Lors de la phase descendante (phase3), sous l'action de P, Vy augmente, de même que V.
À la même altitude, la valeur de V est identique en module mais de direction opposée.
La vitesse finale st donc égale à la vitesse initiale.
En continuant notre étude, nous allons déterminer sur cette parabole un certain nombre de points caractéristiques. Cf. figure IV -1/2, ci-dessous :
Figure IV -1/4
• La parabole de tir
La figure IV -1/2 ci-dessus présente une parabole de tir et ses points particuliers donnant la distance et le temps pour les atteindre.
La droite (D) est la directrice de la parabole de tir et le point F son foyer.
Le cercle de centre O et de rayon A est le lieu des foyers de toutes les paraboles de tir pour la même vitesse initiale Vo et l'angle de tir α variable.
La tangente (T) est bissectrice de l'angle AOF.
Le point P est le point caractéristique de l'enveloppe des paraboles de tir sous angle de tir variable et Vo constante . Elle est la parabole ayant pour foyer l'origine et pour sommet le point A.
Pour une vitesse initiale Vo donnée, tous les points du plan sous l'enveloppe des paraboles de tir peuvent être atteints par deux paraboles de tir correspondant à deux angles de tir.
Les points du plan extérieurs à l'enveloppe des paraboles de tir ne peuvent pas être atteints. C'est la raison pour laquelle on appelle l'enveloppe des paraboles de tir parabole de sûreté.
• Les paraboles de tir
Sur la figure IV-1/3 ci-dessous figurent des paraboles de tir pour différents angles de tir pour la même vitesse initiale. On constate, en particulier, que les buts, B1, B2, B3 et B4 peuvent être atteints par deux paraboles ayant des angles de tir différents. De manière générale tout point du plan sous la parabole de sureté peut être atteint par deux paraboles de tir. Cela peut présenter un intérêt pratique à savoir qu'un même objectif peut être atteint par une trajectoire parabolique relativement rasante ou par une autre dont l'apogée plus élevée permet, par exemple, de passer au-dessus d'un obstacle.
Figure IV -1/5
• Définir deux paraboles de tir pour un même but avec une même vitesse initiale - Méthode géométrique
Sur la figure IV-1/4 ci-dessous on se propose d'atteindre le but B, qui se trouve sur une première parabole de tir, avec une autre parabole de tir.
Le départ du tir se trouve en 0. Le foyer F1 de la première parabole (Tir1) se trouve sur le cercle C1 centré en 0 et tangent à la droite directrice (D).
Le but B se trouve, par définition à égale distance de F1 et de (D). Il est donc le centre d'un cercle C2 tangent à (D).
Les deux cercles C1 et C2 se coupent en F1, foyer de la première parabole (Tir1) et en F2, foyer de la nouvelle parabole (Tir2). La tangente (T2) est bissectrice de l'angle A0F2, ce qui nous permet de trouver le nouvel angle de tir.
Figure IV -1/6
IV-2 - LA BALISTIQUE DANS L'AIR
• Les problèmes de la balistique extérieure
Lors de son trajet aérien, le projectile est soumis à un certain nombre de contraintes qui donnent naissance à un système de forces. Certaines de ces forces ont une forte influence sur la trajectoire alors que d'autres ont une action moindre. Dans le cas de trajectoires relativement courtes, comme celles des projectiles d'armes de petits calibres, certains de ces effets sont inexistants et nous pouvons ne pas en tenir compte, d'autres, du fait du temps de vol réduit, n'ont pas le temps en pratique d'agir de manière sensible. Les contraintes auxquelles est soumis le projectile ont été classés en deux catégories : le problème principal et le problème secondaire.
• La classification des problèmes en balistique extérieure
Les forces agissant sur le projectile ont été classées en fonction de l'importance de leur influence sur la trajectoire.
1 - Le problème principal :
- La gravité supposée constante en intensité et direction (poids du projectile) ;
- La résistance tangentielle de l'air .
2 - Le problème secondaire :
- La Terre(sphéricité, rotation) ;
- La gravité(variation avec l’altitude et la longitude, convergence des verticales) ;
- L'atmosphère (variation de la densité avec l’altitude, vent atmosphérique) ;
- Le projectile (dérivation).
Nous intéressant plus particulièrement à la balistique des armes de petits calibres, nous nous limiterons principalement à l'étude du problème principal. L'étude de la dérivation présentera néanmoins de l'intérêt afin de déterminer son influence sur des tirs à longue distance.
• Le problème principal
Durant toute la phase de son vol, le projectile est soumis
principalement à deux forces : la force de gravitation
qui le fait chuter vers le centre de la Terre et la force
de traînée, la retardation, due à l’air
dans lequel il se déplace, qui le ralentit et l’empêche
d’aller aussi loin que s’il était tiré
dans le vide.
Nous
avons vu précédemment que les premiers projectiles
étaient sphériques. Très rapidement,
on s’est rendu compte que cette forme n’était
pas la meilleure sur le plan de l'aérodynamisme et
de la précision. Aussi la nécessité
de fabriquer des projectiles plus profilés s’est
imposée.
Encore faut-il pour que tout fonctionne bien, à savoir que le projectile
profilé se déplace le nez en avant et que
son axe longitudinal soit tangent à sa trajectoire,
ce qui n'est pas forcément évident.
• Trajectoire et portée
Si
l'on tirait dans le vide, c'est à dire s'il n'y avait
pas d'atmosphère, notre projectile décrirait, on l'a vu,
une parabole. En réalité, il partirait
pour décrire une ellipse dont l'un des foyers serait
le centre de la Terre. Il décrirait un cercle autour
du centre de la Terre pour une vitesse précise mais,
compte tenu de sa vitesse initiale, en pratique trop faible, il finirait par rencontrer
la surface de notre planète.
Sa portée serait bien plus importante qu'elle ne
l'est dans l'air. Une balle de fusil de guerre tirée
avec un angle de 45 degrés (angle
de portée maximale dans le vide), toucherait le sol
plusieurs dizaines de kilomètres plus loin.
Pour
avoir une idée de la forme de la trajectoire d'une
balle d'arme à feu, regardons le " drive "
d'un golfeur ou le tir d'un footballeur. Le début
semble rectiligne puis la courbe s'incurve rapidement et
la chute vers le sol est très abrupte.
La trajectoire d'un projectile est beaucoup plus plate,
mais la forme est la même.
La figure IV -2/1, ci-dessous, donne une idée de la différence
entre un tir dans le vide (courbe A) et un tir dans l'air
(courbe B). S'il s'agit du même projectile, (les deux
courbes sur le graphique ne sont pas à l'échelle),
la trajectoire A est environ dix fois moins longue que celle
décrite en B.
Figure IV -2/1
• Notions générales sur le tir
Il existe quelques définitons générales relatives au tir utiles à connaître.
- Définitions relatives à la trajectoire
Trajectoire: Ligne suivie par le centre de gravité du projectile ;
Flèche :
Hauteur du point le plus élevé de la trajectoire, comptée à partir du plan horizontal passant par l'origine. En pratique, dans le cas du tir tendu et tant que l'angle au niveau est faible (inférieur à plus ou moins 160 millièmes - environ 10 degrés -), la flèche est à la hauteur du point le plus élevé de la trajectoire par rapport à la ligne de site ;
Angle au niveau : Angle que fait l'axe du canon avec le plan horizontal ;
Angle de hausse : Angle que fait l'axe du canon avec la ligne de site ;
Angle de tir : Ce terme ne fait pas partie de la nomenclature officielle. Cependant, il est souvent employé pour définir l'angle entre la tangente à la trajectoire du projectile au depart du coup, soit l'axe du canon, et le plan horizontal.
- Définitions relatives à l'objectif et au terrain
Ligne de site : Droite qui joint l'origine à l'objectif ;
Angle de site : Angle que fait la ligne de site avec le plan horizontal ;
Angle d'incidence : Angle que fait
la trajectoire au point d'impact avec la perpendiculaire à la surface frappée ;
Distance de tir : Distance entre la bouche de l'arme et l'objectif ;
Distance topographique : Distance entre la bouche de l'arme et l'objectif dans le plan horizontal, soit telle que mesurée sur une carte sans tenir compte de la dénivelée.
Le schéma ci-dessous résume les définitions relatives à la trajectoire, à l'objectif et au terrain.
DÉFINITIONS RELATIVES À LA TRAJECTOIRE, À L'OBJECTIF ET AU TERRAIN
- Définitions relatives au tir
Tir vertical : Tir exécuté sous des angles au niveau supérieurs à l'angle de portée maximale (inférieurs ou égaux à 800 millièmes - 45 degrés -) ;
Tir plongeant : Tir exécuté sous des angles au niveau inférieurs à l'angle de portée maximale (inférieurs à 800 millièmes - 45 degrés -) ;
Tir tendu :
Tir exécuté sous des angles au niveau inférieurs à 240 millièmes (13,5 degrés) et à grande vitesse initiale. Par extension, l'expression "tir tendu" s'applique également au tir exécuté à grande vitesse initiale mais sous des angles supérieurs à 240 millièmes (13,5 degrés) lorsqu'on utilise seulement la portion initiale de la trajectoire, assez voisine d'une droite.
Le schéma ci-dessous résume les définitions relatives au tir.
DÉFINITIONS RELATIVES AU TIR
IV-3 - LE FREINAGE DÛ À L'AIR - LA RETARDATION
Le
projectile est freiné par l'air dans lequel
il se propage. Ce freinage, nommé " retardation
", dépend de nombreux paramètres tels
que : la masse du projectile, son diamètre maximum
ou maître couple, sa forme.
IV-3-1 - UN PEU D'HISTOIRE
Les lois de freinage ont évoluées avec le temps, l'augmentation de la vitesse des projectiles et la meilleure compréhension de l'aérodynamique.
Historiquement, l'expérience avait mis en évidence trois lois :
- La résistance de l'air est proportionnelle à sa densité ;
- La résistance de l'air est proportionnelle à la section droite du projectile ;
- La résistance de l'air R, pour les projectiles de même section et de formes peu différentes, peut être mise sous la forme R=iF(v) où i, appelé indice de forme (nous y reviendrons), est un coefficient indépendant de la vitesse et F(v) une même fonction de la vitesse pour tous les projectiles.
Soit :
Faisant entrer
dans F(v), on écrit
En posant
, c est le coefficient balistique du projectile.
La fonction F(v) est une accélération, celle du projectile dont le coefficient est égal à 1.
Un phénomène non négligeable
devait, au préalable, être pris en compte : la
résistance de l'air varie avec la vitesse, certes,
mais d'une façon peu conforme à notre expérience
quotidienne.
• La
résistance de l'air... pas toujours proportionnelle
au carré de la vitesse
On
entend souvent : " La résistance de l'air sur
un mobile est proportionnelle au carré de leur vitesse
relative ".
C'est vrai dans une fourchette de vitesses qui correspond
à notre expérience quotidienne : vitesse d'un
véhicule automobile classique, TGV, formule 1 à
pleine vitesse. On va voir que l'accroissement de la vitesse des projectiles a conduit les balisticiens à reconsidérer leurs premières équations.
• La variation de la résistance de l'air avec la vitesse
La recherche en balistique était féconde dans de nombreux pays. La France a acquis une renommée internationale dans ce domaine. Il est rare de trouver un ouvrage étranger sur la balistique qui ne fait pas référence aux travaux français notamment à travers la loi de Gavre. Nous présenterons plus tard des détails sur les travaux français, mais pour l'instant restons dans les généralités historiques.
• Les conséquences de l'accroissement de la vitesse
L'accroissement de la vitesse des projectile a conduit à comparer F(v) à des fonctions monômes v2, v3, v4 voire v5 ou à des fonctions analytiques du typeF(v) = a + bv jusqu'à 350 m/s.
Ci-dessous figure un graphique présentant la variation du freinage en fonction de la vitesse. On notera sa brutale variation entre 300 et 400 m/s par seconde correspondant à la région des vitesses transsoniques illustrant bien cette notion de "mur du son".
Variation deF(v) en fonction de v
Cours de Balistique Extérieure – M. L. Besse
Figure IV - 3-1/1
Interprétation du graphique
Le graphique ci-dessus est ancien mais est en tout point similaire aux courbes modernes représentatives des coefficients de traînées que nous aborderons plus tard. Il donne des informations intéressantes. Tout d'abord les problèmes de stabilisation du projectile sont particulièrement importants au voisinage de la vitesse du son. C'est une zone à éviter, si possible. C'est à dire qu'il est souhaitable de lancer le projectile à une vitesse bien supérieure à celle du son et éviter, si possible, que sur sa trajectoire il entre en zone transsonique avant d'avoir atteint la cible. Une autre alternative, mais réservée aux tirs à courtes distances, est de choisir la région subsonique, à savoir une vitesse nettement inférieure à celle du son.
Le "mur du son" étant passé, tout semble plus calme. La variation de la traînée est plus douce, on pourrait presque la considérer comme constante dans des gammes de vitesses assez étendues. D'où l'idée du calcul par arcs. On considère le coefficient de freinage constant sur une gamme de vitesse, la vitesse à la sortie de cette gamme correspond à la vitesse initiale de la gamme de vitesses suivante et ainsi de suite. On accole les portions de trajectoires à la suite l'une de l'autre et on obtient la trajectoire complète.
Le graphique montre également quelque chose de plus subtil qui met en évidence la faiblesse des anciennes équations. Dans ces dernières intervient la vitesse du projectile. C'est d'elle dont dépend la force de freinage. Mais si l'on regarde de plus près la position du mur du son, comme son nom l'indique sa position dépend de la vitesse du son. Si la vitesse du son "bouge" pour des causes variables mais bien réelles, le mur du son bouge en même temps, entraînant avec lui toute la courbe sur la droite ou sur la gauche. Dans les futures équations, il faudra tenir compte d'une manière ou d'une autre de la vitesse du son qui n'est pas une constante.
Mais n'anticipons pas, continuons à nous intéresser à l'évolution des connaissances
Les lois de la physique donc de la balistique étant les mêmes pour tout le monde et peut-être à cause d'une certaine porosité entre laboratoires de divers pays, des résultats proches, pour ne pas dire identiques, ont été trouvés.
• Les coefficients de Mayevski
Un
balisticien russe, le colonel MAYEVSKI s'est penché, lui aussi,
sur le problème et a établi une table de l'exposant
de la vitesse qui n'est constant que pour des gammes
de vitesses données.
Quand
la vitesse augmente " n " croît, passe à
trois, quatre puis cinq lorsque que l'on arrive à
la vitesse du son. Il décroît fortement ensuite.
Ce qui veut dire que la résistance de l'air atteint
un maximum dans le voisinage de la vitesse du son (vitesse
transsonique). C'est vraisemblablement pour cette raison qu'est né
le terme " mur du son " inspiré
par les difficultés rencontrées par les premiers
constructeurs d'avions supersoniques et surtout leurs pilotes d'essais.
On trouvera ci-dessous un tableau des coefficients de Mayevski.
Figure IV - 3-1/2
Nota : Certains ouvrages donnent n = 2 pour v comprise entre 50 et 240 ms-1. Il est classique de considérer que la résistance de l’air est proportionnelle à v (n = 1) pour les vitesses faibles.
• La
retardation
Les
premières expérimentations dont le but étaient
de définir une équation globale utilisable
quelle que soit le type de projectile tiré ont abouti à des échecs. Il a donc été
défini un projectile type dont les masse et calibre
ont été pris comme unité pour tous
les calculs, bien caractérisé au plan de sa
forme, sur lequel la retardation R pouvait être mise
sous une forme simple :
Equ. IV - 3-1/1
Dans cette formule, R représente la retardation exprimée en m/s/s, A une fonction dépendant des caractéristiques
du projectile.
Cette équation était un bon modèle dès lors que l'on considérait que la vitesse du son était constante ou que sa variation n'avait pas d'incidence sensible sur les résultats des tirs. On l'a vu, il était nécessaire d'évoluer.
IV-3-2 - VERS UN NOUVEAU MODÈLE DE LA FORCE DE FREINAGE
L’évolution des techniques de l’armement a permis d’envoyer des projectiles à des vitesses de plus en plus élevées. On s’est rendu compte qu’une seule formule de retardation ne pouvait pas être utilisée, simplement, pour rendre compte du freinage du projectile pour toutes les gammes de vitesses dont il est animé tout au long de sa trajectoire.
De plus, les vitesses élevées, proches de la vitesse de son, voire supersoniques, n’ étaient plus le domaine réservé des artilleurs. La propulsion à réaction permettait à des avions d’atteindre ces vitesses et allait induire l’essor de l’aérodynamique. On s’est rendu compte notamment que la retardation ou la force de trainée dépendait, en réalité, non pas de la vitesse du projectile mais du rapport entre sa vitesse et celle du son. Ce rapport porte le nom de nombre de Mach en hommage au physicien qui l’a mis en évidence.
De nos jours, le freinage du projectile est représenté par une force, la trainée aérodynamique, dérivée de l’équation de Bernoulli :
Equ. IV - 3 - 2/1
Avant d'aller plus loin, il est intéressant de s'arrêter un instant sur cette formule.
Le premier membre de l'équation, la force FTrainée est exprimée en Newtons. Le signe "-" devant le second membre indique que la force s’oppose au mouvement du projectile, ρ est la densité de l’air, V la vitesse du projectile. On note qu'elle intervient au carré qu'elle que soit la vitesse du projectile. En effet, nous ne sommes plus dans l'application des coefficients de Mayevski, l'exposant doit toujours être 2 au risque de ne plus être homogène à une force. S sa surface apparente, CT le coefficient de trainée, sans dimension. Le second membre de l’équation, exprimé ainsi, a la dimension d’une force.
• Le coefficient de traînée (Drag coefficient)CT
Le coefficient de traînée CT est une fonction de plusieurs paramètres :
avec
En pratique, on peut négliger le nombre de Reynolds lorsque le projectile ne présente pas une trop grande obliquité. Dans ce cas, le coefficient de traînée dépend seulement du nombre de Mach, soit :
Equ. IV - 3 - 2/2
Ci-dessous, l'exemple d'une coube représentative du coefficient de traînée pour un projectile de 7,62 mm Nato.
Figure IV - 3 - 2/1
Il est à noter qu'il est impossible de représenter le freinage par une seule équation généralisée.
Il faudra tenir compte de la variation de CT avec la vitesse. CT varie donc au cours du vol du projectile.
• Le coefficient de traînée varie avec la forme du projectile
Le coefficient de traînée CT varie avec le nombre de Mach et la forme du projectile.
Figure IV - 3 - 2/2
• Le coefficient balistique et le facteur de forme
1 - Le coefficient balistique
D'une manière classique, on utilise la seconde loi de la mécanique : F = m.dv/dt
On introduit
avec
Equ. IV - 3 - 2/3
Il est à noter que certains ouvrages présentent le coefficient balistique C comme l'inverse de celui présenté ci-dessus. La masse descend au dénominateur et le diamètre au carré monte au numérateur. Dans ce cas C se retrouve au numérateur de la formule donnant C*T.
2 - Le facteur de forme
À l'étape 1, nous sommes arrivés au résultat que le coefficient balistique varie en fonction de la masse et du diamètre ou du maître couple du projectile. C'est un résultat intéressant mais sans doute insuffisant. Qu'en est-il de projectiles de même diamètre, de même masse mais de forme différente ? L'image ci-dessous illustre simplement la question.
Figure IV - 3 - 2/3
Les projectiles P1, P2et P3 ont une pénétration dans l'air différentes. Cela semble évident à l'œil nu et des tests menés en soufflerie le confirment. Le coefficient balistique, tel que présenté plus haut est insuffisant, il faut tenir compte de la forme du projectile.
On introduit donc un facteur de forme que l'on nomme pour l'occasion "i". On obtient ainsi un coefficient balistique plus complet en même temps que définitif.
Equ. IV - 3 - 2/4
Pour être complet il faut aller un peu plus loin.
• Le coefficient balistique généralisé et le facteur de forme.
Quand on souhaite décrire un phénomène, on envisage tous les facteurs qui ont une influence sur ce dernier quitte, le cas échéant, de se débarrasser de certains paramètres que l'on peut, selon les cas, considérer comme négligeables.
Le coefficient balistique généralisé est donné par la relation ci-dessous :
Figure IV - 3 - 2/4
Le facteur de forme est donné par la relation ci-dessous :
donne
ijest le rapport moyen du coefficient de traînée d’un projectile donné à celui d’un projectile normalisé déterminé expérimentalement.
Nous avons fait le choix de présenter un peu de théorie avant d'entrer plus dans les détails de ce qui se passe sur la trajectoire du projectile. Nous sommes ainsi mieux armés pour étudier les forces auxquelles il est soumis.
IV-4 - LES FORCES AUXQUELLES EST SOUMIS LE PROJECTILE
L’interaction du projectile avec l'air est à l’origine de trois forces.
Figure IV - 4/1
• Obliquité - Trièdre de référence pour le projectile
En pratique le projectile n’est jamais parfaitement aligné sur le vecteur vitesse. L'angle αt entre son axe et le vecteur vitesse s'appelle l'obliquité.
Figure IV - 4/2
L'étude des mouvements du projectile nous conduit à définir sur ce dernier un trièdre de référence.
Figure IV - 4/3
Nota : le sens des rotations peut être inversé selon les ouvrages. La balistique moderne fusionne le tangage (pitch) et le lacet (yaw) en un seul terme obliquité (yaw).
• Obliquité totale αt
L'obliquité totale du projectile présente une composante horizontale nommée angle de déviation, et une composante verticale appelée angle d'incidence ou angle d'attaque, traduction littérale de l'anglais "angle of attack".
Figure IV - 4/4
On introduit δ tel que :
Figure IV - 4/5
• Les forces aérodynamiques et leur résultante
Par symétrie selon l'axe longitudinal, la résultante des forces aérodynamiques FR se trouve sur cet axe.
Il n'y a pas de symétrie selon l'axe transversal passant par le centre de gravité G. La force FR est à distance de ce point. La force FR et le poids P créent un couple qui induit une rotation.
Figure IV - 4/6
Une obliquité αt même très faible à la sortie du canon produit une force FR elle-même très faible mais néanmoins suffisante pour accroître αt qui, à son tour permettra une augmentation de l'intensité de FR. Un mouvement de bascule est initié.
• Décomposition de FR résultante des forces aérodynamiques
On traite FR en deux temps.
1 - Premier temps. Réduction de FR au centre de gravité
La réduction de FR au centre de gravité donne une force équipolente à FR et un moment de rotation :
Equ. IV - 4/1
2 - Second temps. Décomposition deFR
On décompose FR en deux forces : traînée FT et portance FL (L pour "lift").
Figure IV - 4/7
• La force de traînéeFT
La force de traînée s'oppose au déplacement du projectile et sa valeur est :
Elle est colinéaire au vecteur vitesse V et de sens opposé.
• La force de portance FL
La force de portance s'exerce perpendiculairement au mouvement du projectile. À ce sujet, il peut être utile de rappeler que, sur la plupart des figures, on voit la portance dirigée vers le haut. Il faut prendre ces schémas comme des photographies instantanées sur lesquelles la portance, à ce moment précis, est dirigée vers le haut. À un autre instant, elle sera dirigée dans une autre direction, éventuellement vers le bas du fait de la précession. Il faut donc prendre garde à ne pas prendre un "instantané" comme une généralité. Il n'y a que dans l'aéronautique que l'on fait en sorte que la portance soit toujours dirigée vers le haut.
L'animation ci-dessous présente l'action de FL selon l'angle d'obliquité. FL s'applique au centre de gravité et a donc tendance à le déplacer, à chaque instant, dans la direction de son action. En regardant l'avant du projectile dans l'axe du vecteur vitesse, nous verrions le centre de gravité, s'il était sous l'influence seulement de FL, décrire un cercle, projection d'un mouvement hélicoïdal.
Sur l'animation ci-dessous, le cercle rouge est le lieu des positions successives du centre de gravité (point rouge). Le cercle vert représente la précession due à l'obliquité. FL est représentée par la flèche marron.
Action de FL sur le projectile (Passer la souris sur l'image)
Figure IV - 4/8
Rappelons que l'animation ci-dessus représente uniquement l'action de la force FL. D'autres forces vont s'ajouter qui rendront le mouvement du centre de gravité plus complexe.
La valeur de la force de portance est :
avec
Equ. IV - 4/7
On constate que :
Si l'axe du projectie était parfaitement aligné avec le vecteur vitesse, il n'y aurait pas de force de portance. Seule la traînée existerait.
Le dessin ci-dessous présente l'action instantanée des deux forces, traînée FT et portance FL.
Figure IV - 4/9
Les forces aérodynamiques tendent à provoquer un basculement du projectile. Il est indispensable de le stabiliser.
Dans le chapitre suivant, deux méthodes de stabilisation sont présentées : la stabilisation par empennage et celle par effet gyroscopique. Ces deux méthodes sont utilisables sur les armes de petits calibres. La stabilisation par empennage, du fait de la présence de ce dernier, est plutôt employée sur des projectiles sous-calibrés. L'application de l'effet gyroscopique est de loin la méthode la plus courante pour stabiliser les projectiles.
IV-5 - LA STABILISATION DES PROJECTILES
• Par
nature, le projectile n'est pas stable
La
balistique intermédiaire nous a montré qu’à
la sortie du canon, les gaz agissant violemment sur le culot
du projectile ont tendance à le déstabiliser.
A
sa sortie du canon, le projectile rencontre, à
grande vitesse, l’air ambiant immobile. Il subit de ce
fait un choc que l’on appelle, en l’occurrence,
percussion initiale et qui tend également à
le déstabiliser.
De plus, on a vu que, sur tout son trajet aérien, le projectile subit
un ensemble d’interactions avec l’air dont la
résultante a, du fait de la symétrie de
révolution, son point d’application sur l’axe
longitudinal et en général éloigné
du centre de gravité. Il en résulte un
couple de forces qui s'applique à le faire basculer.
Le dessin ci-dessous montre un projectile instable par nature.
Figure IV - 5/1
• Les
modes de stabilisation
Il existe plusieurs moyens de stabiliser des projectiles. On en abordera deux : la stabilisation par empennage et la stabilisation par effet gyroscopique.
- La stabilisation par empennage
Nous la traiterons rapidement, pour information. Mieux qu'un long discours, les schémas des figures suivantes décrivent bien la méthode qui consiste, grâce à l'empennage, à renvoyer la résultante des forces aérodynamiques loin en arrière du centre de gravité. Le couple de forces ainsi créé tend à maintenir le projectile la pointe en avant.
Un projectile muni de son empennage est stable par nature.
Figure IV - 5/2
Figure IV - 5/3
- La stabilisation par effet gyroscopique
Pour
les armes de petits calibres, le mode de stabilisation généralement
employé est l’effet gyroscopique.
On fait tourner le projectile à grande vitesse
(plusieurs milliers de tours par secondes) selon son axe
longitudinal. Les forces de freinages de l’air qui
provoqueraient, sans la rotation, son basculement, lui donnent
tout au plus un mouvement de précession, à
condition que la vitesse de rotation soit bien choisie.
Les impulsions de brèves durées dues à
la poussée des gaz à la sortie du canon et
à la percussion initiale induisent, elles, un mouvement
de nutation qui se superpose temporairement à la
précession et qui s'amortit relativement rapidement.
Le projectile étant stabilisé, il peut se déplacer selon une trajectoire dont on trouvera une représentation ci-dessous.
Figure IV - 6/1
Description du schéma
Selon l'axe des x : Tx est la projection horizontale de T et de R. Ces deux projections ont la même valeur puisque P n'a aucune action sur la composante horizontale. Sur cet axe Tx et Vx diminuent lorsque x croît.
Selon l'axe des y : Ry est la projection verticale de la somme vectorielle de T et de P . Dans la phase ascendante T et P contribuent au freinage. Dans la phase descendante T et P agissent dans des directions opposées. P a tendance à accélérer la chute et T à la freiner. La direction de R a tendance à ramener la trajectoire vers une verticale jusqu'à ce que T et P soient colinéaires. La vitesse de chute est constante quand T = - P.
De l'étude des trajectoires des projectiles sont nés quelques principes intéressants.
• Le principe de Saint-Robert
Le principe de Saint-Robert s'énonce de la manière suivante : sur une famille de trajectoire à vitesse initiale Vo et retardation initiales constantes, l’angle de tir α étant variable, les points de même éloignement OA, OB, OC sont caractérisés par des valeurs égales de l’abaissement AM, de la durée du trajet et de la vitesse restante (voir le schéma de la figure IV - 6/2ci-dessous).
Figure IV - 6/2
L'intérêt de ce principe réside dans le fait qu'à partir d'une trajectoire connue, il est possible d'en calculer d'autres avec des angles de tir différents. La condition étant que toutes les autres valeurs initiales soient identiques.
• Le principe de la rigidité de la trajectoire
Si on applique le principe précédent à une trajectoire très tendue, l'abaissement est très faible par rapport à la portée maximale. La droite O1 M1 se confond avec la droite OA . Pour atteindre le point M, il suffira d'augmenter l'angle de tir de ε. On obtient la trajectoire (T2) par simple rotation de (T1) autour de l'origine 0. Tout se passe comme si la trajectoire initiale (T1) était constituée par un fil de fer rigide. D'où le nom de principe de la rigidité de la trajectoire (voir le schéma de la figure IV - 6/3 ci-dessous).
Il est à noter que ce principe s'applique aux faibles angles de sites.
Figure IV - 6/3
La conséquence de ce principe est que si α est l'angle de tir permettant d'atteindre un objectif à la distance X, l'angle de tir pour atteindre un objectif à la même distance sur la ligne de site d'inclinaison (faible) s sera a + s selon la méthode du parallélogramme.
• Les altérations de la trajectoire
La trajectoire d'un projectile peut être sujette à des altérations dues à l'interaction de ce dernier avec l'air. Les conséquences en sont une déviation de la trajectoire du projectile dans le plan horizontal qui ne fait plus correspondre le point d'impact au point visé. Les principales altérations sont :
- La déviation : Elle est due à un vent latéral qui applique au projectile une force dans le même sens déviant ainsi sa trajectoire dans le plan horizontal. L'effet de ce vent latéral est d'autant plus sensible que la distance de tir est importante ;
- L'effet Magnus : Lorsqu'un corps en rotation de déplace dans un flux d'air, sa surface entraîne les particules d'air de manière dissymétrique : d'un côté la vitesse de rotation de la balle est de même sens que celle des particules d'air et les accélère, ce qui entraîne une diminution de pression. De l'autre côté, la vitesse de rotation de la surface est de sens opposé aux particules d'air et les ralentit. Dans ce cas, la pression augmente. Cette différence de pression sur les côtés opposés a pour résultante une force qui dévie la trajectoire de la balle. Cet effet est bien connu en Football, Tennis etc., lorsque l'on souhaite donner un effet au ballon ou à la balle. Dans le cas d'un projectile stabilisé par rotation et présentant une certaine obliquité, l'effet Magnus dévie sa trajectoire du côté opposé à son sens de rotation.
La force de Magnus s'ajoute au système de forces (Cf. dessin ci-dessous).
- La dérivation : La mécanique rationnelle nous dit qu'un corps en rotation et en translation a tendance à aligner son axe de rotation avec la tangente à sa trajectoire. Un projectile stabilisé par rotation subit donc sur l'ensemble de sa trajectoire, une rotation selon son axe transversal d'un angle au moins égal au double de l'angle de tir. Cette tendance à s'aligner sur la tangente à la trajectoire fait dire que le projectile "court après sa tangente". Il est donc constamment en retard sur cette dernière. La combinaison de la vitesse de rotation selon son axe transversal avec la vitesse de précession, à un instant donné, provoque un décalage du centre instantané de précession dans le plan horizontal. Le projectile se présente donc avec une obliquité latérale par rapport à la masse d'air qu'il rencontre. Il s'ensuit que sa trajectoire est déviée dans le plan horizontal du côté correspondant à son sens de rotation. La dérivation s'oppose à l'effet Magnus et on la nomme souvent, pour cette raison, contre-effet Magnus. Dans le cas d'un tir à courte distance ou lorsque la trajectoire est très tendue, avec un angle de tir pratiquement nul, il n'y a pas de dérivation.
La force de dérivation s'ajoute au système de forces. Elle est opposée à la force de Magnus. Pour cette raison, on appelle cette dernière contre dérivation. (Cf. dessin ci-dessous).
IV-7 - LES MODES DE DÉPLACEMENT DU PROJECTILE DANS L'AIR
Sur sa trajectoire, le projectile se fraye un passage dans l'air. Il en résulte des phénomènes remarquables qui méritent que l'on s'y arrête.
• Stabilité
et vitesse transsonique
La
stabilité d'un projectile dépend de la résistance
de l'air. On comprend que son passage en vitesse transsonique
le perturbera quelque peu. Notamment quand sa vitesse, initialement
supersonique, décroît avec la distance pour
devenir subsonique et que, dans le même temps, sa
vitesse de rotation a également diminué.
• Les
projectiles subsoniques et supersoniques. Onde de choc, onde de Mach.
Sillage
Lorsque
l'on ébranle localement les molécules de l'air
ambiant (source sonore ou autre...), cet ébranlement
se propage de proche en proche aux molécules voisines.
Il se propage à une vitesse précise, qui dépend
des caractéristiques du milieu, appelée vitesse
spécifique. C'est la vitesse du son dans ce milieu,
l'air dans notre cas (a # 340 m/s).
Il
est à noter qu'il y a transfert d'énergie
mais pas de matière.
- Source immobile
Si
la source (point noir) de l'ébranlement
est immobile, les ondes générées
seront soit circulaires soit sphériques selon
qu'elles se propagent suivant deux ou trois dimensions
spatiales. Dans tous les cas, elles seront concentriques.
Lors
de son vol, la pointe du projectile percute des
molécules d'air (c'est la raison pour laquelle
il est freiné). Cet ébranlement va
se propager, sous forme d'ondes circulaires, dans
toutes les directions et notamment dans la direction
de la progression du projectile.
Figure IV - 7/1
- Vitesse subsonique
Le projectile se déplace à une vitesse
inférieure à celle du son (vitesse subsonique),
les ondes sonores qu'il a générées
s'éloigneront indéfiniment de lui et en
particulier de sa pointe.
Figure IV - 7/2
- Vitesse sonique ou transsonique
Le projectile se déplace à la vitesse
du son. Les ondes émises par l'ébranlement
des molécules d'air par sa pointe restent au
niveau de cette dernière. L'accumulation de
ces ondes accroît localement la densité
de l'air et constitue une sorte de barrière
que le projectile aura du mal à franchir.
L'avant du projectile sera accompagné d'un
front d'onde.
Figure IV - 7/3
- Vitesse supersonique
La
vitesse du projectile est supérieure à
celle du son. Les ondes émises à chaque
instant sont dépassées par la pointe
du projectile et sont laissées derrière. Cette onde est, à la pointe du projectile, supersonique. Il
s'agit d'une onde de choc.
A l'arrière du projectile, les ondes sonores se propagent à la vitesse du son et interfèrent par endroit.
Il se forme une accumulation d'énergie sur
l'enveloppe s'appuyant sur les bords des ondes. Cette
enveloppe a la forme d'un cône dont le sommet
coïncide avec la pointe du projectile. Ce sillage est l'onde de Mach. C'est ce "claquement" sec que l'on entend qui se différencie nettement de l'onde de bouche.
Figure IV - 7/4
• L'onde de choc
Une onde de choc est une variation brutale de certains paramètres physiques. Une onde de choc aérienne est une variation brutale de la pression suivie dun retour à la normale précédé d'une phase de dépression.
Figure IV - 7/5
Caractéristiques d'une onde de choc.
En milieu aérien une onde de pression doit répondre à un certain nombre de critères pour prétendre au sytatut d'onde de choc :
1 - La vitesse relative de l’onde augmente avec l’amplitude du choc ;
2 - La vitesse du son derrière l’onde de choc est toujours supérieure à celle de l’onde ;
3 - Une onde de choc est toujours subsonique par rapport au milieu derrière elle ;
4 - Le choc est toujours supersonique par rapport au milieu qu’il rencontre ;
5 - Une onde de choc n’est pas une onde d’accélération (qui se propage à la vitesse du son).
Nous retiendrons particulièrement la caractéristique 4. Elle nous indique que pour qu'un projectile puisse créer une onde de choc, il doit avoir une vitesse supersonique dans le milieu dans lequel il se déplace. La vitesse du son dans les tissus biologiques est légèrement supérieure à 1500 m/s. C'est une vitesse bien supérieure à celle des projectiles à haute vélocité tel que la .223 Remington (5,56 x 45mm). Dans le domaine de la balistique lésionnelle, même ces projectiles très rapides ne peuvent pas créer une onde de choc dans les tissus organiques. On ne peut donc pas attribuer les lésions observées ou une partie de ces dernières à l'effet d'une onde de choc.
L'image ci-dessous représente l'ombroscopie d'un projectile de 7,62 mm se déplaçant à la vitesse de 1,3 Mach.
Figure IV - 7/6
V - LA BALISTIQUE TERMINALE
La balistique terminale correspond à la phase d'interaction du projectile avec la cible. Parler de balistique terminale au singulier ne correspond sûrement pas à la réalité.
Les cibles étant de multiples natures, il existe donc de nombreuses spécialités en balistique terminale.
Un projectile est adapté à une cible et, pour le même type de cibles, des projectiles aux principes d'action totalement différents peuvent être utilisés.
• L'interaction entre le projectile et la cible
L'interaction entre un projectile et une cible est un phénomène complexe puisque les résultats de cette interaction sont extrêmement variables en fonction de la nature des deux protagonistes. D'où la nécessité d'opérer des tris et des classifications. La première distinction que nous proposons est celle entre les munitions antimatériel et celles antipersonnel et nous les traiterons dans deux chapitres différents :
La balistique terminale des munitons antimatériel et notamment leurs actions sur les blindages réalisés en acier. Il s'agira donc des munitions perforantes destinées à mettre hors de combat les véhicules blindés. Puisque des classifications sont nécessaires, nous considèrerons que ce domaine est celui des projectiles de gros calibres, soit supérieurs à 20 mm ;
La balistique terminale des munitions tirées par des armes de petits calibres, donc inférieurs à 20 mm, qui équipent les fantassins ou certains véhicules. Il s'agit de la balistique lésionnelle.
Une classification est pratique, mais elle ne rend pas toujours compte de la réalité.
De nombreux projectiles de gros calibre n'ont pas vocation à interagir directement avec une cible dure mais sont conçus pour produire un effet de zone, notamment antipersonnel. Il en est ainsi des obus explosifs qui projettent, lors de leur détonation, des éclats à haute vitesse provenant de leur propre enveloppe ou des projectiles, dont ils sont les conteneurs, dotés d'un grand pouvoir antipersonnel. Leur explosion peut se produire lors de l'impact (fusée percutante) ou en altitude (fusée radio altimétrique) selon l'effet recherché. Certains projectiles contiennent des sous munitions explosives antipersonnel ou antichars (obus Bonus de 155 mm) qu'ils libèrent au moment opportun.
Le domaine de la balistique terminale est vaste et, dans ce cours exposé, nous nous contenterons de le survoler en nous arrêtant un peu plus longuement sur des modes d'interaction projectiles/cibles remarquables.
• Notions générales
Nous présentons, ci-dessous, deux notions importantes concernant l'interaction du projectile avec la cible, quelle que soit la nature du projectile et de la cible.
- L'attitude du projectile lors de l'impact sur la cible
L'efficacité d'un projectile, qu'il soit antipersonnel ou antimatériel, dépend, selon son mode d'action, de sa nature, des éléments qui le constituent, de sa vitesse, de sa masse et de son attitude au moment de l'impact. Par attitude, on entend la position dans laquelle il se trouve au moment de l'impact sur la cible. On en arrive aux notions d'incidence et d'obliquité qui sont des facteurs qui influencent fortement l'efficacité sur cible de la plupart des projectiles, qu'ils aient un but antimatériel ou antipersonnel.
L'incidence
Si la cible est plane, la valeur de l'incidence est donnée par l'angle défini par la trajectoire du projectile et la normale au plan d'impact.
Dans le cas où la cible présente une courbure, l'incidence est donnée par l'angle entre la trajectoire du projectile et la normale au plan tangent au point d'impact.
Les deux schémas, ci-dessous, montrent l'incidence, respectivement sur une cible plane et sur une cible présentant une courbure.
Figure V-1 - Incidence sur cible plane
Figure V-2 - Incidence sur cible avec courbure
Les effets de l'incidence
Un impact se produisant sous un angle d'incidence non nul produit un effet variant avec ce dernier.
Un angle d'incidence trop élevé peut avoir des effets négatifs sur l'efficacité d'un tir sur les blindages :
Risque de ricochet et mauvaise utilisation de l'énergie cinétique pour les projectiles utilisant ce mode d'action ;
Mauvais accrochage, ripage dans le cas de roquettes antichars entrainant un défaut de détonation ou un mauvais fonctionnement de la charge creuse ;
En cas de fonctionnement correct de la munition, l'épaisseur du blindage à perforer est plus importante que si l'impact avait lieu avec un angle d'incidence nul et l'efficacité de la munition peut être sensiblement diminuée.
Le schéma ci-dessous résume les conséquences les plus classiques d'un impact sous diverses incidences.
Figure V-3 - Les conséquences de l'incidence
Dans le domaine des protections balistiques individuelles, un tir sous incidence non nulle sur une protection balistique souple peut solliciter cette dernière de façon plus importante qu'un tir sous incidence nulle. C'est la raison pour laquelle les normes imposent, lors des tests, des tirs sous incidence, généralement 30 degrés.
- L'obliquité
L'obliquité est l'angle entre l'axe longitudinal du projectile et son vecteur vitesse. Une obliquité est généralement favorable à la cible, que ce soit un blindage ou une protection balistique individuelle. C'est la raison pour laquelle, lors de tests sur éprouvettes avec des armes légères, les tirs sont réalisés à une distance supérieure à dix mètres, généralement douze mètres, notamment avec des armes d'épaule. On considère qu'à dix mètres de la bouche de l'arme, l'obliquité résiduelle du projectile est suffisamment faible. L'idéal étant de réaliser, au moment de l'impact, des prises de vues à haute vitesse dans les plans vertical et horizontal afin de vérifier que la valeur de l'obliquité permet d'accepter le tir.
Les deux schémas, ci-dessous, montrent l'obliquité, respectivement sur une cible plane et sur une cible présentant une courbure.
Figure V-4 - Obliquité sur cible plane
Figure V-5 - Obliquité sur cible avec courbure
Les conséquences de l'obliquité
Ce qui est vrai pour les blindages et les protections balistiques individuelles ne l'est pas forcément pour l'individu sur lequel un projectile présentant une obliquité au moment de l'impact est susceptible de basculer plus facilement et de provoquer ainsi des lésions accrues.
Les deux phénomènes, incidence et obliquité, peuvent apparaître simultanément. Incidence et obliquité conduisent tous deux à ce que l'axe longitudinal du projectile ne soit pas orthogonal au plan d'impact mais entrainent des effets différents.
Les deux schémas, ci-dessous, montrent l'addition de l'incidence et de l'obliquité, respectivement sur une cible plane et sur une cible présentant une courbure.
Figure V-6 - L'obliquité s'ajoute à l'incidence
Figure V-7 - L'obliquité s'ajoute à l'incidence
V-I - LES MUNITIONS ANTIMATERIEL, ANTIBLINDAGES OU PERFORANTES
• L'interaction entre le projectile et la cible
L'interaction entre le projectile et la cible est un phénomène complexe qui dépend de la nature des deux protagonistes. Il relève certainement de la physique des matériaux, mais les vitesses d'impact, qui peuvent être extrêmement variables, obligent à utiliser des modèles adaptés à chaque gamme de vitesses, voire nécessitent d'en créer de nouveaux. Le besoin d'opérer des tris et des classifications apparaît de nouveau.
• Pénétration et perforation des métaux
Il existe de nombreux modèles d'interaction entre projectiles et cibles métalliques. Des modèles de perforation ont été conçus pour deux métaux les plus courants : l'acier et l'aluminium. Les modèles ne sont pas parfaits, mais nous pouvons cependant considérer qu'ils représentent une bonne approche. Ils peuvent même être utilisés pour d'autres types de matériaux.
• Une classification des vitesses
Les projectiles peuvent percuter des cibles métalliques à des vitesses très diverses. La nature du matériau de la cible, l'acier, est telle que les modes d'interactions doivent être traitées à l'aide de techniques quelque peu différentes selon les gammes de vitesses. À des vitesses très faibles (inférieure à 250 m/s), la pénétration est généralement couplée à la dynamique structurelle globale de la cible. Autrement dit, la cible réagit pratiquement dans son ensemble. Les réponses sont de l'ordre de la milliseconde. Lorsque la vitesse d'impact augmente (500-2000 m/s), le comportement local du matériau de la cible, et parfois du pénétrateur, domine le problème. L'action du pénétrateur se localise de plus en plus sur la zone d'impact. Cette zone locale se situe à environ 2 à 3 diamètres du projectile par rapport au centre de l'impact. Lorsque la vitesse augmente encore (2000-3000 m/s), les pressions élevées qui sont en jeu permettent de modéliser les matériaux comme des fluides dans les premiers stades de l'impact.
• Une classification des cibles
On classe généralement les cibles en fonction du ou des matériaux dont elles sont constituées et de leur épaisseur. On appelle surface proximale, celle qui est impactée et surface distale celle qui se trouve à l'autre extrémité du blindage. La distance entre les deux détermine l'épaisseur du blindage.
En raison des différences de comportement des cibles selon la distance entre les surfaces proximale et distale, il est commode de classer les cibles en quatre grands groupes :
Une cible semi-finie est une cible où il n'y a pas d'influence de la surface distale sur la pénétration ;
Une cible épaisse est une cible où les limites entre surfaces proximale et distale influencent la pénétration après que le projectile se trouve à une certaine distance de pénétration dans la cible ;
Une cible épaisse intermédiaire est une cible où les limites exercent une influence en dehors de l'impact ;
Une cible mince est une cible dans laquelle les gradients de contrainte ou de déformation sont négligeables lors du passage du projectile.
• Les paramètres qui agissent sur la perforation
Les principales variables sont les propriétés de la cible et du matériau constituant le pénétrateur, la vitesse d'impact, la forme du projectile (en particulier l'ogive), la géométrie de la structure de support de la cible et les dimensions du projectile et de la cible. Concernant ces derniers points, il est à noter que les normes régissant les tests sur les matériaux de blindages définissent précisément, en plus des caractéristiques du projectile, les dimensions de l'éprouvette et le type de support.
• Les différents types d'interaction entre le projectile et la cible
Les termes employés pour caractériser les différentes observations réalisées lors d'impacts sont généralement tirés du vocabulaire anglo-saxon. Nous les utiliserons donc en les mettant entre "guillemets" et en proposant une traduction française qui ne prétend pas à une acceptation unanime.
- "Fracture" - La rupture
Une défaillance du matériau se matérialisant par une rupture concerne en général la perforation de cibles relativement peu épaisses. Cette rupture est due aux ondes de contrainte initiales, qui conduisent à des phénomènes de compression auxquelles la cible ne peut résister. On constate ce type de phénomène dans les matériaux de faible densité (Fig.V-I-I/1). La fracture radiale est plutôt propre aux cibles fragiles telles que les céramiques (Figure V-I-I/2).
Figure V-I/1
Figure V-I/2
- "Spalling & scabbing" - L'écaillage et l'écroûtage
L'écaillage est une rupture de matériau due à la réflexion de l'onde de compression initiale sur le côté opposé de la plaque, la surface distale. Il s'agit d'un phénomène courant sous charge explosive, dont un bon exemple est l'action de la High Explosive Squash Head (HESH). L'écaillage est propre au matériau ayant une meilleure résistance à la compression qu'à la traction. L'écroûtage (scabbing) est semblable à l'écaillage, mais entraine la formation d'une large plaque.
Figure V-I/3
- "Plugging" - Le bouchage
Le bouchage se produit lorsqu'un projectile secondaire, presque cylindrique, d'un diamètre à peu près égal à celui du pénétrateur est créé puis mis en mouvement par ce dernier dans le matériau. La rupture est due au cisaillement produit autour du pénétrateur en mouvement. Les bouchons sont plus susceptibles d'être trouvés dans toutes les plaques dures d'épaisseur modérée. Leur présence est plus fréquente lorsque des pénétrateurs émoussés sont utilisés. Ils sont sensibles à la vitesse et à l'angle d'incidence.
Figure V-I/4
- "Petalling" - La pétalisation
La pétalisation est le plus souvent observé sur des plaques minces frappées par des pénétrateurs ogivaux ou coniques à des vitesses d'impact relativement faibles ou par des projectiles contondants proches de la limite de la résistance balistique. Comme la zone de bossage à l'arrière de la plaque est déformée davantage par le projectile, les propriétés élastiques du blindage sont finalement dépassées et une fissure en forme d'étoile se développe autour de la pointe du pénétrateur. Les secteurs ainsi créés sont ensuite repoussés par le mouvement du projectile, formant des pétales.
Figure V-I/5
Figure V-I/6
- "Fragmentation" – La fragmentation
La fragmentation se produit lorsque la cible est composée de matériaux fragiles, cassants. Les fragments générés par une cible détruite agissent eux-mêmes comme des projectiles et doivent être considérés comme des pénétrateurs lors de la rencontre avec une cible ultérieure.
Figure V-I/7
- "Ductile failure" - La rupture ductile
La rupture ductile est celle que l'on observe le plus souvent sur les plaques épaisses. La perforation se fait par expansion radiale du matériau de la plaque sous l'effet de la poussée du projectile.
Figure V-I/8
Figure V-I/9
• La prévision du pouvoir de perforation d'un projectile
De nombreux modèles théoriques ont été élaborés pour tenter de prédire le pouvoir de perforation d'un projectile sans procéder à des tirs expérimentaux. Dans la plupart des développements théoriques, le volume du trou produit par le projectile percutant est supposé être proportionnel à l'énergie cinétique perdue par le projectile lorsqu'il pénètre la plaque.
V-I-II - LES MUNITIONS PERFORANTES
Ce sont des munitions destinées à détruire ou à mettre hors de combat des matériels blindés. Elles présentent des modes d'action propres aux cibles qu'elles ont à traiter. Des véhicules de transport peu ou pas blindés peuvent être détruits et le personnel à bord mis hors de combat par des armes classiques de petit calibre, individuelles ou collectives, ou par les éclats d'obus explosifs.
Le traitement des blindés légers, transports de troupe ou véhicules blindés de reconnaissance relève de munitions plus puissantes mais dont l'interaction avec la cible est relativement classique. C'est contre les chars d'assaut lourds que les recherches ont été les plus complexes et ont abouti à des efficacités antiblindage remarquables.
Il est toujours difficile de créer des classements, mais nous pouvons ranger les munitions perforantes antiblindages dans deux grandes catégories selon leur mode de fonctionnement : celles qui utilisent judicieusement l'énergie d'un explosif brisant et celles qui s'appuient sur la dureté et l'énergie cinétique d'un projectile.
V-I-II-1 LES MUNITIONS CONTRE LES BLINDAGES LEGERS - QUELQUES EXEMPLES
Contre ce type de cibles on envoie un projectile qui allie énergie cinétique et dureté. Ce sont le plus souvent des projectiles composites formés d'au moins deux matériaux. L'un, suffisamment mou, constituant la chemise, et qui permet le tir sans user prématurément les canons des armes, l'autre, souvent du carbure de tungstène, censé être doté d'une dureté supérieure à celle de la cible, forme le cœur du projectile (Figure V-I-II-1/1) ou l'ogive (Figure V-I-II-1/2).
Figure V-I-II-1/1 - Balle perforante
Le projectile PPI de la société française de munitions (SFM) est constitué d'une chemise, suffisamment tendre pour prendre les rayures du canon, et d'un noyau dur qui sert également d'ogive mais dont le diamètre ne lui permet pas d'entrer en contact avec l'âme du canon (Figure V-I-II-1/2).
Figure V-I-II-1/2 - Projectile PPI (SFM)
Nous avons développé, avec la société FIER, une munition perforante baptisée PAR, pour projectile à action renforcée, à partir d'une muniton de chasse de calbre 12. Le cahier des charges pour cette munition imposait un bon pouvoir de perforation jusqu'à une distance donnée et une perte d'efficacité au delà afin de limiter les risques d'effets colatéraux. Le projectile est constitué de trois parties :
Un pénétrateur ;
Un marteau cylindrique entourant le pénétrateur et lui transmettant sa quantité de mouvement lors de l'impact ;
Un élément, en matière plastique légère, constitué de deux parties : un conteneur recouvrant la majeure partie du projectile et un répartiteur chargé d'encaisser la pression des gaz. Cet élément joue le rôle d'un sabot qui se sépare du pénétrateur et du marteau seulement au moment de l'impact.
Compte tenu du faible diamètre du pénétrateur et du marteau, le principe repose sur un projectile sous calibré. L'utilisation particulière du sabot-conteneur lui confère deux rôles. Le premier correspond à la fonction classique d'un sabot, à savoir donner à l'ensemble sabot-conteneur, marteau et pénétrateur une vitesse nettement supérieure à celle d'un projectile entièrement métallique du même calibre. Le second rôle du sabot-conteneur est de freiner le projectile sur sa trajectoire en se comportant, dès lors, comme un conteneur dont le profil antiaérodynamique est prévu pour limiter l'efficacité du projectile à partir d'une certaine distance afin de limiter les risques d'un effet colatéral. Au moment de l'impact, le sabot-conteneur se sépare progressivement du pénétrateur et du marteau par retournement progressif d'avant en arrière. Le marteau transmet sa quantité de mouvement au pénétrateur, de diamètre plus faibe, et accroît ainsi son pouvoir de pénétration. Si la cible n'est pas atteinte, le projectile, dans son ensemble perd rapidement de sa vitesse de par le profil antiaérodynamique du sabot-conteneur.
Les caractéristiques balistiques de ce projectile sont les suivantes : vitesse à 2,5 m : 490-500 m/s, vitesse à 10 m : 440-450 m/s, énergie cinétique moyenne à 10 m : 2330 joules, portée efficace sur véhicule et protections balistiques de classe 4 : 50 m. Les images ci-dessous présentent une coupe du projectile PAR et de son pouvoir de perforation sur plaques d'acier. Diverses versions de ce projectile présentant des puissances et des performances adaptées aux besoins des utilisateurs ont été réalisées.
Figure V-I-II-1/4 - Coupe du projectile PAR
Figure V-I-II-1/5 - Pouvoir de perforation du projectile PAR
Les projectiles dont le calibre offre suffisamment de volume permettent d'ajouter quelques éléments pyrotechniques leur conférant, en plus d'un pouvoir de perforation, un effet explosif et incendiaire, tel le projectile de 12,7x99 mm APEI (armour piercing explosive incendiary).
Figure V-I-II-1/3 - Projectile de 12,7x99 mm APEI
V-I-II-2 LES MUNITIONS CONTRE LES BLINDAGES LOURDS
Selon le principe de la lance et de la cuirasse, l'évolution des munitions perforantes antichars a suivi celle des blindages. Parmi ces munitions, on pourra retenir les plus classiques :
Les obus perforants explosifs ;
Les obus explosifs à tête à écrasement HESH ;
Les obus à charge creuse ;
Les obus sous-calibrés ;
L'obus flèche.
La recherche et les développements dans ce domaine ont été prolifiques. Dans un cours exposé, il serait illusoire de vouloir être exhaustif. De fait, nous passerons en revue des classes de munitons et, parmi ces classes, celles qui à notre avis méritent une attention particulière.
V-I-II-3 LES OBUS PERFORANTS ET PERFORANTS EXPLOSIFS - AP - APHE
• Les obus perforants AP et les obus perforants explosifs APHE – Armour Piercing High Explosive
Les projectiles perforants sont constitués d'un élément capable de percer un blindage, le pénétrateur. L'élément perforant peut être l'obus dans son intégralité et, dans ce cas, on parle traditionnellement de boulet, bien que sa forme ne soit pas sphérique. Si le profil du pénétrateur est peu aérodynamique, l'avant de l'obus est constitué d'une coiffe aérodynamique qui s'écrase à l'impact. Les tout premiers obus perforants étaient en fait des boulets pleins. On parle alors de munitions perforantes ou de rupture, compte tenu de leur mode d'action, ou encore AP pour Armour Piercing. L'image ci-dessous montre un obus de rupture fiché dans le blindage d'un char Tigre.
Figure V-I-II-2/1 - Obus AP
Dans des versions ultérieures, plus perfectionnées, l'élément perforant contient un explosif fortement flegmatisé initié, avec un temps de retard, par une fusée de culot après pénétration dans la cible. On parle alors de munitions APHE pour Armour Piercing High Explosive.
Ce type d'obus est capable de perforer le blindage d'un char et d'exploser à l'intérieur. Il produit un effet antipersonnel sur l'équipage et, souvent, entraine la détonation par sympathie des munitions stockées à l'intérieur.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'évolution des blindages a rendu ce type de munitons obsolètes.
La figure V-I-II-2/1 présente le schéma d'un obus APHE.
Figure V-I-II-2/2 - Obus APHE
• Les obus explosifs à tête à écrasement HESH – High Explosive Squash Head
Les obus HESH pour High Explosive Squash Head, que l'on peut traduire par Obus Explosifs à Tête à Ecrasement sont devenus obsolètes du fait de leur faible efficacité contre les blindages modernes. Leur mode de fonctionnement est néanmoins intéressant car il s'appuie sur un effet antipersonnel que l'on peut qualifier d'indirect.
Ce sont des obus explosifs dont l'ogive contient une substance inerte s'écrasant à l'impact et permettant ainsi un retard pour l'initiation de la charge explosive par la fusée située à l'arrière (fusée de culot). L'explosion de l'obus, lorsqu'il est en contact avec le blindage, provoque, dans ce dernier, des ondes de contrainte. Les premières sont réfléchies au moment où elles atteignent l'extrémité opposée du blindage, la surface distale, du fait de la rupture d'impédance mécanique. Lors de leur retour, elles interfèrent avec celles venant de la face externe. Ce systèmes d'ondes de contrainte complexe entraine une fragmentation de la face interne du blindage et un effet antipersonnel, même sans perforation.
Figure V-I-II-2/3 - Obus HESH
Figure V-I-II-2/4 - Effets d'un obus HESH
Il est à noter que, lors de la détonation d'un HESH, l'effet de l'explosion est réparti sur une surface relativement importante. Les nouveaux blindages supportent ce genre de contraintes. L'idée est née qu'au lieu de disperser l'énergie de l'explosion, il serait plus efficace de la concentrer sur une zone réduite. On s'est donc tourné vers les charges creuses.
V-I-II-4 LES OBUS A CHARGES CREUSES
Ces obus contiennent une charge explosive configurée de manière que l'on obtienne, au moment de l'impact, une focalisation de l'énergie de l'explosion sur une surface très réduite du blindage afin d'accroître le pouvoir de perforation. Ces charges sont appelées charges creuses ou charges formées. Leur fonctionnement mérite que l'on s'y arrête un moment.
• Historique des charges creuses
Comme dans de nombreux domaines scientifiques, la découverte de l'effet de charge creuse est discuté voire disputé. Bien que les Anglais l'attribue à DAVY (1778-1829) et que l'on parle souvent de l' "effet MUNROE" ou de l' "effet NEUMANN", il semble que le premier document publié et connu soit de Max von FORSTER.
Il s'agit d'une brochure parue à Berlin en 1883 dans la revue Dingler's Polytechnisches Journal sous le titre "Versuch über geprefster Schiefsbaumwolle (Recherches sur le Coton-Poudre comprimé)". Il semble, néanmoins que le théologien philosophe et mystique Franz Xaver von BAADER, titulaire d'un diplôme d'ingénieur de l'Ecole des mines de Freiberg, ait proposé, avant 1790, l'usage de charges d'explosives en forme de dôme dans le domaine de l'exploration géologique.
Il n'en demeure pas moins que le nom le plus souvent associé à la découverte de l'effet de charge creuse est celui de Charles E. MONROE, même si Max von FÖRSTER l'aurait devancé de quelques années. MONROE avait constaté, lors d'une expérimentation, que lorsque une charge d'explosif détonait alors que la face qui portait des inscriptions en creux était en contact avec une plaque de métal, ces inscriptions se retrouvaient en creux et en miroir sur la plaque. Il n'en fallait pas plus pour continuer les essais. Il constata ainsi que, lorsque la face de la charge explosive qui était en contact avec le métal comportait une cavité, une cavité était également observée sur le métal après la détonation. Il constata également que si on éloignait la charge, la cavité devenait plus profonde, jusqu'à ce que cet effet disparaisse au delà d'une certaine distance. Ce comportement était tout différent de ce que l'on pouvait observer avec une charge explosive dont une face plane était en contact avec l'éprouvette. En effet, dans ce cas, l'effet de l'explosion diminuait avec la distance.
Résumé des particularités des charges creuses
La face en contact avec l'éprouvette est plane. Après la détonation, on constate un martelage plus ou moins important, selon la puissance de la charge explosive ;
La face en contact avec l'éprouvette comporte une cavité. On observe, après l'explosion de la charge, qu'un cratère a été formé dans le métal ;
La face en contact avec l'éprouvette comporte la même cavité qu'en A, mais la face de la cavité a été recouverte d'une couche de métal. Après la détonation, on constate que la cavité produite dans le métal est plus profonde qu'en B ;
La charge n'est plus en contact avec l'éprouvette mais a été éloignée. La détonation a produit un cratère plus profond et plus étroit qu'en C.
La figure, ci-dessous, résume le phénomène observé.
Figure V-I-II-4/1 - L'effet charge creuse
Depuis, de nombreuses études ont été menées et plusieurs théories ont été proposées pour modéliser ce que l'on observait lors des expérimentations.
• Le principe des charges creuses
Une charge creuse est une charge explosive conçue de telle manière qu'elle présente une cavité en regard de la cible. Lors de la détonation, une cavité est produite dans le matériau de la cible.
A l'époque, en l'absence de moyen de visualisation d'un phénomène aussi rapide, la meilleure explication trouvée était une focalisation de l'énergie de l'explosion. Lors de cette dernière, au moment où l'onde de détonation atteint le sommet de la cavité, les gaz se rejoignent et forment un jet de forte densité, animé d'une haute vitesse ayant un effet à distance.
Presque par hasard, un chercheur, qui avait recouvert la face de la cavité par du métal afin d'éviter une perte d'explosif, constata une augmentation de la profondeur de la cavité sur l'éprouvette. En plus de l'effet des gaz, le matériau de revêtement de la cavité de la charge semblait se comporter lui-même comme un dard.
On en arrive au schéma de base d'une charge creuse qui est présenté dans la figure ci-dessous.
Figure V-I-II-4/2 - Schéma de charges creuses à cavité conique et hémisphérique
• La formation du jet. L'exemple d'une cavité conique dotée d'un revêtement
Nous avons choisi de prendre pour exemple une cavité conique car très répandue. Nous pourrons extrapoler cet exemple à d'autres formes de cavités tout en gardant à l'esprit que les résultats sur cible pourront différer notamment en ce qui concerne le diamètre du cratère obtenu ainsi que sa profondeur.
Lorsque l'onde de détonation atteint le sommet du cône, le jet commence à se former par retournement du matériau de revêtement. Lorsque le retournement est complet, le matériau forme un jet de nature viscoplastique. Les observations montrent qu'il existe un gradient de vitesse entre la tête du jet, qui peut atteindre une vitesse de l'ordre de 10 000 m/s, et la queue dont la vitesse est de l'ordre de 2000 à 3000 m/s. Ce gradient de vitesse entraîne un étirement du jet qui peut aller jusqu'à sa rupture et provoquer sa fragmentation, ce qu'il faut éviter. En effet, le pouvoir de pénétration de ce jet est, parmi d'autre paramètres, proportionnel à sa longueur. Il est donc nécessaire d'utiliser pour le revêtement de la cavité un matériau à grande ductilité, c'est à dire capable de subir un fort étirement avant rupture.
La figure ci-dessous présente un schéma de principe de la formation du jet.
Figure V-I-II-4/3
• La ductilité du matériau du revêtement de la cavité
La ductilité est la capacité pour un matériau de subir une déformation plastique, c'est à dire irréversible, avant rupture. Elle est à rechercher pour le matériau de revêtement. C'est un facteur essentiel puisque qu'il existe dans le jet un gradient de vitesse entre la tête et la queue et que le pouvoir de pénétration du jet est proportionnel, pour une masse donnée, à sa longueur.
De nombreuses études ont été menées pour trouver le matériau de revêtement le plus adapté. Cependant, il est nécessaire de tenir compte d'autres facteurs que la ductilité notamment une forte densité et une vitesse du son élevée dans le matériau, cette dernière propriété ayant une influence sur la vitesse de la tête du jet, donc du pouvoir de perforation.
Le matériau le plus ductile est l'or. Un gramme d'or permet d'obtenir un fil de 2000 mètres de long. Des tests ont été réalisés avec l'or et avec d'autres matériaux présentant d'autres avantages. On notera en particulier le molybdène, le tungstène, le cuivre, le tantale et l'uranium appauvri pour sa densité élevée. Nous avons nous-mêmes constaté l'efficacité du verre pour des charges cylindriques ou de l'acier industriel pour des charges coupantes. Dans certaines charges tandem, le nylon, comme revêtement de la charge frontale, a été testé avec succès en accroissant, par rapport au cuivre, le diamètre du cratère dans lequel pouvait s'exercer l'action du jet de la charge arrière. En ce qui concerne l'or, si des tests ont été réalisés avec, il ne semble pas, pour des raisons assez évidentes, que des charges militaires soient réalisées avec ce métal.
• L'interaction entre la charge creuse et le blindage
La perforation d'un blindage par des projectiles lancés par des armes à feu classiques, c'est à dire animés d'une vitesse généralement inférieure à 1000 m/s, constitue une déformation plastique qui relève de la mécanique des solides. Pour réaliser cette perforation, on envoie un projectile fabriqué à partir d'un matériau très dur sur une cible réalisée dans un matériau plus malléable.
On observe que, lorsque l'on augmente la vitesse d'impact d'un projectile, on entre dans une phase intermédiaire entre la dynamique du solide et celle des fluides. La limite n'est pas franche, mais on a tendance à donner la vitesse de 1200 m/s environ comme une frontière raisonnable. Parmi les chercheurs ayant travaillé sur le sujet, on parle d'Hermann GERLICH qui, grâce au développement d'un canon particulier, a pu lancer des projectiles de calibre 70 mm, destinés à la lutte antichar, à des vitesses de l'ordre de 1800 m/s. Les observations ultérieures ont permis d'établir que pour ces vélocités et au-delà, l'importance de la dureté des projectiles s'effaçait au profit de leur vitesse et qu'un projectile réalisé dans un matériau mou pouvait, pourvu qu'il aille assez vite, pénétrer dans un blindage dur.
Pour les charges creuses, compte tenu de la vitesse de la pointe du jet, on a pu considérer que l'on était en plein dans la dynamique des fluides. En réalité, l'application stricte des équations de la mécanique des fluides ne rend pas correctement compte des observations pour l'ensemble du phénomène. Il est donc nécessaire de les modifier quelque peu.
Les paramètres influençant l'efficacité de la charge creuse
Un certain nombre de paramètres agissent sur l'efficacité d'une charge creuse. On retiendra notamment :
L'explosif : l'explosif présentant la plus grande vitesse de transformation permet les meilleures performances ;
La longueur de la charge : pour obtenir l'effet désiré, il faut la quantité d'énergie, donc d'explosif nécessaire. De plus, la hauteur de la tête, c'est à dire la distance entre le système d'initiation et le sommet de la cavité doit permettre la formation d'une onde de détonation la plus homogène et plane possible ;
Le confinement de la charge : l'épaisseur et la géométrie du confinement sont déterminant afin d'obtenir une pression de détonation et une propagation de l'onde de détonation adéquates plane et homogène ;
Le système d'initiation : il doit être placé à l'arrière et à une distance déterminée du sommet de la cavité. L'initiation peut être réalisée en un seul point ou en plusieurs ;
La forme de la cavité : la forme conique est la plus utilisée. Il existe des cavités en forme de trompette voire à formes variables sur leur longueur. Dans le cas de cavités coniques, la valeur de l'angle au sommet a une influence sur la forme du jet et donc sur le diamètre et la profondeur du cratère obtenu sur la cible, voir plus bas la figure V-I-II-4/4. L'angle est adapté à l'effet recherché. La distance entre la base de la cavité et la cible est déterminante car elle doit permettre la formation du dard tout en évitant sa fragmentation ;
La nature du revêtement de la cavité et son épaisseur : le matériau est choisi en fonction de sa ductilité et de sa densité. La vitesse globale du son dans le matériau est également à prendre en compte, les études de Carleone et Chou établissant dans un rapport du BRL datant de 1981 que la vitesse de la pointe du jet est 2,41 fois la vitesse du son dans le matériau. Les méthodes de fabrication ont leur importance. Des revêtements bi matériaux ont été utilisés.
Une charge creuse est donc un système de haute technologie. Cependant, il est à noter que des tests sur des charges improvisées ou "de fortune" auxquels nous avons participé ont montré que de très bons effets de charges creuses ont pu être obtenus tout en s'affranchissant d'un certain nombre de paramètres décrits ci-dessus. Certes les résultats obtenus étaient vraisemblablement inférieurs à ceux que l'on aurait pu atteindre avec la même quantité d'explosif conditionnée dans une charge fabriquée industriellement, mais les résultats étaient très satisfaisants.
L'effet "charge creuse" permet d'avoir une action à distance, de l'ordre de quelques diamètres de la charge selon l'effet escompté. La question se pose donc naturellement de savoir s'il serait possible d'obtenir un effet semblable à plus longue distance. La réponse est oui et cette possibilité est donnée par les charges dites "plates".
La figure ci-dessous montre la variation de la forme du jet en fonction de l'angle au sommet de la cavité conique.
Figure V-I-II-4/4 - Forme du jet en fonction de l'angle au sommet de la cavité
• Aller plus loin avec les charges plates
Avec les charges plates, nous entrons dans le domaine des charges génératrices de noyau ou des projectiles formés par explosion, les EFP pour Explosively Formed Projectiles.
Le principe des charges plates est assez proche de celui des charges creuses sauf que la cavité a été remplacée par un disque métallique généralement en cuivre. La charge d'explosif est configurée et initiée de façon à produire une onde de détonation plane, se déplaçant perpendiculairement d’avant en arrière, et permet d'envoyer à très haute vitesse, de l’ordre de 2000 à 2500 mètres par seconde, le disque et obtenir un effet antichar à quelques dizaines de mètres de distance. Le concept de mine antichar à action horizontale est né. Notons qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre les mots "action horizontale". En effet, les sous-muntions antichars d'obus de même que certains missiles également antichars ont une action à distance plutôt verticale.
Le terme de charge plate n’est toutefois pas vraiment adapté. Le disque est matricé de telle manière qu’il présente une face concave et une autre convexe, comme une assiette, nom qu’on lui donna souvent. Cette assiette est disposée à l'avant de la charge de telle manière que la face concave soit tournée vers la cible.
La figure ci-dessous présente le schéma d'une charge plate.
Figure V-I-II-4/5 - Schéma d'une charge plate
Les charges plates aux surprenants effets
L'Ingénieur Militaire en Chef de 1ère Classe Pierre DEFRANCE, lors d’une conférence en 1951, exprime ainsi l'étonnement des expérimentateurs lors de la découverte de l'effet des charges plates :
« L’effet de la charge plate, agissant à grande distance de son point d’explosion, a paru à ceux qui ont pu en être témoins encore plus étonnant que celui des charges creuses. Qu’une mine statique puisse percer à cent mètres une plaque d’acier à blindage de plusieurs centimètres d’épaisseur, que l’expérimentateur puisse même prétendre viser la plaque, de dimensions malgré tout réduites et l’atteindre, voilà qui bouleversait bien des idées sur l’utilisation des explosifs. »
Tout est dit dans cette citation.
• Vers une meilleure compréhension du phénomène
A la fin des années 1940 et au début de la décennie suivante, les méthodes de visualisation à haute vitesse permettant d’observer le phénomène et notamment le moment de l’impact n’étaient pas suffisamment développées. On se contentait généralement de constater le résultat en cible et, à partir de là, d’interpréter pour ne pas dire d'imaginer l’ensemble du phénomène. Les premiers rapports ont tendance à montrer que l’on considérait que le disque était propulsé sans déformation notable et qu’il atteignait la cible dans son état pratiquement initial.
Cette idée venait du fait que l'on observait sur le blindage un orifice d'un diamètre très proche de celui du disque. On sait maintenant que, dans certaines configurations expérimentales, le disque est déformé et que les bords sont retournés vers l'avant à la manière de la lettre W.
La figure ci-dessous, montre les phases de déformation du disque durant son vol.
Figure V-I-II-4/6 - Déformation du disque durant son vol W formation (Hallquist 1980)
• Les charges génératrices de noyau - Les projectiles formés par explosion
On les appelle également projectiles auto formés et les EFP (Explosively Formed Pojectlles) chez les anglo-saxons.
De nos jours, la simulation numérique associée à l’imagerie à haute vitesse permet une maîtrise fine du phénomène, de l’instant de la détonation au moment de l’impact en cible. On sait maintenant que, pour certaines configurations du disque, il se déforme pour former un pénétrateur. De plus, les moyens informatiques modernes permettent d'effectuer des simulations et de réaliser ainsi une économie de temps et d’argent. Voir les deux figures ci-dessous.
Figure V-I-II-4/7 - Formation du pénétrateur - Simulation Th. BOUET, P. TARAYRE, J.P. GUILLON
• Les perfectionnements du pénétrateur
La détonation de la charge crée, par interaction avec le disque métallique, un pénétrateur doté, de par sa vitesse initiale (Vo ≈ 2000 à 2500 m/s), d'un fort pouvoir de perforation sur des blindages situés à plusieurs dizaines de mètres de distance. Mais tout est loin d'être dit. En effet, tout naturellement des problèmes surgissent. Ils concernent principalement la perte de matière du disque métallique et le besoin d'améliorer la précision.
Eviter l'écaillement du disque
Lorsque l'onde de détonation atteint le disque, elle provoque au sein du matériau des contraintes mécaniques conduisant à l'écaillement de la face avant. Ce phénomène est à l'origine d'une perte de masse. Le pénétrateur voit son énergie cinétique diminuée alors que son pouvoir de perforation en dépend directement.
Une solution à ce problème consiste à ajouter, à l'avant, un second disque de densité plus faible. Si le rendement énergétique global est moindre du fait de la présence du disque avant, cette perte est largement compensée par la conservation de la masse du disque arrière et donc de son énergie cinétique. Cette méthode à été développée en France par le GIAT (actuellement NEXTER).
Améliorer l'aérodynamisme du pénétrateur
La détonation de la charge crée un noyau dont la forme approximative est celle d'un barreau, d'allongement compris entre 3 et 5 et de vitesse initiale élevée (V0 ≈ 2000 à 2500 m/s). Pour conserver toute son efficacité, ce noyau doit posséder des qualités aérodynamiques qui lui permettront de rester stable sur sa trajectoire et d'atteindre la cible avec précision.
On a donc cherché à doter ce noyau d'une zone arrière stabilisatrice en forme de jupe. Ce jupage a été rendu possible en amincissant les bords du disque. Cependant, ce jupage présente généralement un profil irrégulier de nature à nuire à la précision.
Des méthodes ont été développées notamment aux Etats-Unis afin de créer un jupage symétrique formant un empennage. Pour ce faire, le disque métallique doit être usiné très précisément en créant des zones de moindre épaisseur qui, à l'arrivée de l'onde de détonation, produiront des pliures qui formeront ensuite des ailettes. Cette méthode demande un mode de fabrication complexe et coûteux.
En France, on a cherché une méthode moins complexe en plaçant des inserts dans la charge. Ces éléments sont disposés de telle manière que l'onde de détonation se propageant entre ceux-ci et le revêtement ne soit plus une surface de révolution mais présente une distribution de pression ayant une symétrie de révolution autour de l'axe de la charge. Ce dispositif permet, lors de la détonation, de plier le revêtement de telle manière que soit créée une jupe munie d'ailettes stabilisatrices (brevet GIAT).
L'image ci-dessous montre un exemple de formation d'un jupage symétrique.
Figure V-I-II-4/8 - Formation du jupage du pénétrateur -Simulation
Les recherches sur l’effet de charge creuse puis plate ont permis de développer des dispositifs capables de perforer des blindages à des distances pouvant aller de quelques centimètres à plusieurs dizaines de mètres telles les mines antichars à action horizontale.
L'intégration de la charge génératrice de noyau (EFP) dans la haute technologie
De nos jours les EFP sont utilisés par les technologies modernes telles que les obus BONUS développés par NEXTER, en France, ou les missiles antichars suédois N LAW conçus par la société Saab Bofors Dynamics et fabriqués par la société Thales Air Defence.
L'évolution de la technologie permet d'envoyer à plusieurs dizaines de kilomètres, grâce à des obus-conteneurs, une charge génératrice de noyau. Commandée par une électronique sophistiquée, elle est capable de sélectionner une cible en mouvement et de la détruire. Nous voulons parler de l'obus de 155 mm BONUS emportant deux charges génératrices de noyau fabriqué par NEXTER en France et Bofors en Suède. Ci-dessous sont présentées sommairement les caractéristiques (sources NEXTER et BAE Systems) de cette munition et son efficacité dans sur le terrain.
Figure V-I-II-4/9 - Caractéristiques de la charge
Figure V-I-II-4/10 - L'obus BONUS et ses deux sous-munitions
Destruction d'un char d'assaut par une sous-munition d'un obus BONUS
L'effet charges creuse et plate ayant été présenté, retournons un peu en arrière et revenons aux obus à charges creuses.
Pour atteindre des véhicules blindés situés à de grandes distances, nous devons revenir aux armes à feu classiques, seul moyen de mettre en oeuvre ces charges spéciales en les envoyant sur la cible.
• Aller encore plus loin avec les obus
L'efficacité des charges creuses ayant été démontrée et les paramètres influençant leurs performances définis, il restait à trouver un moyen de les envoyer à distance sur les blindés.
Dans les années 1940 avaient été développées des grenades magnétiques à charge creuse, comme la grenade allemande "Hafthohlladung 3 et 3.5", que le fantassin devait placer sur le char. Il revient à la France d'avoir mis en service, en 1941, la première grenade à fusil antichar à charge creuse. Les lance-roquettes antichars permettaient d'accroître la portée du tir mais l'obus restait cependant le meilleur moyen d'atteindre de longues distances de tir. Au cours de leur développement, une difficulté majeure allait apparaître.
• Le problème de la charge creuse dans les obus gyrostabilisés et la solution : l'obus G
Ce problème a été constaté dès lors que l'on a souhaité créer des obus à charge creuse. Le mode de fonctionnement des charges creuses et la gyrostabilisation des obus se sont avérés incompatibles. Cette difficulté a été résolue en France de manière remarquable.
Dans son ouvrage sur l'armement de gros calibre, l'ingénieur en chef de l'armement Michel TAUZIN relate qu'en 1945 on avait constaté que les charges creuses montées dans des projectiles d’artillerie à stabilisation gyroscopique, tirés par des canons rayés, avaient une efficacité très inférieure à celle des roquettes d’infanterie de lutte antichar à courte portée qui, elles, étaient stabilisées par un empennage. Mais on n’en connaissait pas la raison.
Ce problème sera étudié au LRSL (Laboratoire de recherches de Saint-Louis) par le Professeur SCHARDIN et son équipe de personnels allemands qui ont accepté de venir travailler en France avec leur matériel de laboratoire dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Pour information, le Laboratoire de recherches de Saint-Louis (LRSL), devenu plus tard l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) a été créé officiellement en 1958 en associant des chercheurs en allemands et français dans le domaine de l'armement. Du côté allemand, les précurseurs ont été, dès mai 1945 et sur proposition de la France, le Professeur Hubert SCHARDIN scientifique, expert en balistique et son équipe. Ils furent installés dans des locaux industriels à Saint-Louis dans le Haut-Rhin, commune limitrophe de la frontière allemande. Initialement considéré comme laboratoire "Annexe du Laboratoire Central de l'Armement", placé sous la direction du Chef d'Escadron CASSAGNOU, le centre devint le "Laboratoire de Recherches de Saint-Louis" (LRSL). Cet institut, que nous avons eu le plaisir de fréquenter, a toujours été à la pointe de la recherche dans les domaines scientifiques touchant à l'armement. Refermons cette parenthèse et continuons sur les problèmes de cohésion du jet de la charge creuse.
• Désagrégation du jet des charges creuses en rotation
L’examen du jet d'une charge creuse en vol, grâce au procédé de radiographie-éclair mis au point par le Professeur Schardin, donnera la clé du problème : la force centrifuge née de la rotation du projectile désagrège le jet et le disperse. La perte de pouvoir perforant est sensible à partir des vitesses de rotation de l’ordre de 20 à 25 tours par seconde alors que les vitesses de rotation nécessaires à la stabilisation des obus sont de plusieurs centaines de tours par seconde.
On en arrive donc à la conclusion qu’une charge creuse montée dans un projectile gyrostabilisé ne pourra être efficace que si elle est indépendante du corps extérieur de l’obus.
L’étude d’un concept de projectile satisfaisant à cette condition est entreprise à Saint-Louis par un ingénieur allemand nommé Gessner d’où le nom d’obus G attribué à cette variété de projectiles. Le principe général est simple dans son énoncé, mais la réalisation pratique est difficile car la partie intérieure du projectile qui contient la charge creuse ne peut pas être totalement indépendante du corps extérieur. Ce sera le mérite du LRSL de trouver la solution pour que les frottements de liaison entre le corps extérieur et le corps intérieur n’engendrent pas de vitesse de rotation de la charge creuse supérieure à 20/25 tours par seconde au moment de l’impact.
Les recherches rendront possible la réalisation d'un projectile d'artillerie, à charge creuse, gyrostabilisé, ayant à toute distance un pouvoir de perforation de l'ordre de quatre fois le calibre de cette charge. En 1955, l'obus G de 105 mm, destiné au char AMX 13, est tiré pour la première fois à la vitesse initiale de 800 m/s. La validité opérationnelle du couple canon-munition est confirmée :
Dispersion de l’ordre de 1/1000 à 1 000 m et de l’ordre de 1.3/1000 à 1 400 m ;
Perforation de l’ordre de quatre calibres de la charge creuse, c’est-à-dire que l’on est assuré avec ce projectile de percer à toute distance 180 mm de blindage sous 60° d’incidence.
Pour atteindre ces performances, il a fallu mettre au point un système astucieux afin que charge creuse et gyrostabilisation puissent cohabiter.
• Un obus à charge creuse montée sur roulements à billes
C'est souvent de cette manière que nous est présenté cet obus. C'est en partie vrai. Mais, au départ du coup, l'accélération subie par l'ensemble a tendance à accroître les frottements entre la partie intérieure contenant la charge creuse et le corps extérieur en rotation. Ce dernier a tendance à entrainer la charge creuse dans sa rotation. Il a donc fallu ajouter au système de liaison par roulements à billes un dispositif permettant de désolidariser au maximum les parties intérieure et extérieure. Ce dispositif dont l'importance capitale est généralement masquée par le principe, original et mieux compréhensible, des roulements à billes, consiste en l'ulisation des gaz propulsifs par l'intermédiaires d'évents. Ces derniers compensent la force d'inertie subie par la partie intérieure et qui a tendance à accroitre les frottements.
La figure ci-dessous donne le plan d’ensemble de l'obus G. Nous avons marqué en rouge les éléments (roulements et évents d'entrée et de sortie des gaz) permettant de minimiser les forttements entre la partie intérieure contenant la charge creuse et la partie extérieure.
Figure V-I-II-4/11 - Schéma de l'obus "G"
L'ingénieur en chef de l'armement TAUZIN en rappelle brièvement le principe :
Un corps extérieur portant la ceinture est entraîné en accélération longitudinale et en rotation (de l’ordre de 300 tours par seconde) ce qui lui confère l’énergie de rotation nécessaire à la stabilisation de l’ensemble ;
Un corps intérieur portant la charge creuse repose par des roulements à billes sur des paliers qui font partie du corps extérieur. Ainsi le corps intérieur n’est-il pas, ou seulement peu, quelques tours par seconde, entraîné en rotation et il conserve sa capacité de perforation.
On comprend sans peine les nombreux obstacles qu’il aura fallu vaincre afin d'assurer la dissociation entre la partie intérieure de l'obus contenant la charge creuse et le corps extérieur en rotation et ce durant toutes les phases du tir. Ces obstacles portent essentiellement sur deux aspects du projet :
Le fonctionnement mécanique qui vise à assurer une rotation quasi nulle au corps intérieur. La disposition capitale pour y parvenir consiste en des évents dans le culot du corps extérieur permettant l’admission des gaz de poudre qui poussent le corps intérieur vers l’avant et évitent ainsi son entraînement en rotation par frottement ;
Le fonctionnement pyrotechnique qui exige une quasi instantanéité du fonctionnement (moins de 30 microsecondes) entre l’impact et la détonation de la charge creuse, une performance jamais réalisée à l’époque et qui conduira au développement d’une fusée piézoélectrique complètement nouvelle. Ce délai d'amorçage de la charge doit, en effet, être compatible avec une distance d'action convenable, afin de permettre la bonne formation du jet de la charge creuse, malgré la grande vitesse à l'impact.
Les qualités et les points faibles de l'obus G
L'obus G fut adopté en 1961 sous le nom de OCC 105 F1. S'il présentait d'indéniables qualités, on était également obligé de constater quelques points faibles.
Les qualités
La très haute capacité de perforation. L'obus de 105 mm "G" perfore régulièrement la plaque de test OTAN 152 mm à 64°20' à toutes distances et avec un effet arrière significatif ;
La très bonne précision : un H+L
couramment inférieur à un millième à toutes les distances de tir. Cette précision est vraisemblablement due au fait que toutes les pièces étant usinées, il n'existait pratiquement aucun balourd. La fiable pression à la bouche contribuait également à cette précision du tir.
Les points faibles
La vitesse initiale (V0) et donc la portée utile au combat (PUC) est faible au regard des vitesses initiales permises par les obus à énergie cinétique et notamment les sous-calibrés utilisables sur les mêmes véhicules.
Sur le char AMX 13 :
- V0 avec le 105 G : 800 m/s ;
- V0 avec le perforant de 75 mm : 1000 m/s ;
- V0 avec le sous-calibré de 75/54/40 : 1310 m/s.
Sur char moyen tel que AMX 30, Leopard 1 ou Centurion :
- V0 avec le 105 G : 1000 m/s ;
- V0 avec le sous-calibré anglais : 1475 m/s ;
Même si la très bonne précision de l'obus G masque quelque peu sa faible vitesse initiale et donc sa portée utile au combat, il n'en demeure pas moins que de sérieux concurrents, tant sur le plan balistique que sur celui de la réalisation industrielle, pointaient leur ogive. Les obus sous-calibrés montraient indéniablement leur supériorité.
Sur le plan balistique, la raison de leur supériorité est imparable. La probabilité d'atteinte, sur objectif fixe, est liée à la dispersion, elle-même dépendante de la portée utile au combat – soit, en mètres, un peu plus que la vitesse initiale V0 en mètres par secondes –, donc finalement de la vitesse initiale. Et la vitesse initiale des obus sous-calibrés est bien supérieure à celle des obus à charge creuse.
Une étude paramétrique sur l'efficacité du char AMX 13 armé soit de l'obus "G" (V0 = 800m/s) soit de l'obus sous-calibré (V0 = 1310 m/s) avait montré la supériorité incontestable du sous-calibré.
Le seul reproche que l'on puisse faire à l'obus G est la fierté qu'il avait suscité, en France, d'avoir réalisé un projectile aussi complexe, tant dans ses aspects mécaniques que pyrotechniques, qui restera sans équivalent dans le monde. Durant un certain temps, l'obus G éclipsera donc les travaux que la France réalisait néanmoins sur les munitions sous-calibrées.
Il ne faudrait cependant pas imaginer que la France s'entêtait sans raisons rationnelles sur les obus à charges creuses, quel que soit leur mode de stabilisation. Ces munitions étaient, en fait, capables d'excellentes capacités de perforation tout en imposant, au départ du coup, une quantité de mouvement acceptable par les blindés légers, notamment l'auto mitrailleuse légère de calibre 90 mm ( AML 90) qui remportait un vif succès à l'exportation.
Quoi qu'il en fut, les autres grandes nations de l'OTAN (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne) avaient choisi le canon anglais 105L7A1 et sa munition sous-calibrée ADPS (Armor Piercing Discarding Sabot) c'est à dire l'obus perforant à sabot détachable.
Les performances des obus sous-calibrés étaient évidentes, mais ceux à charge creuse n'avaient pas dit leur dernier mot. Surtout si l'on abandonnait la stabilisation gyroscopique au profit de celle par empennage.
• Les obus à charge creuse stabilisés par empennage
La solution proposée par l'obus G était élégante et efficace, mais son industrialisation était compliquée. Il était nécessaire d'envisager une méthode plus simple d'assurer la stabilité du projectile sur sa trajectoire. On s'est donc penché sur un autre mode de stabilisation bien connu : l'empennage. L'étude se montrait néanmoins complexe car les seuls projectiles empennés connus étaient ceux des lance-roquettes antichars et des mortiers, tous subsoniques. Il fallait défricher le domaine des projectiles empennés supersoniques.
Si la mise au point n'est pas simple, le principe, par contre l'est. Il existe deux systèmes. Soit l'obus est muni d'un empennage qui se déploie à la sortie du canon. C'est le cas, par exemple de l'obus soviétique présenté dans l'image ci-dessous, Figures V-I-II-4/12 et V-I-II-4/12-bis. Soit l'empennage est au calibre, comme sur l'obus français modèle 62, présenté également ci-dessous, Figure V-I-II-4/10.
Figure V-I-II-4/12 - Obus russe 125mm-BK-14
Figure V-I-II-4/12-bis - Obus russe 125mm-BK-14 en coupe
Notons que les ingénieurs français, perfectionnistes, avaient décidé que, pour optimiser la précision, une légère rotation de quelques tours par seconde était nécessaire afin d'atténuer les défauts d'alignement de l'obus et lui permettre de se maintenir sur sa trajectoire théorique.
V-I-II-5 LES OBUS A ENERGIE CINETIQUE
On sait que, lorsque l'on augmente la vitesse d'impact d'un projectile, l'interaction entre le projectile et la cible correspond à une phase intermédiaire entre la dynamique du solide et celle des fluides. Nous avons évoqué plus haut les travaux d'Hermann GERLICH qui, grâce au développement d'un canon particulier, a pu lancer des projectiles de calibre 70 mm, destinés à la lutte antichar, à des vitesses de l'ordre de 1800 m/s.
Pour atteindre cette gamme de vitesse, on utilise le principe des projectiles sous-calibrés.
• Les projectiles sous-calibrés
Ils entrent dans la catégorie des obus sous-calibrés à sabot détachable ou, autrement dit, APDS (Armour Piercing Discarding Sabot).
Une manière d'accroître la vitesse d'un projectile, pour un même calibre et la même pression dans le canon, est de diminuer sa masse. L'idée est donc de remplacer le boulet perforant au calibre du canon par un élément perforant, éventuellement de même densité, de plus petit calibre inséré dans un sabot réalisé dans un matériau léger. L'ensemble, constitué par l'élément perforant et le sabot, étant de masse plus faible, sa vitesse initiale est plus élevée que celle du boulet. A la sortie du canon, le sabot, sous l'action des gaz et de la force centrifuge, se sépare en plusieurs éléments du pénétrateur qui continue son trajet vers la cible qu'il atteint avec une vitesse supérieure à celle qu'aurait eu le boulet, favorisant ainsi la pénétration. Le pénétrateur est stabilisé par effet gyroscopique. La vitesse de rotation assurant sa stabilité sur sa trajectoire lui est communiquée, au départ du coup, par le sabot. Sur le plan de la performance, la diminution du calibre entraine une traînée aérodynamique plus faible et, à l'impact, une densité surfacique d'énergie plus importante. La perte de masse du fait de la réduction du calibre est largement compensée par l'accroissement de la vitesse qui intervient au carré dans l'expression de l'énergie cinétique. Cette vitesse accrue, selon sa valeur, peut modifier la nature de l'interaction entre le pénétrateur et la cible, favorisant la pénétration.
On trouvera, ci-dessous, quelques exemples de projectiles APDS. On notera le contact conique entre le sabot et le culot du projectile sous-calibré, favorisant ainsi l'entraînement en rotation de ce dernier durant l'accélération dans le canon.
Les obus perforants sous-calibrés avaient montré leur supériorité sur les obus à charges creuses. Ils avaient donc été adoptés par toutes les armées. Mais on ne reste jamais longtemps le meilleur. L'évolution des blindages et notamment l'adoption des blindages réactifs allaient de nouveau changer la donne.
• L'évolution des blindages et la réponse
La recherche sur les métaux ou les alliages de métaux utilisés pour la conception des blindages rend ceux-ci de plus en plus résistants. De plus, l'utilisation des blindages réactifs, constitués de multiples cassettes disposées en avant du blindage classique, conduit à l'obsolescence des obus perforants classiques. En effet, la cassette de blindage réactif, composée d'une couche d'explosif disposée entre deux plaques de métal, détone au moment de l'impact. La plaque extérieure est projetée en direction du pénétrateur, qui se trouve ainsi face à une épaisseur à traverser accrue, et provoque une érosion prématurée voire une dislocation de ce dernier.
Avantage aux Anglo-Saxons
Face à l'accroissement des performances des blindages, les Anglo-Saxons sont en avance. Ils ont mis en service depuis un certain temps un obus sous-calibré à stabilisation gyroscopique (Figure V-I-II-5/1) et ils entreprendront, toujours les premiers et à grande échelle, l'étude d'un sous-calibré très novateur, le projectile flèche. Il s'agit d'un véritable saut technologique augmentant en même temps et considérablement tant la probabilité d'atteinte que celle de destruction.
De leur côté, les Russes utilisent dès les années 1960 un tel projectile pour le char T62, devançant les Américains dont le projectile M735 sera le premier projectile flèche du camp occidental.
Côté français, on est au courant de l’existence de tels développements. D’ailleurs, le LRSL (puis ISL) emploie certains anciens de Peenemünde où des études de projectiles flèches avaient été conduites pendant la Deuxième Guerre mondiale ; mais cette voie de recherche est délaissée pratiquement jusqu’en 1964.
L'arrivée des chars lourds capables de supporter la quantité de mouvement générée par le tir d'un obus flèche allait favoriser le développement et l'adoption de l'obus flèche.
• L'obus flèche
Comme les autres obus sous-calibrés, l'APFSDS (Armour Piercing Fin Stabilised Discarding Sabot) soit obus perforant stabilisé par empennage à sabot détachable, autrement dit, pour faire plus court, l'obus flèche (OFL en français) est un projectile dont l'efficacité sur un blindage n'est due qu'à son énergie cinétique.
Principe de fonctionnement
Si le développement de ce genre de munition est complexe, le principe de fonctionnement est relativement simple à comprendre. On envoie sur une cible, un blindage, un projectile qui n'agira que par son énergie cinétique. L'énergie cinétique d'un projectile dépendant de sa masse et du carré de sa vitesse, l'idéal est un projectile très dense, de très petit calibre pour obtenir la plus grande densité surfacique d'énergie, animé d'une vitesse très élevée (au moins 1500 m/s).
On en arriva à l'idée d'envoyer un barreau cylindrique de très petit calibre et de très grand allongement (15 au moins), à la pointe effilée, constitué d'un matériau très dense (alliage de tungstène ou uranium appauvri) pour optimiser la capacité de perforation.
C’est la densité, l’allongement et la vitesse du pénétrateur qui comptent, pas ses caractéristiques mécaniques. Cela rend d’ailleurs le pénétrateur bien plus facile à fabriquer que ne l’était le noyau en carbure de tungstène inusinable du sous-calibré classique. Un tel projectile très allongé ne peut recevoir qu’une stabilisation aérodynamique qui le fera ressembler à une flèche. Abandonnant la stabilisation gyroscopique, l'obus flèche est tiré dans un canon à âme lisse. On notera cependant que, pour assurer une certaine compatibilité, des sabots à la configuration particulière permettront le tir dans des canons rayés.
Pour atteindre la vitesse nécessaire, on utilise le principe des munitions sous calibrées. En l'occurrence le barreau est enserré dans un sabot de plus fort diamètre réalisé en matériau léger. Ce sabot a pour rôle d'encaisser la majeure partie de la pression des gaz qui génèrent ainsi une importante force de propulsion sur un ensemble sabot et barreau relativement léger pour le calibre du canon. La figure ci-dessous présente un obus flèche.
Figure V-I-II-5/4 - Obus flèche OFL 105 F1 français de 105 mm
Le principe de l'obus flèche permet d'atteindre une vitesse à la bouche du canon de l'ordre de 1500 à 1800 m/s, selon la masse de l'obus. Une fois ce dernier sorti du canon, les gaz provoquent la séparation des éléments du sabot. Le barreau, stabilisé par un empennage, continue son trajet vers la cible.
Dans ces conditions, le mécanisme de perforation du blindage est très différent de celui du perforant classique. Il n’y a plus cisaillement du blindage mais pénétration « hydrodynamique ». Le terme « hydrodynamique » est mis entre guillemets car, comme pour les charges creuses, les équations de la dynamique des fluides ne rendent pas parfaitement compte de l'ensemble du phénomène. Le pénétrateur agit à la manière d’un jet de charge creuse consommé au fur et à mesure de la pénétration.
Parmi les matériaux utilisés pour optimiser la capacité de perforation, on peut citer le tungstène sous forme de carbure ou autres alliages et l'uranium appauvri. Contrairement à ce que laisse supposer certaines propagandes qui relèvent de la guerre de l'information, l'uranium appauvri n'est pas utilisé pour ses supposées propriétés de radioactivité. Son utilisation est principalement liée à sa densité, voisine de celle du tungstène, son relatif faible coût et son effet pyrophorique qui consiste en ce que les particules de ce métal, produites lors de l'interaction avec le blindage, s'enflamment spontanément et ajoutent ainsi un effet incendiaire à celui perforant.
L'évolution de l'obus flèche
En France, le retard initial a été rattrapé. En 1975, la mise au point de l'obus flèche par l'EFAB (Etablissement de Fabrication d'Armement de Bourges) est pratiquement acquise. Elle vaudra à l’Ingénieur en chef Moreau et à l’Ingénieur principal Sauvestre le prix Chanson en 1979.
Les premiers essais portent sur un barreau relativement court, poussé, au sens propre du terme par un sabot. Des problèmes de stabilité apparaissent. Pour s'en affranchir, il faut que l'action du sabot sur la flèche s'exerce bien en avant du centre de gravité. On en arrive donc au principe de la flèche tractée-poussée qui permettra d’atteindre un écart-type de 0,2/1000 m tant en hauteur qu’en direction et de garantir une très bonne probabilité d’atteinte au premier coup jusqu’à 2 000 m au moins. La figure ci-dessous résume l'évolution de l'obus flèche en France.
Figure V-I-II-5/5 - Evolution de l'obus flèche
La première application portera sur la revalorisation de l’armement de l’AMX-30 B2 qui recevra le projectile OFL 105 Mle F1.
Le char Leclerc bénéficiera d’emblée d’une munition flèche aux performances exceptionnelles : l’OFL 120 F1 A :
Vitesse initiale : 1 790 m/s ;
Portée utile : 4 000 mètres ;
Perforations des cibles homogènes et composites des chars lourds et des cibles réactives.
Les derniers perfectionnements de cette munition, réalisés par Nexter Munitions, qui consistent en une optimisation du sabot, un barreau allongé réalisé dans un nouvel alliage de tungstène et un système de propulsion à haute performance confèrent à l'obus antichar 120 SHARD, produit en série depuis fin 2022, un pouvoir de perforation accru combiné à une très haute précision.
Figure V-I-II-5/6 - Obus flèche SHARD
Figure V-I-II-5/7 - Obus flèche SHARD. Séparation des éléments du sabot
Documentation NEXTER
V-II - LA BALISTIQUE LÉSIONNELLE
La balistique lésionnelle est l'étude de l'interaction projectile/tissus vivants. L'analyse systématique des lésions à permis de mettre en évidence un modèle lésionnel : le profil lésionnel.
• La notion de profil lésionnel
Introduit par J. BRETAU et M. FACKLER, le profil lésionnel, illustré ci-dessous, décrit l'interaction entre le projectile et la cible.
Figure V-II / 1
A : trajet proximal (Neck).
B : Zone de bascule ou de champignonnage.
C : Trajet distal.
• Les trois principaux modes d'action d'un projectile
Globalement, lorsqu'un projectile interagit avec une cible, il peut présenter trois sortes de comportements :
1 - La bascule ou retournement ;
2 - L'expansion ;
3 - La fragmentation ;
Ci-dessous se trouve un dessin schématisant ces trois modes d'action.
Figure V-II / 2
Les graphiques ci-dessous sont des résultats d'expérimentations. Ils illustrent la corrélation entre l'attitude du projectile en cible, sa décélération et l'importance des lésions.
Figure V-II / 3
• Différents projectiles, différents effets
On dote les projectiles de formes et de structures diverses selon l'effet souhaité en cible.
Figure V-II / 4
* Les projectiles ci-dessus ne sont pas à l'échelle.
• Les tests - Les matériaux de référence
Expérimentalement, une méthode d'étude du potentiel lésionnel des projectiles consiste à réaliser des tirs sur des matériaux de référence (gélatine, gels balistiques) appelés un peu abusivement "simulants".
Les analyses des retours d'expériences du terrain concernant les effets lésionnels des projectiles, associées à l'étude de leurs comportements sur "simulants", permettent de générer des matrices de transfert autorisant l'extrapolation des observations sur "simulants" aux effets lésionnels susceptibles d'être constatés sur les tissus vivants.
Ci-dessous, on trouvera deux exemples de tir sur des blocs de gélatine.
Jean-Jacques DÖRRZAPF Ancien chef de l'Unité de Balistique Lésionnelle au Centre Technique de la Sécurité Intérieure Expert près la Cour Pénale Internalionale